CNRS/Cerege. Quand les variations de l’orbite terrestre dictent l’évolution biologique

Publié le 2 décembre 2021 à  13h46 - Dernière mise à  jour le 3 novembre 2022 à  9h42

Les coccolithophores sont des micro-algues dont la particularité est de former autour de leur unique cellule de minuscules plaques de calcaire, les coccolithes, dont les formes varient selon les espèces. Après leur mort, ces coccolithes sédimentent dans les fonds marins qui ont fidèlement archivé les détails de l’évolution de ces organismes.

Les coccolithophores, qui constituent une part importante du phytoplancton, ont évolué au rythme de l’excentricité de l’orbite terrestre. © Luc BEAUFORT /CNRS / Cerege
Les coccolithophores, qui constituent une part importante du phytoplancton, ont évolué au rythme de l’excentricité de l’orbite terrestre. © Luc BEAUFORT /CNRS / Cerege

Une équipe menée par des scientifiques du CNRS [[Basés au Centre européen de recherche et d’enseignement des géosciences de l’environnement (CNRS/Aix-Marseille Université/IRD/INRAE/Collège de France) et associés à des scientifiques de l’université de Rutgers (États-Unis).]] montre dans Nature le 1er décembre 2021 que certaines variations de l’orbite terrestre ont influé sur l’évolution de ces micro-algues. Pour cela, pas moins de 9 millions de coccolithes, couvrant une période de 2,8 millions d’années et plusieurs localisations dans l’océan tropical, ont été étudiés par microscopie automatisée et classés par espèce en utilisant l’intelligence artificielle.

Les scientifiques observent que les coccolithophores ont connu des cycles de diversification et d’uniformisation, avec des rythmes de 100 et 400 milliers d’années. Ils en trouvent aussi la cause : la forme plus ou moins aplatie de l’orbite de la Terre autour du Soleil, variant au même rythme. Ainsi, lorsque l’orbite est presque circulaire, comme actuellement (on parle de faible excentricité), la zone équatoriale présente des saisons peu marquées et des espèces peu spécialisées dominent alors tous les océans. À l’inverse, lorsque l’excentricité augmente et que des saisons plus marquées apparaissent à l’équateur, les coccolithophores se diversifient en nombreuses espèces spécialisées, mais qui collectivement produisent moins de calcaire. Or, de par leur abondance et leur répartition globale, ces organismes sont à l’origine de la moitié du calcaire (carbonate de calcium, composé en partie de carbone) produit dans les océans et jouent donc un rôle majeur dans le cycle du carbone et la chimie des océans. Il est donc probable que l’abondance cyclique de ces machines à produire du calcaire ait joué un rôle dans les climats anciens et puisse expliquer des variations climatiques restées jusqu’ici mystérieuses au sein de périodes chaudes. Autrement dit, en l’absence de glace, l’évolution biologique des micro-algues aurait pu donner le tempo des climats. Une hypothèse qui reste à confirmer.

© Luc BEAUFORT / CNRS / CEREGE
© Luc BEAUFORT / CNRS / CEREGE

La diversité des coccolithophores, et donc la production de calcaire qui en résulte, ont évolué sous l’effet de l’excentricité de l’orbite terrestre, qui détermine l’intensité des saisons à l’équateur. En revanche, il n’y a pas de lien avec le volume de glace et la température globale. Ce n’est donc pas le climat qui a dicté l’évolution de ces micro-algues, mais peut-être l’inverse à certaines périodes.

Bibliographie
Cyclic evolution of phytoplankton forced by changes in tropical seasonality, Luc Beaufort, Clara T. Bolton, Anta-Clarisse Sarr, Baptiste Suchéras-Marx, Yair Rosenthal, Yannick Donnadieu, Nicolas Barbarin, Samantha Bova, Pauline Cornuault, Yves Gally, Emmeline Gray, Jean-Charles Mazur & Martin Tetard. Nature, 1er décembre 2021. DOI : 10.1038/s41586-021-04195-7 .

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