Cinéma: « Budapest » la drôle de comédie féministe de Xavier Gens.

Publié le 25 juin 2018 à  21h31 - Dernière mise à  jour le 28 octobre 2022 à  18h52

Jonathan Cohen - Manu Payet - Monsieur Poulpe - Xavier Gens à Aix-en-Provence pour la présentation en avant-première du film
Jonathan Cohen – Manu Payet – Monsieur Poulpe – Xavier Gens à Aix-en-Provence pour la présentation en avant-première du film
images-2.jpg«On a assisté du fond de la salle à la fin de la projection. Merci pour vos rires. C’est formidable d’avoir été accueillis comme ça.» Sourire aux lèvres, répondant aux applaudissements nourris du public aixois venu en nombre au cinéma Le Cézanne, assister à l’avant-première de «Budapest», Manu Payet, acteur et co-scénariste de cette comédie déjantée signée Xavier Gens, semble alors intarissable quant à la genèse de ce long métrage beaucoup plus fin et intelligent que ne le laisse supposer son affiche. «Nous sommes partis d’une histoire vraie», scandent en chœur le réalisateur, Manu Payet, Jonathan Cohen, et Monsieur Poulpe le plus délirant de la bande expert en l’art de faire plier de rire une salle tout entière. «Celle de deux copains qui ont créé une entreprise organisant des enterrements de vie de garçons à Budapest, ville devenue en la matière la capitale européenne de cette activité ô combien lucrative.» Assez simple mais en aucun cas simpliste le synopsis met en scène Vincent (Manu Payet) et Arnaud (Jonathan Cohen) qui, s’ennuient ferme dans leur vie malgré le fait d’être sortis diplômés d’une grande école de commerce française. Vincent qui travaille avec acharnement pour une multinationale sans aucune reconnaissance, et Arnaud qui stagne dans la société du père de sa femme, Audrey (Alix Poisson). Et c’est à l’occasion de l’enterrement de vie de garçon d’un de leurs amis, qui est un vrai échec, qu’ils font la rencontre d’une strip-teaseuse qui leur parle de Budapest et qui va leur permettre de voir germer en eux cette aventure à la fois commerciale et humaine qui va changer leur vie dans cette ville de débauche, où les boîtes de nuit pullulent, l’alcool coule à flots et la démesure est au rendez-vous. Après avoir abandonné leur emploi, et emprunté beaucoup d’argent, Vincent et Arnaud se lancent. Avec l’aide de Georgio, un expatrié qui leur a fait découvrir les «trésors cachés» de Budapest, (phénoménal Monsieur Poulpe), ils créent l’agence de voyage «Crazy Trips». Après des débuts hésitants, «Crazy Trips» envoie de plus en plus de clients à Budapest, pour y faire la fête arrosée à la palinka, danser enchaînés à des stripteaseuses, mais aussi profiter de certaines activités offertes par ce pays d’ex-URSS comme conduire des tanks et tirer à la kalachnikov sur des cibles. Sans se douter au départ que tout ceci va bouleverser leur existence, remettre en cause l’équilibre de leur couple respectif, et mettre en péril leur mariage autant que leur amitié. Et c’est là que le film apparaît infiniment subtil, terriblement surprenant, émouvant même par moments, les machos en exercice devenant rapidement des hommes un rien perdus, touchés au cœur et touchants, et qui au final ne sont pas grand-chose sans leurs épouses respectives. Ainsi «Budapest» qui, au départ est une farce comique un rien surréaliste dans l’écriture avec des personnages à rapprocher de ceux de Monty Python se transforme en une réflexion sur le mariage, l’union libre, la fidélité et l’épanouissement de soi au regard du jugement des autres. La fable ne tarde pas à se muer en l’éloge du féminisme porté en cela par des comédiennes aussi exceptionnelles que leurs homologues masculins, à savoir Alice Belaïdi, Alix Poisson, et Aude Legastelois, toutes et tous dirigés comme au théâtre dans un esprit de troupe. On rit énormément notamment lors des scènes de tirs et Monsieur Poulpe au look improbable, marque les esprits. Que dire aussi de tous les seconds rôles éblouissants de justesse et de cocasserie sinon que là encore le réalisateur Xavier Gens les a soignés, dans un esprit de vérité artistique comme on le trouvait chez Lautner et chez tous les cinéastes des années 1970 qui nous concoctaient des comédies clés en main. Autre qualité du film son montage confié à Carlo Rizzo qui a abattu en l’occurrence un travail de titan et, atout non négligeable une bande musicale supervisée par un Jean-Pierre Taïeb inspiré. «Il faut être drôlement intelligents pour paraître aussi cons» lança un spectateur à l’ensemble des comédiens. Un compliment auquel on souscrira des deux mains tant la présence à l’écran de tous les acteurs relève du complet miracle. Un régal…et une surprise cinématographique ô combien agréable. Quant à Manu Payet auteur et comédien on pourra le retrouver les 20 et 21 novembre prochains sur la scène du Théâtre du Jeu de paume à Aix-en-Provence où il jouera son one intitulé «Emmanuel», et qui le montre sur l’affiche dans une posture caricaturant Sylvia Kristel dans le film culte de Just Jaeckin. Du bonheur en fait, qui comme le facteur du roman américain de James Cain sonne ici toujours deux fois.
Jean-Rémi BARLAND

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