Camp des Milles: célébration de la Journée nationale du souvenir des victimes et des héros de la déportation

Publié le 1 mai 2017 à  0h11 - Dernière mise à  jour le 28 octobre 2022 à  16h03

Un appel solennel des anciens résistants et déportés est lancé : «Face à l’extrémisme nationaliste, levons-nous à notre tour pour éviter à nos enfants un sort funeste.» Un sentiment général de fortes inquiétudes face aux dangers extrémistes qui guettent la France…Des appels solennels qui s’enchaînent pour appeler chacun à la responsabilité, à retenir les leçons de l’Histoire pour ne pas revivre les temps douloureux qu’ont vécus tous les Français et en particulier les déportés et les résistants.

Célébration de la Journée nationale du souvenir des victimes et des héros de la déportation au Camp des Milles (Photo CdM)
Célébration de la Journée nationale du souvenir des victimes et des héros de la déportation au Camp des Milles (Photo CdM)
(Photo CdM)
(Photo CdM)

En ce dimanche 30 avril, la gravité et la vigilance se sont jointes à l’émotion lors de la cérémonie organisée à l’occasion de la Journée nationale en souvenir des victimes et des héros de la Déportation au Site-mémorial du Camp des Milles, puis place des Martyrs de la Résistance en centre-ville d’Aix-en-Provence.
Abraham, Jacques, Maria, Clara…Ces noms sont égrenés, un à un lentement… chacun avec son âge, autant de vies insouciantes interrompues brutalement parfois à l’âge d’un an. Vichy avait demandé à Berlin de pouvoir déporter aussi les enfants…
Ces noms de la centaine d’enfants juifs déportés du Camp des Milles vers Auschwitz résonnent aujourd’hui comme un appel à une mobilisation urgente. Car cette lecture suivait celle de son poème «Hantise» par Denise Toros-Marter, déportée à 16 ans dans ce camp d’extermination, et rappelant les conséquences ultimes de cet extrémisme au pouvoir en France prêtant la main à la folie meurtrière du régime national-socialiste.

Après la lecture des noms des Justes parmi les Nations ayant œuvré au Camp des Milles, Bertrand Manen, fils du Pasteur Henri Manen, reconnu parmi ces Justes avec son épouse Alice, pour leurs actions de sauvetages en faveur des déportés du Camp des Milles, souhaite alerter gravement : «Prenons garde. Aujourd’hui les suffrages de 47,5% des départements français ont placé en tête un parti ouvertement xénophobe. C’est beaucoup plus que le pourcentage dont ’Hitler disposait en Allemagne lors de sa prise de pouvoir. (…) Pour que la France ne devienne pas, à son tour, l’enfer sur terre, il est plus que temps que toutes les forces démocratiques, sans exception, mettent en lumière, explicitent et combattent les mythes sulfureux véhiculés par ces véritables ennemis de la France. Que tous et toutes, en responsabilité ou non, prennent également garde à ne pas banaliser, par des paroles dont la portée peut dépasser leur pensée, ces thèses mortifères. Nos parents et nos grands parents ont su mener ce combat debout, levons-nous à notre tour pour éviter à nos enfants un sort funeste. Le Camp des Milles nous en dicte le devoir, et la situation nous en montre.»

Une alerte au présent, un vibrant appel à la vigilance citoyenne, appuyés par Alain Chouraqui, Président de la Fondation du Camp des Milles – Mémoire et Éducation qui choisit symboliquement, «compte-tenu du moment historique que notre pays vit actuellement», de lire un appel solennel des «Grands Anciens» du Site-mémorial, eux-mêmes déportés et résistants. Dans ce texte, Denise Toros-Marter, Louis Monguilan et Sidney Chouraqui rappellent : «Nous, anciens résistants et déportés, nous avons appris durement à reconnaître les visages et les masques de l’exclusion et de la haine. (…) Nous avons connu, subi et combattu le régime de Vichy et sa politique d’extrême droite, autoritaire, nationaliste, xénophobe et antisémite. (…) Aujourd’hui, en France et en Europe, nous voyons monter à nouveau cette xénophobie, ce nationalisme, ces racismes et cet antisémitisme (…). Avec leurs menaces contre la paix civile entre Français. (…) Nous ne supportons pas l’idée que les héritiers des politiques antirépublicaines que nous avons connues, puissent à nouveau exercer et détourner le pouvoir républicain. (…) Nous savons jusqu’où mènent l’intolérance et l’exclusion au pouvoir. Nous en connaissons la dynamique meurtrière. (…) Pour notre pays, pour les valeurs de la République, pour nos enfants et petits-enfants,
ce risque mortel ne peut pas être pris.
»

Un vibrant appel contre les extrémismes identitaires. faislepourtoi-resiste.org. from LNM on Vimeo.

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Puis, enchaînant par un message personnel aux anciens, Alain Chouraqui fera part de sa «honte pour (sa) génération. J’ai honte qu’après ce que nous ayons appris de l’histoire, de votre histoire, nous vous infligions à vous nos anciens, à nouveau, un monde qui vous inquiète, un monde qui vous rappelle ce que vous avez connu. Un monde où vous devez nous alerter sur nos myopies et nos aveuglements. Oui j’ai honte. Et puis je ressens une détermination que vous nous avez transmise car dans les moments les plus sombres, vous avez su résister et vaincre. Et aussi une fierté de voir une nouvelle génération, par exemple le personnel du Site-mémorial, s’en inspirer. Voilà aussi l’espoir.»

Une mémoire indispensable au présent, que relaiera Sophie Joissains, Sénatrice des Bouches du Rhône, lors de sa prise de parole au nom du Maire : «Lorsqu’on entend la lecture des noms des enfants, nous avons l’émotion qui nous étreint… Aujourd’hui, des politiques d’exclusions visent à les éloigner de nous, alors que cette réalité doit nous faire réfléchir pour demain. On dit que jamais cela ne pourra se reproduire…Or, nous allons devoir bientôt nous prononcer. Nous avons les nationalismes qui montent en Europe. Oui, il y a de la colère. Il y a des indignations qui sont parfois justes, mais attention aux conséquences…»

Même alerte dans le message de la Fédération Nationale des Déportés et Internés, Résistants et Patriotes, lu par Jean-Louis Medvedowsky, Président de l’Union des Déportés, Internés, Familles de Disparus et Fusillés de la Résistance Aixoise : « La tragédie des camps de concentration nazis et le courage de ceux qui ont lutté pour la sauvegarde de la dignité humaine doivent rester présentes dans les mémoires. (…) Face à la montée du nationalisme, de la xénophobie, du racisme et de l’antisémitisme, au déchainement de fanatismes politiques ou religieux et à la fréquente remise en cause du droit et de la démocratie, le message des déportés est d’une brulante actualité.»

L’Histoire n’a en effet jamais été aussi proche du présent… L’indice d’Analyse et d’Alerte Républicaine et Démocratique (AARD), issu des travaux scientifiques de la Fondation du Camp des Milles, confirme les inquiétudes en mettant en lumière, depuis 25 ans, «une tendance lourde vers un basculement autoritaire», moment-charnière qui peut accélérer un engrenage dangereux pour tous. Comme les murs du Site-mémorial le rappellent en s’appuyant sur l’histoire des plus grandes tragédies de l’humanité sur trois continents : «Attention, il est si tôt trop tard !»

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