Avec l’Orchestre Français des Jeunes baroque, Leonardo García Alarcón invite le Roi Soleil à Aix-en-Provence

Publié le 4 novembre 2015 à  21h15 - Dernière mise à  jour le 27 octobre 2022 à  20h43

Leonardo García Alarcón, le talent, le partage et cette joie toujours renouvelée de travailler sur le répertoire baroque. Un très grand musicien et pédagogue à la direction depuis le clavier de son clavecin (Photo M.E.)
Leonardo García Alarcón, le talent, le partage et cette joie toujours renouvelée de travailler sur le répertoire baroque. Un très grand musicien et pédagogue à la direction depuis le clavier de son clavecin (Photo M.E.)

Sur la planète baroque, le maestro argentin Leonardo García Alarcón compte parmi les plus en vue. A 39 ans, sa réputation n’est plus à faire et les directeurs d’opéras, ou de festivals, se l’arrachent un peu partout dans le monde. L’Orchestre Français des Jeunes baroque a donc l’extraordinaire bonheur de travailler cette année, puis en 2016, sous sa direction pour le moins éclairée. En matière de baroque, Leonardo García Alarcón est un puits de science. Incollable sur l’histoire, grande et petite, des compositions et des compositeurs, il est aussi un extraordinaire musicien doublé d’un pédagogue hors pair. Ce n’est pas pour rien que le conservatoire de Genève s’est attaché ses services pour enseigner le clavecin, qu’il est artiste associé au centre culturel de rencontre d’Ambronay, le «temple mondial» de la musique baroque et qu’il participe régulièrement au Festival d’Aix-en-Provence, où il a recréé, en 2013, «Elena» de Cavalli après avoir monté, en 2011, «Acis et Galatée» de Haendel. Directeur artistique du Chœur de Chambre de Namur, il a aussi créé, en 2005, son propre ensemble Cappella Mediterranea. Autant de succès, autant de bonheurs et toujours une grande simplicité dans sa relation aux autres, un grand sourire sur le visage… Car là où bien d’autres se seraient enfermés dans une tour d’ivoire ou auraient pris, comme on dit vulgairement, «la grosse tête», Leonardo García Alarcón conserve sa fraîcheur et ses yeux rieurs avides de découvertes et ce besoin, inextinguible, de partager son savoir.

Cette personnalité, hors du commun, on peut aller en chercher les origines dans son enfance. «Mes parents étaient très jeunes lorsqu’ils m’ont conçu; vingt et vingt-deux ans. Mon père est banquier mais chante aussi très bien le tango, ma mère est peintre et ma sœur danseuse étoile. Je me souviens qu’à la maison il n’y avait pas beaucoup de livres, seulement des ouvrages universitaires; et il y avait la grande encyclopédie de mon grand-père. Une édition de 1920 dans laquelle je me suis plongé enfant. C’était fabuleux; j’ouvrais un volume et j’avais le monde devant moi. Ma passion pour la lecture, pour la découverte et pour la recherche vient de là. Plus tard, ma grand-mère m’a offert une encyclopédie des grands compositeurs. Puis j’ai appris très vite à écouter la musique. J’ai suivi des études de piano en Argentine et à 19 ans j’ai décidé de partir étudier le clavecin à Genève, dans la classe de Christiane Jaccottet. Vingt ans plus tard, je suis très heureux d’enseigner dans cette classe…» Vingt ans de vie en Europe pour un homme dont les racines sont profondément ancrées dans la terre argentine. Nous déjeunons ensemble; lui un dos de cabillaud, moi une escalope de veau milanaise. Il me demande de lui faire goûter un petit bout de viande : «C’est un plat que nous aimons en Argentine. C’est surtout le premier plat que fait ma mère lorsque nous rentrons la voir. Mais cette année, je ne peux pas retourner chez moi pour les fêtes. J’attaque les répétitions de Alcina au Théâtre de Genève le 4 janvier !» Nostalgie… Mais la musique reprend vite le dessus : «2016 sera aussi marquée par l’entrée de Cavalli à l’Opéra de Paris. Nous y donnerons « Eliogabalo » en septembre.»

