Cinéma. Quoi de neuf ? : « Docteur ? » de Tristan Séguéla un film qui soigne la morosité

Publié le 20 novembre 2019 à  20h59 - Dernière mise à  jour le 29 octobre 2022 à  13h26

Michel Blanc et Hakim Jemali  dans
Michel Blanc et Hakim Jemali dans
C’est un peu «Les Ripoux» chez les toubibs. Entendez-par là c’est le récit d’une sympathique arnaque sur fond de soins apportés aux malades par quelqu’un dont ce n’est pas le métier, et qui aidé par un vrai professionnel de la santé se retrouve là sans l’avoir véritablement voulu. C’est surtout un film de «visites» comme on en trouve ici et là, et l’auteur l’a confié aux Aixois présents lors de l’avant-première organisée au Cézanne, il s’est beaucoup inspiré pour écrire son scénario du film de Jim Jarmusch «Broken Flowers». Émotion et rires traversent cette comédie enlevée qui, au passage demeure une charge contre l’ubérisation de la société. Emplois précaires, insécurité sociale, se retrouvent ciblés, et dénoncés par le biais d’un récit en trompe l’œil. Très simple le résumé de ce film à «sketches» tient dans la main. «C’est le soir de Noël. Les Parisiens les plus chanceux se préparent à déballer leurs cadeaux en famille. D’autres regardent la télévision seuls chez eux. D’autres encore, comme Serge, (Michel Blanc), travaillent. Serge est le seul SOS-Médecin de garde ce soir-là. Ses collègues se sont tous défilés. De toute façon il n’a plus son mot à dire car il a pris trop de libertés avec l’exercice de la médecine, et la radiation lui pend au nez. Les visites s’enchaînent et Serge essaye de suivre le rythme, de mauvaise grâce, quand tombe l’adresse de sa prochaine consultation. C’est celle de Rose, une relation de famille, qui l’appelle à l’aide. Il arrive sur les lieux en même temps qu’un livreur Uber Eats, Malek, (Hakim Jemali), lui aussi de service ce soir-là…Ils se percutent au sens physique du terme, et empêché Serge envoie Malek le remplacer lors des visites qu’il a continué de programmer et du fond de la voiture conduite par son associé d’infortune il mènera les consultations sans en avertir sa hiérarchie.» Sans un accroc, sans se faire prendre non plus, là est l’un des suspenses du film, alors que l’on s’attend à ce que nos deux compères se fassent coincer, l’épilogue sera heureux. Débordant de générosité les deux personnages centraux représentent un peu l’alliance habituelle du clown blanc et de l’Auguste. Serge, déprimé qui a vécu un drame personnel trouve en l’énergie optimiste de Malek de quoi recouvrer un sens à son existence. A ce titre Michel Blanc et Hakim Jemili forment un superbe duo d’acteurs. Présence face à la caméra, complémentarité, sens du comique de situations, ils excellent dans chaque scène. A leur côté tous les seconds rôles sont au diapason. Avec une mention spéciale à Solène Rigot, et surtout à l’humoriste Artus et l’immense acteur de théâtre Nicolas Vaude qui incarnera à Paris «Le misanthrope» dans une production qui devrait décoiffer. Quant à Franck Gastembide, il incarne un homme d’aujourd’hui pour qui les gens ne sont que des fonctions et n’existent pas en tant qu’individu propre. Aussi il croisera plusieurs fois Malek sans jamais le reconnaître, car pour lui il est invisible en tant que personne. Seule compte le métier qu’il exerce et le service qu’il peut rendre. Cela donne naissance à des scènes particulièrement drôles car Tristan Séguéla ne tombant jamais dans le sinistre a construit sa comédie sur la légèreté et la grâce. Malmené socialement Malek répond aux humiliations subies avec les forces de l’empathie et de la résilience. Il déborde d’amour finalement c’est son arme contre le mauvais sort. Il en résulte un film intelligent, humain, et dont on sort revigoré.
Jean-Rémi BARLAND
Sortie le 11 décembre 2019

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