Avec « Around Bach », la pianiste marseillaise Amandine Habib ouvre sa discographie de façon originale

Publié le 29 février 2016 à  19h08 - Dernière mise à  jour le 27 octobre 2022 à  22h04

Elle est née à Marseille. Origines tunisienne par sa mère et turque côté paternel. «J’ai été élevée à la marseillaise», confie-t-elle… Table ouverte, amour des bonnes choses, sens du partage « Et, dit-elle, il y a un peu de juif errant chez moi. Un esprit saltimbanque.» Au conservatoire de Marseille elle travaillera avec Nathalie Lanoë, Édouard Exerjean et Bruno Rigutto. Professeur à La Ciotat, elle mène aussi une carrière de concertiste, soliste et chambriste. Son premier enregistrement, de grande personnalité, est sorti il y a cinq mois. Un peu après l’arrivée de son premier enfant. Qui devrait être prochainement rejoint par un petit frère ou une petite sœur. Rencontre.

Amandine Habib en concert. Retrouvez-la dimanche matin à 11 heures au musée Cantini à Marseille (Photo Thomas Mabile)
Amandine Habib en concert. Retrouvez-la dimanche matin à 11 heures au musée Cantini à Marseille (Photo Thomas Mabile)

«Around Bach» parce que pour Amandine Habib, son premier enregistrement ne pouvait être que consacré au «père, maître, impressionnant et abordable». Et de Bach, la pianiste marseillaise a choisi partitas et préludes pour réjouir ses auditeurs. Foin de l’académique (et néanmoins somptueux) «clavecin bien tempéré», mais des choses plus légères, joyeuses, profondes mais accessibles. « En fait, confie Amandine, j’ai testé ce programme plusieurs fois en concert et il a toujours eu un beau succès.» Inutile, dès lors, de se creuser les méninges plus avant. La musique de Bach l’accompagnera à nouveau dans cette nouvelle aventure; cette musique qu’elle se prenait à fredonner dans la jungle au Laos, après quelques jours de randonnée à la recherche d’ethnies oubliées.
Car, elle a un petit côté aventurier, la chère Amandine. Et même lorsqu’il s’agit d’enregistrer un CD. «Je voulais un enregistrement qui colle à ma personnalité, poursuit la jeune femme, quelque chose qui n’entre pas forcément dans la norme, un son de concert qui ne dissimule pas la réalité, qui ne lisse pas les choses.» Elle s’est donc mise en quête d’un instrument, d’un piano improbable qui ferait déjà la différence. «J’avais déjà joué un Steingraeber de concert et j’en avais conservé l’image d’un énorme animal sauvage que j’ai apprivoisé petit à petit jusqu’à jouer Bach avec des sonorités étonnantes. Je ne me suis pas dégonflée et suis allée proposer mon projet de disque à Ugo Steingraeber qui, sans hésiter, a mis à ma disposition son plus beau piano de concert et les studios d’enregistrement de sa maison à Bayreuth. La moitié du chemin était faite. Restait à trouver un ingénieur du son qui adhère à mon projet.» Alors, mais pouvait-il en être autrement, Amandine Habib va demander à René Gambini, le père du label marseillais Lyrinx, d’enregistrer avec lui. Ce dernier déclinera pour des raisons de travail et de santé et conseillera à la pianiste de contacter un homologue anglais, Geoff Miles, ingénieur du son réputé, notamment à la radio à Oslo. «Je lui ai expliqué le projet, lui ai dit que je n’avais pas encore de financement mais que j’avais l’instrument et le studio à Bayreuth. Ça a dû l’impressionner et il m’a dit banco…» Dans le même temps, son seul salaire d’enseignante à l’école de musique de La Ciotat n’étant pas suffisant, Amandine Habib lance un appel de financement participatif sur la plateforme « kisskissbankbank ». Avec succès, là aussi. Le tour était donc joué; l’album pouvait être enregistré ; c’est le label Musicube qui se chargerait de l’édition.
Depuis près de cinq mois, «Around Bach» est dans les bacs… Et ne laisse personne insensible. En fait, on aime ou l’on n’aime pas. La demi-mesure est inexistante en matière d’appréciation de l’opus. Les «puristes» trouveront à redire mais ils sont formatés pour ça. La seule question qu’il convient de se poser est de savoir si Bach est trahi, violé, assassiné ? Pour moi la réponse est non. Car s’il n’entre pas dans la norme, s’il s’écarte du formatage trop souvent inhérent à l’interprétation des œuvres du cantor, ce programme, habillement construit, procure de la joie; et de la joie qui demeure. Le toucher d’Amandine Habib est aérien, sensuel et empli de vie. Cette vie qui se perçoit dans les détails d’un enregistrement qui n’a pas été «lissé» au montage. Ainsi peut-on percevoir, parfois, un son échappé de la mécanique du piano ; la vie, quoi; et pas celle d’un musée ou l’odeur de la naphtaline côtoie celle de la poussière. Amandine Habib bouscule même la tradition jusqu’à proposer une plage surprise, comme c’est souvent le cas pour les enregistrements de variétés, après une minute et quelques secondes de sons sourds saisis à Bayreuth un dimanche matin d’enregistrement, fenêtre ouverte. Les cloches d’une église sonnent au loin, des voix étouffées dialoguent dans la rue, un rire, la vie… Puis Bach ! What else?

Michel EGEA

Découvrez « Around Bach » en compagnie d’Amandine Habib le dimanche 6 mars à 11 heures au Musée Cantini, 19 rue Grignan à Marseille (6e).
C’est un rendez-vous « concert/musée » proposé par Marseille Concerts, en partenariat avec la ville de Marseille. Entrée libre.
marseilleconcerts.com

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