Benoît Payan élu maire de Marseille: Combattre les injustices et en dessiner l’horizon d’une ville durable

Publié le 21 décembre 2020 à  13h39 - Dernière mise à  jour le 31 octobre 2022 à  12h21

C’est par une citation de Jean-Claude Izzo: «Marseille appartient à ceux qui y vivent», que Benoît Payan a conclu son premier discours de maire de la deuxième ville de France. C’est sans surprise qu’il a été élu, succédant ainsi à Michèle Rubirola.

Benoît payan élu maire de Marseille (Photo capture d'écran)
Benoît payan élu maire de Marseille (Photo capture d’écran)

Lors d’une séance présidée par Guy Teissier, LR, doyen d’âge, le Printemps Marseillais et le groupe présidé par Samia Ghali annoncent présenter la candidature de Benoît Payan. Droite et RN ne présentant pas de candidats et ne prenant pas part au vote. Le suspense était tout sauf hitchcockien, puisque c’est avec 53 voix sur 53 que Benoît Payan, 42 ans, est devenu le 47e maire de Marseille. Benoît Payan a tenu à inscrire son élection dans la tragédie de la rue d’Aubagne où, 8 personnes ont perdu la vie, et dans la lutte contre le PPP (Partenariat public-privé) des écoles. Il a conforté sa majorité tout en s’assumant pleinement comme un professionnel de la politique. Il a également rendu hommage à la population de Marseille, à sa diversité avant d’insister sur l’importance du Port, de la mer et de la qualité de vie comme facteur d’attractivité économique. Un discours longuement applaudi par sa majorité, debout.

Marseille: «nait il y a 2600 ans d’une rencontre de deux mondes que tout oppose»

C’est par l’histoire que Benoît Payan ouvre son propos. Il évoque une ville «naît il y a 2600 ans d’une rencontre de deux mondes que tout oppose. D’une ville qui a vaincu la peste par la force de l’union entre un armateur, des galériens et des forçats. D’une ville libérée par ses habitants, résistants de toutes organisations et de soldats de l’Armée d’Afrique. Une ville à l’identité si forte qu’elle n’a eu de cesse d’être méprisée par le pouvoir central». «Notre identité, poursuit-il, c’est la singularité des Marseillais, c’est la force de ce que nous sommes, nous les Marseillais. Nous sommes les héritiers de ces milliers de femmes et d’hommes qui ont survécu aux pogroms et aux génocides, aux famines et aux guerres, à la misère et aux totalitarismes». Il insiste à ce propos : «Nous sommes les enfants des Arméniens, des Marocains, des juifs de Grèce ou d’Europe de l’Est, des Espagnols, des rapatriés, des Comoriens, des Tunisiens, des Italiens ou des Algériens. Nous sommes les descendants des oubliés de l’Histoire, des damnés de la terre, les fils et les filles de ceux qui ont un jour trouvé dans Marseille, une survie, un espoir, une ville des possibles».

«Je m’inscris dans cette majorité qui défend une ville plus verte, plus juste et plus démocratique»

Une histoire, une identité qui, avance-t-il, rejoignent celle du Printemps Marseillais: «Un rassemblement de militants associatifs, de directeurs d’école, de chefs d’entreprise et d’enfants des cités, d’ouvriers, d’avocats, de salariés et de responsables politiques qui ont fait le choix de dépasser les étiquettes et les logiques partisanes». Point ici question de PS: «Je m’inscris dans cette majorité qui défend une ville plus verte, plus juste et plus démocratique». Et d’afficher l’ambition de «rassembler les Marseillais en combattant les injustices et en dessinant l’horizon d’une ville durable qui se développe par et pour ses habitants».

