Publié le 3 février 2021 à 9h33 - Dernière mise à jour le 31 octobre 2022 à 12h36
Benoît Payan, le maire Printemps Marseillais de la cité phocéenne vient de présenter les résultats de l’audit des finances de la Ville réalisé par le cabinet Deloitte. Pour lui, la situation est extrêmement grave: «Avec un budget de 1,5 milliard d’euros, ce qu’il nous reste dans les caisses, c’est à peine 13 millions d’euros en 2019. C’est le véritable scandale financier de la Ville de Marseille. 13 millions d’euros d’épargne, pour une ville comme Marseille, nous sommes très en-dessous du seuil d’alerte».

«Quand on se promène à Nice, on se rend bien compte que cette dette a servi à construire des équipements publics»
Benoît Payan revient à l’audit, évoque une situation catastrophique: «On devrait terminer l’année avec une épargne nette négative. Voilà ce que l’ancienne municipalité nous a laissé, des caisses vides, une dette qui plombe chaque année le budget de la ville et malgré cela, une ville où les équipements ont été laissés à l’abandon». Il tient à souligner: «D’autres villes sont endettées. Nice, par exemple, à une épargne nette inférieure à celle de Marseille. Mais quand on se promène à Nice, on se rend bien compte que cette dette a servi à construire des équipements publics. Quand on va à Paris ou à Lyon, on voit des villes dans lesquelles, quelle que soit leur couleur, les dirigeants ont décidé d’investir pour les habitants dans de vrais projets structurants. La dette, si elle est bien investie dans des équipements publics essentiels je veux bien l’assumer. Mais à Marseille ce n’est pas le cas».«A Marseille, l’argent public a été dépensé à tort et à travers»
Benoît Payan dénonce : «A Marseille, l’argent public a été dépensé à tort et à travers». Rappelle encore: «La Ville est le plus grand propriétaire foncier de Marseille. Pour autant, nous avons laissé notre patrimoine pourrir sur pied, nous l’avons cédé à vil prix. Nous avons même poussé l’absurdité jusqu’à payer des loyers inutiles ou des travaux à la place des propriétaires. Pendant 2 ans, la Ville a payé un loyer d’un étage entier vide de 1 245 m². Les services qui les occupaient avaient déménagé mais la municipalité n’avait pas résilié le bail». Il ne manque pas d’évoquer le dossier de la Corderie. «Évidemment, le premier scandale, celui qui nous a fait bondir en 2017, c’est le massacre archéologique. Mais le scandale que nous payons aujourd’hui est budgétaire. Pour construire cet immeuble, le promoteur, Vinci a détruit la sortie de secours de l’une de nos écoles: et là les bras m’en sont tombés, nous avons racheté son propre terrain sur lequel était situé cet escalier de secours. Et qui a-t-on choisi pour reconstruire l’escalier cassé par Vinci ? Je vous le donne en mille : Vinci».JO : «Je veux que la ville paye moins de 10 millions d’euros»
Il en vient aux Jeux Olympiques de 2024. «L’ancienne municipalité avait prévu d’investir 45 millions d’euros au total. Sur cette somme, les Marseillais allaient payer 90% de leur poche, là où les Parisiens n’en payaient que 15%», dévoile-t-il avant de prévenir: «Je veux que la ville paye moins de 10 millions d’euros pour accueillir ces épreuves. Je sais que c’est possible». Il parle aussi de la participation au salon du Mapic, le salon international des centres commerciaux : «180 000 euros par an pendant 18 ans pour un stand. Plus de 3 millions d’euros au total pour 3 jours à Cannes alors que nos commerçants connaissent tant de difficultés». Benoît Payan tient également à mettre en exergue le dossier de l’accueil du concours Miss France en 2020 et les 150 000 euros versés à Endemol. «Et pour couronner le tout, la Ville est contrainte de payer 48 000 euros de dédommagement pour un spectacle prévu initialement au Dôme à la même date. Nous sommes obligés de passer le rapport lundi au Conseil municipal».«Nous devons relever la ville mais aussi relever ses finances»
C’est, explique-t-il, dans ce contexte que « nous devons relever la Ville mais aussi relever ses finances. A Marseille, les écoles ont été le parent pauvre des politiques publiques de ces dernières années. Il faudrait construire une vingtaine écoles supplémentaires principalement dans le Nord et le centre de la ville pour accueillir tous les enfants dans de bonnes conditions. Cette situation nous devons l’aborder avec une capacité d’investissement proche de zéro». Il n’omet pas de faire un point sur la crise liée à la Covid, son impact sur les finances: «Entre les masques, le gel, les équipements de protection, l’entretien supplémentaire dans nos écoles, la désinfection des surfaces, l’aide alimentaire aux plus démunis, la mise en place de douches pour les sans-abri, les tests grand-public ce sont près de 38 millions d’euros de dépenses supplémentaires en 2020 (…) Et on attend toujours 4 millions d’euros de remboursement partiel des masques de la part de l’État. Et ce n’est pas tout, il faut également rajouter près de 22 millions d’euros en moins pour les pertes de recettes dans les musées, les piscines, le stationnement, le périscolaire, la cantine. Ce qui fait déjà 60 millions d’euros». Il ajoute: «Si dans le privé il existe des dispositifs de chômage partiel, ou d’arrêt maladie pour les personnes fragiles, pour la collectivité, le coût des absences pour cause de Covid est estimé à plus de 30 millions d’euros ! Et je ne parle même pas des agents mobilisés uniquement sur la Covid à la Police municipale, au Bataillon, ou à Allo Mairie. Au final, ce sont près de 100 millions d’euros de coût Covid pour notre ville»«Notre seule réponse c’est l’action»
Mais Benoît Payan affirme ne pas être fataliste: «Notre seule réponse c’est l’action. Nous devons trouver des solutions pour les Marseillaises et les Marseillais, c’est ça le changement». Le budget, prévient-il, va se construire «en mettant en perspective notre action sur 2 ans, 3 ans, 6 ans: en lissant les investissements. Et puis, nous irons au bout de cet exercice de vérité. Si la Ville restait sur la trajectoire que nos prédécesseurs avaient tracé, nous allions droit vers la banqueroute, droit vers la faillite, droit vers la tutelle». Dans cette ambition de redressement il tient à indiquer pouvoir s’appuyer sur les 17 500 agents municipaux «ils me l’ont dit : “notre volonté c’est Marseille, notre ambition c’est changer les méthodes pour reconstruire la ville”». Il annonce la fin du bling-bling: «Désormais, chaque euro utilisé sera un euro utile. Nous allons utiliser tous les leviers disponibles, aller chercher l’argent à Bruxelles comme à Paris. Ce n’est pas de l’aide, c’est de la justice, car Marseille assume seule des charges de centralités mirobolantes, et car je suis convaincu que notre ville est une chance pour le pays». Michel CAIREEntretien avec Benoît Payan


«C’est possible de faire autrement»

«Est-ce qu’on fait le bon investissement au bon endroit?»

«On ne fera rien qui abîme le tissu social marseillais»
