Camp des Milles: Journée Nationale du souvenir des victimes et des héros de la déportation…

Publié le 25 avril 2021 à  20h02 - Dernière mise à  jour le 31 octobre 2022 à  15h54

A 10 heures ce matin débutait devant le Wagon du Souvenir des Milles une cérémonie organisée à l’occasion de la Journée Nationale du souvenir des victimes et des héros de la déportation, à l’invitation de Bruno Cassette, Sous-préfet de l’arrondissement d’Aix-en-Provence et de Maryse Joissains Masini, maire d’Aix-en-Provence et de son Conseil municipal.

Cérémonie au Camp des Milles organisée à l’occasion de la Journée Nationale du souvenir des victimes et des héros de la déportation © Camp des Milles
Cérémonie au Camp des Milles organisée à l’occasion de la Journée Nationale du souvenir des victimes et des héros de la déportation © Camp des Milles

«Soyons des défenseurs vigilants de l’État de droit et de sa justice démocratique »

Du fait des contraintes sanitaires, cette commémoration était restreinte et retransmise en direct sur les réseaux sociaux de la Fondation du Camp des Milles – Mémoire et Éducation. Toutefois de nombreux élus et des représentants associatifs avaient tenu à être présents. Pour se souvenir, pour honorer les victimes et les héros de la déportation.

Les noms des enfants et adolescents déportés du Camp des Milles ont été lus par Lora, une jeune lycéenne. «Abraham, Jacques, Maria, Clara…» ces noms sont égrenés, un à un lentement… chacun avec son âge, autant de vies insouciantes interrompues brutalement parfois à l’âge de un an. Vichy avait demandé à Berlin de pouvoir déporter aussi les enfants.

Et l’émotion est toujours palpable dans l’assemblée lorsque Denise Toros Marter, déportée à 16 ans de Marseille à Auschwitz, fait la lecture de son poème « Liberté ».

Et en réponse à l’horreur de la déportation, la voix de Marcel Touros, enfant caché, enfant sauvé, s’est élevée dans le silence pour lire les noms des «Justes parmi les Nations» pour rappeler qu’«il est possible de résister aux extrémismes au nom des valeurs de justice, de fraternité et d’humanité».

L’espoir réside dans l’engagement de tous et en particulier des jeunes générations

Des propos soulignés par ceux de Bruno Cassette lisant le message rédigé conjointement par les grandes associations nationales de déportés : «Beaucoup ont su résister à la terreur et à la déshumanisation par la force de l’esprit et la solidarité. Leur engagement et leur combat sont un exemple à suivre. Il nous faut aujourd’hui encore résister à de nouvelles formes de fanatisme et de barbarie qui entendent promouvoir une vision raciste de l’humanité et détruire la liberté et la démocratie par la terreur. (…) Face à ces périls, l’espoir réside dans l’engagement de tous et en particulier des jeunes générations, à l’exemple des déportés, au service de la liberté et vers des formes nouvelles de résistance et de solidarité».

Beaucoup ont été des héros puis des victimes, d’autres des victimes puis des héros.

Alain Chouraqui, Président de la Fondation du Camp des Milles – Mémoire et Éducation s’interroge : «Faut-il vraiment toujours distinguer les victimes et les héros ? Beaucoup ont été des héros puis des victimes, d’autres des victimes puis des héros. Comment qualifier par exemple les hommes et les femmes courageux internés au camp des Milles et qui ont résisté au quotidien, chacun à sa manière, par l’art, par la dignité, par l’ironie, par la spiritualité, par l’évasion même de leur train de déportés ?
Comment qualifier le million et demi de juifs qui ont combattu dans la résistance et dans les armées alliées victorieuses du nazisme : victimes ou héros ?
»

L’importance de défendre un État de droit démocratique

Même les enfants ont aidé à nourrir clandestinement le ghetto de Varsovie, et le pasteur Manen parle aussi au camp des Milles de ces petits bonshommes de 5 ou 6 ans essayant de porter « vaillamment, dit-il, leurs petits baluchons en marchant vers les wagons de la mort programmée ». Et d’ajouter : « Être fidèles à leur mémoire c’est aussi tirer les leçons de leur histoire tragique. Deux de ces enseignements nous interpellent particulièrement aujourd’hui :
– l’importance de défendre un État de droit démocratique dont la destruction les a emportés et pourrait encore nous emporter ;
-l’importance de mesurer la portée de nos actes et de nos décisions lorsque la démocratie est sur une ligne de crête comme aujourd’hui
».

