Cinéma: « Matthias et Maxime » : l’amitié vue par Xavier Dolan

Publié le 6 novembre 2019 à  9h48 - Dernière mise à  jour le 29 octobre 2022 à  13h24

© diaphana.fr
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A la fin du film «Les invasions barbares» de Denys Arcand au moment où l’avion décolle emportant à son bord Sébastien incarné par Stéphane Rousseau, on entend la chanson «L’amitié » interprétée par Françoise Hardy. Un chef d’œuvre signé du tandem Gérard Bourgeois et Jean-Max Rivière, deux super-auteurs de tubes. Xavier Dolan qui admire beaucoup ce long métrage de son compatriote québécois, le cite par le biais des héros de son nouvel opus «Matthias et Maxime». Et, clin d’œil à l’appui, puisque il est question ici d’amitié, et que la chanson de Bourgeois et Rivière était déjà utilisée il inclut durant quelques secondes dans sa B.O. «Il suffirait de presque rien» immortalisé par Serge Reggiani. Quel rapport me direz-vous ? Eh bien c’est encore une chanson magnifique signée par les auteurs de «L’amitié». Gageons que Dolan très admiratif de leur travail l’ait fait exprès, et surtout que par cette allusion il peut embrasser par l’écoute tout un monde fait de nostalgie, de regrets, de chagrins et d’amours évanouies. Lent, grave, utilisant des gros plans, prenant le temps de dérouler son récit, «Matthias et Maxime» s’impose comme peut-être le film le plus personnel de son auteur. Il y traite de l’amitié sous toutes ses formes, et particulièrement de celle unissant deux amis d’enfance, qui, pour les besoins d’un court métrage amateur échangent un long baiser et en sortent troublés. Bouleversés même au point de voir leur existence chamboulée. Maxime joué par Xavier Dolan qui semble ne pas jouer justement tant chacun de ses gestes, tous ses regards, les paroles qu’il prononce semblent plus vrais que nature, et signalent une présence intime au monde, va partir dans quelques jours, traverser les mers, pour aller travailler loin du Québec. Chamboulé comme le sera le spectateur de minute en minute, Matthias, (magnifique et exceptionnel Gabriel D’Almeida) accompagne les derniers jours de Mathias parmi les siens. Et rejouera pour de bon cette fois la scène du baiser de départ, mais de façon intense, (un des grands moments esthétiques du film), Maxime, laissant monter en lui le désir, déclarant «c’est pas nous ça ». Une histoire de trahison, les relations tendres et conflictuelles de Maxime avec sa mère, le rapport entre les générations, autant d’éléments se rajoutant à la thématique de départ. Si vous cherchez de grandes envolées lyriques, avec scènes à l’emporte-pièce nimbées de la présence d’un superman cascadeur, «Matthias et Maxime» n’est pas pour vous. En revanche, il prendra aux tripes ceux qui aiment le cinéma buissonnier, celui des chemins de traverse, des murmures et de l’expression de soi. Film où la couleur de la photo, le montage, la musique, et la perception empathique des personnages, jusque dans les silences, et les gros plans sur les visages, voilà un film qui ne triche jamais et qui possède une portée émotionnelle et intellectuelle touchant à l’universalité des sentiments. L’amitié amoureuse, ou simplement amicale y est traitée avec force, pudeur, sans voyeurisme magnifiant au passage les actrices du film. Et puisque on parlait de musique au début, on pourrait dire que «Matthias et Maxime» rappelle les chansons de Pierre Lapointe, un autre Québécois très prisé des Français. Notamment «La plus belle des maisons», «Sais-tu vraiment qui tu es », et surtout «La lettre», déchirante déclaration à l’être aimé parti au loin. Un grand film pour du grand Dolan !
Jean-Rémi BARLAND

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