«J’ai fait le choix à 20 ans de devenir un militant de gauche»

En revanche, il s’assume professionnel de la politique: «J’ai fait le choix à 20 ans de devenir un militant de gauche. J’ai consacré ma vie au combat pour ce qui est plus juste et à la défense de ceux qui n’ont pas voix au chapitre, pas de place dans l’histoire». Il juge à ce propos «trop facile de décrier ces élus qui, tous les matins, ouvrent leur mairie parce qu’ils veulent faire avancer les dossiers de leur ville. Ces éternels opposants qui s’épuisent dans les hémicycles, ces militants des marchés du dimanche». Pour lui, en votant Printemps Marseillais, «Les Marseillais ont choisi un destin, un horizon portés par des années de mobilisation et par l’espoir de milliers de Marseillais». Et de rendre hommage à Michèle Rubirola en notant que cet espoir «a aussi été porté par une femme qui a su l’incarner, qui a su porter ce collectif et tenir le cap pendant les mois les plus durs que Marseille a connus. Michèle, je sais ton courage, tes convictions, la femme libre et forte que tu es. Je veux saluer la transparence et l’honnêteté de ton geste». Et de signifier sa volonté de s’inscrire dans une continuité: «Avec toi, avec la force de notre rassemblement et avec l’unité de notre majorité Marseille ne sera pas, ne sera plus la ville la plus inégalitaire du Pays». Benoît Payan rappelle les priorités affichées par le Printemps Marseillais. Il cite l’école: «Pour offrir à tous les enfants de Marseille le service public d’éducation qu’ils méritent, et en commençant par ceux qui en ont le plus besoin». Puis, la lutte «contre la précarité, contre le mal logement et le déterminisme territorial». Il ne manque pas de mettre en exergue le drame de la rue d’Aubagne: «Le 5 novembre 2018, passé le choc, ce sont des larmes de tristesse et de colère qui ont coulé sur les joues de milliers de Marseillais. Et si les mois ont passé, je n’oublie rien. Rien de l’émotion, rien de cette colère, rien de ce drame, rien des victimes. Cette journée, qui a marqué ma vie, et ma ville, continuera d’être le moteur d’une action irrépressible pour la justice et pour la dignité».

«C’est par la mer que circulent depuis des millénaires les idées, les hommes et les marchandises»

Au-delà, il assure: «Nous deviendrons cette ville phare, capitale, celle qui attire des médecins et des entrepreneurs, des chercheurs et des étudiants, des salariés et des artistes. Nous le ferons en répondant aux grands enjeux de demain». Car, pour lui: «La compétitivité, l’attractivité, elles ne se trouvent pas dans l’austérité qui cache une économie moribonde, ni dans la bétonisation de la moindre parcelle naturelle, bien au contraire». Il s’arrête sur l’importance de la mer: «C’est par la mer que circulent depuis des millénaires les idées, les hommes et les marchandises. C’est par la mer que se sont bâtis les empires. C’est sur les côtes que vivent les 2/3 de l’humanité, et Marseille, plus grand port de France, doit aussi se tourner vers la mer pour la protéger, et pour rayonner». Il tient à ajouter: «Les grandes métropoles du monde l’ont compris, aujourd’hui, ce qui fait venir des entreprises, ce qui crée de l’emploi et de l’activité, c’est tout simplement la qualité de la vie vécue par les habitants. C’est en construisant ensemble une ville plus agréable à vivre, plus verte, en faisant revenir la nature en ville, et en luttant contre les changements climatiques que nous rayonnerons». Des ambitions sont affichées, réaffirmées, sans ignorer la situation financière de la ville. «Je sais aussi que nous n’éviterons pas les crises qui s’annoncent. Il y a bien-sûr eu la première, puis la seconde vague, d’une crise sanitaire à laquelle nous faisons face. Il y a ses conséquences sociales et économiques, dans une ville qui connaît déjà des situations de détresse profonde. Nous la surmonterons par notre vitalité, par notre volonté et par notre force, celle de toujours refuser la fatalité».

«Cela ressemble à un détournement»

Avant cette élection Guy Teissier, doyen d’âge, rappelle pour sa part avoir été élu pour la première fois en 1983 et d’en venir à la démission de Michèle Rubirola: «Est-ce du courage de rester ou de partir? Je ne sais». La suite du propos est moins diplomatique: «Si certains voient un tour de passe-passe, une spécificité marseillaise, d’autres y voient une impérieuse nécessité liée à votre santé. Mais pourrez-vous alors être Première adjointe. Cela ressemble à un détournement. Les Marseillais ont élu une femme écologiste et se retrouvent avec un homme socialiste. J’y vois un déni de démocratie». Catherine Pila, LR, a qualifié ce vote «non pas d’illégal mais d’illégitime» » alors que le RN Stéphane Ravier a dénoncé une élection «immorale».
Michel CAIRE

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