Publié le 1 juillet 2017 à 21h16 - Dernière mise à jour le 28 octobre 2022 à 16h55
Les entreprises du secteur de l’Économie sociale et solidaire (ESS) sont-elles plus éthiques ? Telle est la question que vient de poser le club Ethic €co avec son président, Mohamed Laqhila, président d’honneur du Conseil Régional de l’Ordre des Experts Comptables Marseille-Paca. Un déjeuner-débat auquel participaient Denis Philippe, Président de Chambre régionale de l’économie sociale et solidaire (Cress) de Provence-Alpes-Côte d’Azur, Nabil M’Rad, Dirigeant d’Alternatives Sans Frontières et Alain Maïssa, Président de l’UR Scop Paca Corse.
«Une économie sociale et solidaire qui, rappelle Denis Philippe, s’appuie sur trois piliers: la lucrativité nulle ou limitée, la gouvernance démocratique et la propriété collective résultante d’un projet collectif». Une Économie que Mohamed Laqhila indique avoir véritablement découvert en 2001 en étant en charge de cette question dans la mairie de secteur où il était alors élu. «C’est un domaine dans lequel les experts-comptables sont présents, soit en tant que responsables de structure soit comme commissaires aux comptes», indique-t-il, avant de considérer: «L’ESS représente un vrai gisement d’emplois».
Denis Philippe développe:«L’ESS cela veut tout dire et rien dire. C’est 16 687 établissements employeurs, soit 8,6% des établissements employeurs privés, 163 158 salariés, soit 13,5% des salariés du secteur privé, 4,2 milliards d’euros de salaires bruts distribués. C’est également 69,6% des emplois occupés par des femmes». Une fois ce tableau dressé, il en vient à la question du débat: l’ESS est-elle éthique? Sa réponse est claire: «Je ne le pense pas, en revanche, il existe des spécificités statutaires du fait d’un différentiel de salaire limité, les excédents sont réinvestis pour la bonne marche des entreprises…». Il revient sur la Loi de 2014. Pour la première fois, en France, le périmètre de l’ESS est clairement défini. Il inclut les acteurs historiques de l’Économie Sociale, que sont les associations, les mutuelles, les coopératives et les fondations, mais intègre également de nouvelles formes entrepreneuriat. Les sociétés commerciales qui poursuivent un objectif d’utilité sociale, tel que défini dans la loi, -et qui font le choix d’adopter et de mettre en œuvre les principes de l’ESS-, sont ainsi désormais considérées comme des acteurs de plein droit de l’Économie Sociale et Solidaire.
«L’ESS ne s’oppose pas à d’autres modes d’entreprendre, elle est seulement différente»
Denis Philippe reprend: «nous avons l’ambition de recruter 1 000 nouveaux adhérents en expliquant bien que l’ESS ne s’oppose pas à d’autres modes d’entreprendre, elle est seulement différente». «Si on prend le cas du modèle mutualiste, explique-t-il, on peut voir qu’il est en pleine évolution avec des contraintes réglementaires très fortes qui ont conduit à des fusions. Concernant le secteur associatif, traditionnellement on entend des responsables dire: aidez-nous car nous avons une utilité sociale. C’est souvent vrai, mais ils oublient la part d’auto-financement nécessaire et pour cela il faut avoir une vision entrepreneuriale. Voilà 10 ans « entrepreneur » était un gros mot dans l’ESS, tel n’est plus le cas aujourd’hui»
Alain Maïssa, Scop Paca Corse indique pour sa part: «Nous avons des entreprises dans tous les secteurs d’activités et, si nous comptons dans nos rangs des TPE et PME, nous comptons également de très grandes entreprises preuve que le modèle des Scop n’est pas un frein au développement». Lui aussi s’interroge: «Je ne sais pas si notre statut nous rend plus éthique ou plus vertueux. ce que je sais c’est qu’il attire des jeunes et que le monde des start-up ne nous est plus étranger. Mieux, à l’occasion de notre congrès en 2016, nous avons interrogé le grand public pour savoir comment il percevait les Scop et, à une forte majorité, il juge que nos coopératives correspondent à l’image qu’il se fait de l’entreprise éthique». «Nous avons un nouvel outil, annonce-t-il, la Société d’Intérêt Collectif (SIC), qui permet d’associer toute personne physique ou morale de droit privé ou de droit public autour du projet commun. Pour se constituer une SCIC doit obligatoirement associer: des salariés (ou en leur absence des producteurs agriculteurs, artisans…), des bénéficiaires (clients, fournisseurs, bénévoles, collectifs de toute nature, …) et un troisième type d’associé selon les ambitions de l’entreprise (entreprise privé, financeurs, associations…). Les collectivités territoriales, leurs groupements et les établissements publics territoriaux peuvent devenir associés et détenir jusqu’à 50 % du capital. Cette SCIC connaît un développement spectaculaire dans le tourisme, le sport…».
Pour Nabil M’Rad: «L’éthique est une question de personne. Alors il est normal de trouver de tout dans le monde de l’ESS». Considère: «L’entreprise libérale peut apporter autant que l’ESS dans la relation au pouvoir». Il met en exergue la dynamique en matière d’ESS qui vient du Maghreb et d’Afrique: «Ici nous avons des outils poussiéreux. Alors qu’au Maroc et la Tunisie a suivi, l’ESS est devenu un outil de développement local. Des plateformes ont vu le jour et, en Afrique, un réseau s’est mis en place et s’étend sur 26 pays ». La Cress entend bien s’adapter, elle prépare demain en travaillant sur des projets tels que la création d’une place des affaires numériques, le développement d’expérimentations partenariales, l’ingénierie de solutions de micro-crédit…
Michel CAIRE