Averroès junior

Publié le 21 mars 2013 à  9h00 - Dernière mise à  jour le 10 août 2023 à  10h43

L’heure des courts a sonné

« C’est formidable, cela fait plus de 20 fois que je vois ce film avec des enfants et j’entends toujours des choses différentes », se réjouit Marie-Laure Gerin, enseignante, animatrice du club cinetilt, lors de la séance de courts métrages programmée dans le cadre du programme d’Averroès Junior.
Une manifestation qui s’inscrit dans le cadre des Rencontres d’Averroès créées en 1994 par Thierry Fabre, avec Edgard Pisani de l´Institut du Monde Arabe et Jean Marie Borzeix de France Culture, organisées par l’EspaceCulture Marseille. Ces Rencontres d´Averroès se proposent de penser la Méditerranée des deux rives et d’organiser la controverse autour de trois tables rondes.
Lieu ouvert au grand public, elles sont conçues comme un moment de partage de la connaissance entre des spécialistes et ceux qui ne le sont pas. Au fil du temps, la manifestation a pris de l’ampleur. Un dispositif Averroès Junior, dont l´objectif est de sensibiliser les jeunes générations à la complexité du monde méditerranéen qui les entoure, a été mis en place. Dans ce cadre le réalisateur Ahmed Zir a rencontré un jeune public les mercredi 13 et jeudi 14 mars à Marseille lors de séances où 6 courts métrages ont été présentées. Films forts, denses, émouvants, tragi-comiques parfois, qui révèle un public sensible, curieux, ouvert, véritable critique de cinéma qui sait partager sa vision. « Ce qui permet, explique l’enseignante, de s’apercevoir que l’on n’a pas compris ou aimé les mêmes scènes. Et que toutes les interprétations sont acceptables et enrichissantes pour les autres ». D’autant que, pédagogue, elle sait pousser les enfants à argumenter, à développer leur esprit critique en expliquant pourquoi ils aiment ou pas.
Ahmed Zir se retrouve face aux jeunes élèves, une première question s’impose pour eux, comment fait-on un film. Et le voilà d’expliquer l’écriture d’une histoire, le choix des acteurs, la caméra, le lieu du tournage de Cessez le feu. « Sétif, avec toutes ses ruines romaines. C’est la fin d’une guerre coloniale, un enfant vit dans la misère, il doit s’occuper de ses moutons et de ceux du village après avoir perdu son père, tué pendant la guerre ».
Mais s’agit-t-il d’une histoire vraie ? « Tout vient de mon imagination mais, en même temps, cela se construit à partir de ce que j’ai pu lire, apprendre ».

« Le fait d’être pauvre ne doit pas empêcher de vouloir comprendre, s’instruire, et pour cela il faut bien travailler à l’école »

Pourquoi ce film ? « J’avais votre âge au moment de la guerre. Je fais des films pour que les gens sachent ce qui s’est passé, pour que des jeunes comme vous sachent ce qui c’est passé, parce que l’histoire ne dit pas toujours la vérité. ». Il indique notamment : « Alors que la guerre est finie, on voit un homme poursuivi par d’autres, l’enfant qui garde ses moutons regarde, avant de se voiler les yeux. Certains ont voulu se venger après la guerre. L’enfant n’accepte pas cette violence et c’est contre cette dernière que j’ai réalisé ce film ». Il ajoute : « L’autre dimension du film est de montrer un jeune garçon qui, malgré toutes les difficultés a une soif d’apprendre. Cela pour dire à tous les jeunes, que le fait d’être pauvre ne doit pas empêcher de vouloir comprendre, s’instruire, et pour cela il faut bien travailler à l’école ».
L’Offrande, film tunisien montre les effets de la publicité ainsi que de la pression sociale qui poussent à s’endetter, à l’occasion de la Fête de l’Aïd. Interrogé sur ce que le film lui inspire, un enfant répondra : « Cela donne faim », un autre, plus grave : « La pauvreté, c’est comme un emprisonnement », alors qu’un autre, tout aussi riche de sens, avancera : « Ce n’est pas parce certains ne font pas l’Aïd qu’il ne faut pas les aimer », alors qu’un dernier ajoute : « La publicité fait acheter des choses dont on n’a pas besoin ».
La pub, justement, il en est question dans Je pourrais être votre grand-mère, film inspiré d’un fait réel. En effet, un avocat d’affaires se met à réaliser des pancartes, telle celle donnée à une SDF d’un certain âge sur laquelle il a inscrit « je pourrais être votre grand-mère ». Depuis, l’avocat a démissionné et travaille dans le milieu humanitaire. Le film ne laisse pas insensible : « Je n’aimerais pas être à la place des SDF, ils ont des dettes, ils se retrouvent à la rue, c’est terrible ». Nombre d’interventions vont dans ce sens, mais un jeune avance : « Oui, ils sont dans la rue, pauvres, mais ils me font penser à des gens libres ».
Des interventions, une attention, qui montrent à quel point le dispositif Averroès Junior est pertinent, porteur de sens.
Les rencontres reviendront ensuite du 14 au 17 novembre 2013 pour fêter leur 20 ans autour des grands penseurs de la Méditerranée du 21e siècle.

Luc CONDAMINE

Articles similaires

Aller au contenu principal