Cinéma. ‘En attendant Bojangles’ de Régis Roinsard : conte de la folie ordinaire et de l’amour extraordinaire

Publié le 3 janvier 2022 à  10h40 - Dernière mise à  jour le 4 novembre 2022 à  11h35

Présenté en avant-première au Cézanne d’Aix-en-Provence le film de Régis Roinsard « En attendant Bojangles» est tiré du roman d’Olivier Bourdeaut avec à l’affiche Virginie Efira et Romain Duris…

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Et revoilà donc le populaire Romain Duris dans le film de Régis Roinsard qui signa déjà avec lui « Populaire » justement un long métrage plein d’émotion. Le revoilà tel qu’en lui-même, subtil romantique avec à ses côtés une poignante Virginie Efira dans le rôle de la mère folle du roman d’Oivier Bourdeaut «En attendant Bojangles». Si les deux acteurs tiennent l’affiche avec une telle présence c’est bien sûr grâce à leur talent magnétique, mais surtout parce qu’ils incarnent un couple bouleversant et qu’ils défendent un texte onirique qui à la frontière du fantastique psychologique secoue les convenances narratives.

Si on parle ici de la détresse d’une femme habitée par de puissants fantômes, on le fait sur le ton de la fable, avec la croyance du mari dont la passion se réinvente tous les jours. Alors que dans le roman cette histoire de famille solaire et tragique est racontée du point de vue de l’enfant, ici c’est celui du père qui est privilégié. «La notion de point de vue était capitale et ce choix nous semblait le bon. Mais, d’un seul coup, à la fin, celui du fils prend le pas. On glisse vers lui», précise le réalisateur. Et quel fils ! Un être aussi protecteur que son père veillant sur sa mère dont il pressent qu’elle peut avoir une fin tragique. Et quel jeune comédien ! Régis Ronsard qui ne tarit pas d’éloges sur Solan Machado-Graner exceptionnel de bout en bout. Il confie avec enthousiasme: «Nous n’avons trouvé Solan qu’au début de l’automne après avoir vu plus de mille enfants. Il s’est présenté avec son frère, Milo, que j’avais repéré tôt mais que je trouvais un peu trop âgé, déjà trop mûr pour le rôle, alors que nous organisions le casting de la bande d’écoliers qui agressent Gary à l’école. Milo me semblait parfait pour jouer leur chef.» Bien lui en a pris de l’engager tant il semble être le prolongement du couple Duris-Efira jouant de manière musicale dans ce film où la chanson «Mr. Bojangles » écrite et enregistrée par Jerry Jeff Walker, (existe une version de Nina Simone), artiste américain de musique country, pour son album éponyme en 1968 s’impose comme fer de lance de l’histoire. On y danse beaucoup aussi, et dans ce registre Romain Duris et Virginie Efira s’en donnent à cœur joie et nous enchantent.

Bouleversant Grégory Gadebois

Et puis, il y a comme ami de la famille, empathique, surprenant, et bienveillant l’immense Grégory Gadebois, en tout point parfait. Avec son personnage beau parleur, surnommé «L’ordure», le comédien goûte à un registre assez nouveau pour lui et a dû se transformer (un peu) physiquement pour le jouer. Il raconte : «Il passe son temps à faire le malin, à se vanter de son petit pouvoir d’homme politique ; il est content de lui, quoi ! Cela me plaisait, tout comme me plaisait la transformation physique que me proposait Régis Roinsard. Physiquement, je n’ai pas la même tête que d’habitude : je porte une moustache, j’ai de beaux habits. J’aime avoir le sentiment de ne pas toujours nager dans le même lac. Et puis « l’Ordure » est un personnage attachant, c’est un homme de cœur.» Tout en nuances, son jeu en rupture contraste avec celui plus balisé de Duris-Efira qui sont parfaits sans jamais surprendre.

Action située dans les années 50-60

Ayant soigné les décors, proposant une palette infinie de couleurs pour habiller les décors de son histoire, Olivier Bourdaut a choisi de situer l’action du film dans les années cinquante et soixante : «J’ai une faiblesse pour ces deux décennies, et les années 80. Des années sans téléphone. Quelles décennies illustrent mieux la fête que ces trois époques ? Regardez des photos du « Palace », haut lieu de fête des années quatre-vingt : on ne sait pas qui est riche, qui est pauvre, qui est arabe, qui est juif, jeune, vieux, noir, blanc. Cela a dû être incroyable de vivre à cette période. J’ai voulu transposer cette ambiance du « Palace » dans les années soixante. C’est cet incroyable brassage de population que Camille et Georges aiment convier chez eux.» Une des réussites de ce film où le réalisateur qui avait signé avec «Les traducteurs» (dont nous avions salué la performance de Lambert Wilson), une plongée dans le mystère, privilégie l’explicite. Ainsi son film qui n’évite pas les longueurs dit tout de la pensée du couple dévasté par la maladie. Un long métrage solide, bâti, comme le roman sur une foi inébranlable dans les forces du romanesque.
Jean-Rémi BARLAND
En salles le 5 janvier 2022

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