Centre Fleg à Marseille : Une rentrée avec le grand rabbin Gilles Bernheim placée sous le signe du dialogue intercultuel et interculturel

Publié le 9 septembre 2014 à  22h30 - Dernière mise à  jour le 29 octobre 2022 à  13h44

Le grand rabbin Gilles Bernheim est intervenu au Centre Fleg de Marseille (Photo D.R.)
Le grand rabbin Gilles Bernheim est intervenu au Centre Fleg de Marseille (Photo D.R.)

Le centre Fleg vient de recevoir, pour sa rentrée 2014/2015, le rabbin Gilles Bernheim, ancien grand rabbin de France et vice-président de l’amitié judéo-chrétienne sur le thème de la «Table d’Abraham». Il est intervenu à cette occasion sur l’importance qu’il accorde aux dialogues interculturel et intercultuel. Un thème sur lequel le Centre a voulu ouvrir sa saison comme l’indiquera Raymond Arouch, son Président ainsi que son prédécesseur, Hagay Sobol, en charge au sein du Crif du dialogue entre les communautés. Ce dernier de rappeler qu’il a publié un texte cet été avec Nassera Benmarnia, «lui pro-israélien, elle pro-palestinienne», soulignant que l’on pouvait avoir des désaccords mais, pacifiquement, dans le cadre de la République. Alors que Janick Dahan, secrétaire générale du Centre Fleg constate: «En temps de crise, la tentation primaire est le repli, tel n’est pas notre choix».
Le grand rabbin Gilles Bernheim explique : «Nul homme n’a raison tout seul. Alors, sans dialogue interculturel on a le sentiment d’avoir raison mais on ignore le monde et on est seul. L’interculturel, c’est ni plus ni moins une respiration vitale qui permet d’avancer dans la vie».
Son propos est tout aussi clair à propos de l’intercultuel : «C’est indispensable, et pas seulement pour des raisons de paix entre les religions, même si cela est déjà une excellente raison. J’ai, dans le cadre d’un livre, dialogué avec le Cardinal Barbarin. Je pouvais me demander, dialoguant avec un chrétien nourri de sa tradition, si je n’allais pas devenir un peu chrétien, la crainte peut d’ailleurs fonctionner dans le sens inverse. Or, je suis sorti meilleur juif de cette expérience et lui meilleur chrétien. La raison en est simple, en écoutant le cardinal Barbarin, j’ai découvert un mode de fonctionnement qui ne m’était pas familier. Et cela m’a permis de mesurer à quel point, certes, j’interrogeais ma religion mais, toujours de la même façon. Là, je l’ai interrogé différemment et j’ai découvert en elle des ressources que je n’imaginais pas. Et cette confrontation est aussi pertinente avec des Musulmans même si, là, nous n’avons pas le même livre. En revanche, au niveau de la pratique, nous avons plus de proximité avec les Musulmans. Les dialogues interculturel et intercultuel sont donc vitaux car, sans eux, les réponses aux questions que nous nous posons sont toujours les mêmes. La vie spirituelle est une vie où les lignes bougent. En ce sens, un homme de religion est d’abord un homme de l’esprit».

«Le lien social doit venir non de l’émotion mais de la fraternité, du geste, quasi-quotidien»

Gilles Bernheim en vient à la France pour considérer: «Dans le triptyque républicain : Liberté, Égalité, Fraternité, c’est cette dernière qui pose le plus de problème. Elle est de plus en plus remplacée par la solidarité, fondée sur l’émotion. Mais, on ne peut pas être bouleversé toute l’année, comme on ne peut pas vivre dans la fusion amoureuse 24 heures sur 24, et cela tout au long de l’année. La fraternité, c’est un lien familial, il peut y avoir des tensions mais, lorsque des problèmes se posent, on ne se laisse pas tomber. Et bien c’est de cela dont il est question, le lien social doit venir non de l’émotion mais de la fraternité, du geste, quasi-quotidien». Avant d’indiquer : «Un Juif est un inquiéteur. Il vient déposer un peu de doute là, où il y a trop de certitude et, un peu de lumière, pas trop pour ne pas aveugler, là, où il y a trop de pénombre».
Janick Dahan en vient à la «Table d’Abraham». «La table est, par excellence, le lieu du dialogue, de l’échange, de l’hospitalité. Dans le même temps, c’est le rite qui permet la transmission des valeurs. Mais cette table juive, avec toutes ces Lois, semblent imposer une mise à distance. Que devient alors l’hospitalité d’Abraham ?».

«L’accueil, le partage, ne peuvent se faire qu’entre hommes et femmes différents»

Gilles Bernheim de répondre: «L’accueil, le partage, ne peuvent se faire qu’entre hommes et femmes différents sinon il n’y a pas de partage. Il y a dans chaque religion des grands principes qui en font la plus belle des religions, notamment en matière d’hospitalité. Et pourtant force est de constater qu’elles ont du mal à être hospitalière entre-elles».
A ce propos, il souhaite s’exprimer sur la situation que subissent les Chrétiens d’Orient. «Je tiens à dire à quel point je suis bouleversé par ce qui se passe au Proche-Orient avec la destruction de la population chrétienne. Nous sommes confrontés à la disparition de ce qui est fondamental dans une religion. Et les Juifs qui ont été si souvent mis dans le fossé de l’Histoire ne peuvent pas être les derniers à soutenir des Chrétiens qui parlent la langue de Jésus, qui ont construit la chrétienté».
Michel CAIRE

Raymond Arouch, président du Centre Fleg : «Nous avons choisi d’ouvrir notre saison sur un thème en lien avec le dialogue interculturel»

Raymond Arouch, en introduction à la conférence a indiqué les raisons qui ont conduit le Centre Fleg a proposé un débat sur Abraham pour ouvrir sa saison culturelle 2014-2015. «Nous avons délibérément choisi de l’ouvrir sur un thème en lien avec le dialogue interculturel, car il nous semble important que le Centre culturel juif de Marseille œuvre dans notre Cité pour un mieux vivre-ensemble».
Il avance: «Dans cette période troublée, nous voulons continuer d’être un espace de promotion de la culture juive, dans toutes ses facettes mais aussi un lieu de partage avec les autres cultures afin d’éviter que l’ignorance et le fanatisme ne fassent des ravages dans notre belle cité marseillaise».
«L’été 2014, poursuit-il, a confirmé les peurs présentes dans notre communauté depuis quelques années, l’antisémitisme sous couvert d’antisionisme s’est clairement libéré. Alors que faire ? Baisser les bras ? Rejeter l’autre au motif de notre propre sentiment d’exclusion ? J’ai reçu des mails me disant que parler aujourd’hui de dialogue interculturel était d’une grande naïveté … Je fais partie de ceux qui pensent qu’au contraire nous n’avons pas d’autre choix que celui de nous inscrire dans un « vivre-ensemble républicain » qui permette à tous les courants modérés de pouvoir dialoguer même quand les désaccords sont profonds. Ce qui ne nous empêche pas d’être fermes et sans nuance lorsque que nous sommes attaqués au plus profond notre identité ».
Il conclut en remerciant le Collectif «Tous Enfants d’Abraham» «au sein duquel arméniens, catholiques, juifs, musulmans et protestants ont su trouver une voix concordante depuis 2008, pour travailler ensemble et pour concevoir en 2010, cette belle exposition sur Abraham. Aujourd’hui, sur les murs du Centre Fleg, nous présentons une sélection de cette grande exposition sous le titre : « l’Humanité d’Abraham »».
M.C.

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