«Faire respirer les instruments»

C’est donc la première fois que Leonardo García Alarcón travaille avec l’Orchestre Français des Jeunes baroque et, visiblement, le maître est satisfait et les élèves enchantés. Il faut dire que la «leçon de musique» est exceptionnelle. Leonardo est capable de chanter la totalité d’un air de soprano pour donner une ligne de chant, de décortiquer «au scalpel» une phrase musicale, de justifier une ornementation, de redresser une mauvaise position, et tout ça avec le sourire. Un travail de tous les instants pendant les répétitions en tutti, qui se prolongent, souvent, par quelques minutes de «consultations» particulières. «Je suis heureux d’être ici, nous confie-t-il. En fait, je n’ai pas beaucoup de contacts avec les jeunes musiciens français et cette résidence me permet d’évaluer leur niveau. Ils ont vraiment un beau potentiel et après deux répétitions je suis satisfait car je sais ce que nous allons pouvoir offrir au public vendredi soir. Puis ça fait du bien d’être avec les jeunes… Et c’est formateur, aussi, même pour moi. Car les jeunes sont peu habitués à la demande théâtrale. Il faut construire tout le langage orchestral autour des textes, travailler l’homogénéité, insuffler une dynamique de répétitions, pour les cordes travailler avec l’archet afin qu’il devienne un instrument vocal, faire respirer les instruments à vent pour que la ligne soit suffisamment longue et aussi, parfois, rétablir des choses basiques. On a coutume de dire, dans le métier, que lorsqu’un chef amène un orchestre de jeunes à un certain niveau, il n’aura pas de problèmes avec une formation de musiciens aguerris.» Un travail que l’on pourra juger sur pièces vendredi soir au théâtre du Jeu de Paume à Aix-en-Provence puis le 8 novembre à la Cité de la Musique et de la Danse de Soissons et le lendemain à Paris, au Théâtre des Bouffes du Nord.

Michel EGEA

Le concert : l’influence de la musique italienne à la cour de Louis XIV

L’orchestre pendant les répétitions sur la scène du théâtre du Jeu de Paume (Photo M.E.)
L’orchestre pendant les répétitions sur la scène du théâtre du Jeu de Paume (Photo M.E.)

Les compositeurs italiens ont eu une grande influence sur la musique française pendant toute la deuxième moitié du XVIIe siècle. Lully en est, bien sûr, la figure emblématique et son rôle fut considérable. Mais, dès son enfance, Louis XIV fut marqué par la musique et les formes musicales transalpines, de Cavalli à Monteverdi, en passant par Rossi, puis pat Lully qui régentera la vie musicale de la cour pendant près de 30 ans. Et pourtant, c’est la musique d’un compositeur français, Destouches, que le vieux roi aurait choisi pour son enterrement, comme par regret d’avoir laissé tant de place au style italien pendant son règne. Sur scène, Louis XIV, qui va bientôt quitter ce monde, se souvient… «Je ne voulais pas d’un simple concert, confie Leonardo García Alarcón. Je tenais à raconter une histoire qui ne soit pas ennuyeuse. C’est ce que nous proposons au public. Le texte du spectacle est écrit par le musicologue Jean-François Lattarico ; les musiciens et moi-même sommes accompagnés dans cette démarche par le comédien François Mathouret, qui sera le Roi Soleil, et les chanteuses Andreea Soare et Eva Zaïcik. »
Au programme, des œuvres de Bembo, Cavalli, divers compositeurs vénitiens, Monteverdi, Rossi, Lully, Campra et Destouches.

Pratique – Concert à 20h30 au Théâtre du Jeu de Paume, 17-21 rue de l’Opéra à Aix-en-Provence (Parking Carnot). Places de 9 euros à 21 euros. Réservations au 08 2013 2013 – lestheatres.net

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