Camp des Milles : « Afin que le passé ne devienne pas notre futur »

Publié le 27 janvier 2016 à  19h48 - Dernière mise à  jour le 27 octobre 2022 à  21h37

Pour tous les participants, la cérémonie officielle régionale organisée au Wagon Souvenir des Milles à l’occasion de la Journée Internationale de commémoration en mémoire des victimes de la Shoah, était différente après une année sombre pour les valeurs de la République et le vivre ensemble.

Cérémonie officielle régionale organisée  à l’occasion de la Journée Internationale de commémoration en mémoire des victimes de la Shoah (Photo FCM)
Cérémonie officielle régionale organisée à l’occasion de la Journée Internationale de commémoration en mémoire des victimes de la Shoah (Photo FCM)

Au nom de Denise Toros-Marter déportée à Auschwitz à 16 ans et Présidente de l’Amicale des Déportés d’Auschwitz, Jean-Louis Medvedowsky a lu «le Testament d’Auschwitz » : «Puisse le Mémorial des Milles pour lequel nous nous sommes investis depuis des années, apporter aux jeunes gens qui le visiteront toute la dimension pédagogique recherchée pour faire barrage à la haine ! Puisse le flambeau de la Mémoire collective, que nous vous transmettons avant d’arriver au bout de notre voyage, vous protéger à tout jamais d’un nouvel Auschwitz !». Son texte rappelle à nouveau le souhait des déportés que ne soient pas oubliées les leçons de cette histoire douloureuse. Cette année, plus que jamais, ces grands témoins montrent leur inquiétude face à une histoire qui pour eux se répète car ce sont aussi des engrenages extrémistes, racistes, antisémites et xénophobes qui ont conduit aux tragédies qu’ils ont dû combattre.
Le «Chant des Marais», interprété par la chorale des élèves du Lycée Miliaire d’Aix-en- Provence, a été suivi par la lecture des noms et âges des enfants et adolescents déportés du Camp des Milles en août et septembre 1942, faite par deux volontaires de l’EPIDE (Établissement Pour l’Insertion Dans l’Emploi ), et rappelant combien l’homme fut capable du pire en envoyant à la mort des vies si jeunes qui ne demandaient qu’à s’épanouir. Les noms des Justes des Nations ayant œuvré au Camp des Milles ont aussi été énoncés par ces mêmes jeunes gens «pour se rappeler que, face au mal, il est possible de se lever au nom des valeurs de justice, de tolérance et d’humanité».
Après ces lectures fortes en émotions, Serge Coen, délégué du Comité Français pour Yad Vashem représentant Michèle Teboul, présidente du CRIF Marseille Provence de déclarer : «Parce qu’une crise économique et sociale frappe le continent européen; parce que ce qui se passe actuellement en France est l’indicateur d’une profonde crise morale; parce que le terrorisme se déchaîne désormais sur notre sol, avec la complicité ou le soutien d’une composante de la population, il nous faut redoubler de vigilance, de lucidité, et surtout de pédagogie auprès de la jeunesse, un domaine où le Mémorial du Camp des Milles agit de manière exemplaire». Puis Maryse Joissains-Masini, Maire d’Aix-en-Provence a mis en garde contre l’ignorance et la passivité : «Non les événements qui se sont passés pendant les années 40 ne sont pas terminés. La violence est dans notre société, la violence a encore ses lettres de noblesse pour certains. Alors ne croyons pas être à l’abri, personne n’est à l’abri. Ces événements sont prêts à se reproduire d’une autre manière, à n’importe quel moment. Il suffit qu’il y ait quelques lâches, quelques provocateurs ou quelques prédicateurs de je ne sais trop quelle théorie ou quelle idéologie ». A son tour, Jean-Pierre Bouvet, Vice-Président du Conseil Départemental, représentant la Présidente Martine Vassal, appela à la vigilance «car il ne faut pas croire que le mal absolu, l’indicible des camps d’extermination est enfoui dans un lointain passé (…). Il peut resurgir à chaque instant et si nous choisissons de détourner le regard, il peut précipiter des hommes, des femmes, des enfants, des personnes âgées dans l’horreur et la barbarie. (…) il est donc indispensable de continuer, sans relâche, d’accomplir un travail pédagogique de mémoire sur la Shoah». Renaud Muselier, Vice-Président du Conseil Régional Provence-Alpes-Côte d’Azur, représentant le président Christian Estrosi, souligna pour sa part avec force : «Soyons capables de mener un combat à la hauteur des enjeux de notre temps. Résistons à l’engrenage, bien conscients qu’il n’a qu’une issue possible si nous ne l’enrayons pas à temps. En tant qu’élus, représentants de la République, de ses institutions comme de ses communautés, nous sommes tous porteurs de ce devoir sacré de résistance dans les paroles comme dans les actes . (…) car cette République, si elle n’est pas un bouclier contre l’abominable, si elle n’est pas ce grain de sable collectif qui permet de saboter l’engrenage, n’est alors plus qu’une coquille vide. Pour cela, la Région sera toujours aux côtés du camp des Milles». Stéphane Bouillon, Préfet de Région et Préfet des Bouches-du-Rhône, représentant l’État et présent pour la première fois à cette cérémonie aux Milles d’avancer: «Il n’aurait jamais dû y avoir de préfets pour (les) mettre en œuvre (les mesures ignobles contre les Juifs), de forces de l’ordre pour les exécuter, de juges pour les approuver. Il n’aurait jamais dû y avoir de trains pour transporter ces malheureux et de passants pour tourner la tête, ou pire, dénoncer. Pourtant il y a eu tout cela». Et d’affirmer : «Qu’est-ce que je dois faire pour que cela ne se reproduise pas ? C’est cela la leçon à répéter non seulement aujourd’hui dans ce mémorial, dans tous les mémoriaux. Mais aussi à répéter tous les jours dans les écoles, les collèges, les lycées, dans les centres d’action sociale, dans les associations et dans les lieux de cultes». « Il nous faut ainsi, ajoute-t-il, résister à la peur, au doute, à la résignation, parfois même au désespoir. (…) Et c’est pourquoi, il nous faut parler, expliquer, éduquer, partager. C’est pourquoi il faut visiter ce mémorial, y amener toutes les générations».
Alain Chouraqui, Président de la Fondation du Camp des Milles – Mémoire et Éducation a pour sa part souligné quelques raisons d’optimisme malgré le constat inquiétant de la mise en place en Europe d’engrenages extrémistes racistes et antisémites pouvant mener au pire : «Notre peuple s’est levé plus nombreux que jamais le 11 janvier 2015 et n’a pas sombré dans la chasse aux suspects; nos autorités ont pris la mesure de la menace terroriste; nos forces de l’ordre et nos soldats sont mobilisés plus que jamais; la Marseillaise est redevenue un hymne international à la liberté; nos trois couleurs signifient à nouveau Résistance et surtout, on cherche à nouveau à comprendre et à refonder nos grandes valeurs démocratiques parfois rangées et oubliées dans les placards de nos sociétés. »
En clôture de cette cérémonie, chaque déposant de gerbe était accompagné d’un adolescent en insertion afin de montrer l’importance de la transmission aux nouvelles générations de cette histoire et des valeurs républicaines dont elle illustre l’importance. Sabrina, jeune volontaire de l’EPIDE a tendu un hommage «à tous les déportés afin que le passé ne soit plus le futur d’aujourd’hui, mais que le futur de demain soit Liberté, Egalité, Fraternité pour tous».
O.B.

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