En déclinaison de ces leçons, Alain Chouraqui s’interrogea pénalement et sociologiquement sur certaines décisions de justice incomprises, parfois lorsque des policiers sont agressés, ou lorsque l’impunité est accordée à l’agresseur de Sarah Halimi. «Lorsque la justice, même non laxiste, n’est pas comprise, se développe le sentiment d’une faiblesse de nos institutions démocratiques et ce sentiment a toujours nourri dans l’histoire l’engrenage qui menace la démocratie, lorsque celui ci est enclenché, hier comme aujourd’hui».

Ce temps d’hommage s’est clôturé par la cérémonie de dépôt de gerbes des représentants de l’État, des élus, et des associations mémorielles. La Fondation a ensuite été représentée lors de la cérémonie organisée devant la plaque commémorative des morts déportés et fusillés de la Résistance de la Ville d’Aix-en-Provence.
L.G.

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Un mois de la convergence des mémoires

Ces cérémonies viennent conclure le mois de la convergence des mémoires au Site-mémorial du Camp des Milles, avec notamment deux autres événements marquants : la Commémoration du génocide des Tutsis au Rwanda le 07 avril et celle du génocide des Arméniens le 24. Des temps d’hommage et de réflexion en distanciel étaient aussi proposées par la Fondation.

Des témoignages pour aujourd’hui
«L’important, c’est ce que les jeunes feront de cette histoire pour qu’elle ne se reproduise pas», affirmait Herbert Traube, interné au camp des Milles en 1942, lors d’un témoignage auprès d’étudiants de l’Association Excalibur de l’IEP d’Aix-en-Provence fin mars 2021. Un récit qui donne matière à réflexion, tout comme le poème «Liberté» de Denise Toros Marter, déportée à 16 ans, lu par elle lors de la cérémonie devant le Wagon du Souvenir. Pour que chacun puisse tirer les leçons du passé.

Ces prises de paroles sont d’autant plus importantes dans le contexte actuel de crise sanitaire. Le confinement ne doit pas étouffer la mémoire des déportés, de leurs souffrances et de la barbarie qui les a emportés, ni le souvenir de ceux qui ont aidé et résisté.Près de 2 000 hommes, femmes et enfants juifs ont été déportés depuis les Milles vers Auschwitz à l’été 1942. 18 hommes et femmes ont sauvé des vies au camp des Milles entre 1939 et 1942, et ont obtenu le titre honorifique de «Juste parmi les Nations».

Aimer la vie et la liberté

La cérémonie restreinte était suivie de la diffusion de « Aimer la vie et la liberté – Comment transmettre la mémoire aujourd’hui ? » une réflexion autour de l’ouvrage de Karine Sicard Bouvatier «Déportés-Leur ultime transmission» avec la participation de Judith Elkán-Hervé, déportée, et d’Hélène Bouvatier, jeune étudiante. Karine Sicard Bouvatier a retranscrit en texte et en images des rencontres entre des déportés et des jeunes.

«Aujourd’hui comme hier, c’est l’indifférence contre laquelle il faut lutter», a indiqué Judith Elkán-Hervé, en appelant à l’ouverture à l’autre et à la mixité pour que chacun se comprenne mieux et trouve sa place dans notre société. «J’ai toujours foi en l’humanité, dans ce qu’elle a de meilleur», a-t-elle conclu. Des témoignages précieux, émouvants, utiles pour aujourd’hui.
Plus d’info: campdesmilles.org)]

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