Club Ethic €co des Experts-Comptables: l’éthique de la responsabilité en débat au Camp des Milles

Publié le 29 décembre 2017 à  11h40 - Dernière mise à  jour le 28 octobre 2022 à  17h50

« L’éthique de responsabilité « était au cœur du débat posée par le club Ethic Eco présidé par le député Mohamed Laqhila, président d’honneur du Conseil régional de l’Ordre des Experts Comptables Marseille-Paca. Ce débat, qui s’est tenu au camp des Milles, réunissait Alain Chouraqui, sociologue, Président Fondateur de la Fondation du Camp des Milles; Jean-Philippe Agresti, Professeur en histoire du droit et des institutions, Doyen de la faculté de droit et de science politique et vice-président au partenariat avec le monde socio-économique d’Aix-Marseille Université (AMU); Mireille Provansal, Présidente de la Cimade du Pays d’Aix en Provence et, Lionel Canesi, président du Conseil régional de l’Ordre des experts comptables.

De gauche à droite, Jean-Philippe Agresti, Mireille Provensal, Lionel canesi, Christian Apothéloz (radio Dialogue RCF), Mohamed Laqhila et Alain Chouraqui  (Photo Croec Paca)
De gauche à droite, Jean-Philippe Agresti, Mireille Provensal, Lionel canesi, Christian Apothéloz (radio Dialogue RCF), Mohamed Laqhila et Alain Chouraqui (Photo Croec Paca)
Alain Chouraqui rappelle que «le Camp des Milles a fonctionné uniquement en zone libre». Il rappelle encore que dans ce bâtiment furent internées entre 1939 et 1942, plus de 10 000 personnes dans des conditions de plus en plus dures. «Réfugiée en France, la plupart fuyait le totalitarisme, le fanatisme et les persécutions en Europe». «L’histoire du Camp des Milles, poursuit-il, témoigne de l’engrenage des intolérances successives, xénophobe, idéologique et antisémite qui conduisit à la déportation de plus de 2 000 hommes, femmes et enfants juifs depuis le Camp des Milles vers le Camp d’extermination d’Auschwitz, via Drancy et Rivesaltes. Ils faisaient partie des 10 000 Juifs de la zone dite « libre », qui, avant même l’occupation de cette zone, ont été livrés aux nazis par le gouvernement de Vichy, puis assassinés dans le cadre de la « Solution finale »». Alain Chouraqui de mettre en exergue : «Dans l’Homme, la société humaine, il y a la capacité d’aller vers le pire ainsi que celle de résister. Ici, au-delà du lieu, de l’Histoire, on essaie, pour la première fois, de présenter les mécanismes qui ont pu conduire au pire». Et, ajoute-t-il: «Nous sommes face aujourd’hui, à des engrenages et lorsque l’identité devient centrale le danger est extrêmement grand. On passe vite de eux et nous à eux contre nous».

«Comprendre et agir contre les intolérances»

Mohamed Laqhila revient sur la rencontre : «Si notre réunion se tient en ce lieu ce n’est dû ni au hasard ni à une commodité. En 2015, alors que la Région Paca était sur le point de basculer dans le camp de la haine j’avais organisé en ces locaux une réunion de l’Ordre régional des experts comptables pour comprendre et agir contre les intolérances». Alors que Lionel Canesi met en avant «l’éthique qui fait partie intégrante de notre profession. (…) Et, en homme prudent, l’expert comptable est le mieux à même de trouver le juste milieu, ce qui est bon pour l’entreprise et la société».
Mireille Provensal souligne qu’elle est petite fille de résistants juifs, «c’est dire que ce n’est pas sans importance pour moi d’être au camp des Milles». Puis de présenter la Cimade «qui a vu le jour en 1939 pour venir en aide aux déplacés et aux évacués, ce fut, en France, l’une des principales associations de protection des juifs. Aujourd’hui notre solidarité active s’exprime dans la défense des droits des étrangers, des migrants. Nous aidons à monter des dossiers et nous travaillons avec le Collectif Agir qui a pour objectif d’accueillir les réfugiés en pays d’Aix en favorisant les liens entre plusieurs associations concernées ». Et dénonce à propos des migrants: «35 000 personnes vivent en très grande précarité en France, pourchassées, enfermées dans des centres de rétention. Le Camp des Milles, pendant deux ans en a été un. C’était insupportable en 1940, cela l’est encore aujourd’hui».

«Il importe de se mettre d’accord sur des normes sur lesquelles on ne peut pas transiger»

Pour Jean-Philippe Agresti: «Il importe de se mettre d’accord sur des principes sur lesquelles on ne peut pas transiger». Alain Chouraqui reprend: «La question de la responsabilité est liée à celle de la liberté. A partir du moment où on est libre on revendique le choix de faire ou de ne pas faire sachant que ne rien faire c’est laisser faire». «Le parcours que nous proposons au sein du Camp, explique-t-il, se termine par le mur des actes justes. Ces actes ne sont pas obligatoirement héroïques, cela peut être un policier qui détourne le regard. Et, lorsque nous écoutons ceux qui ont réagi, tous expliquent qu’à un moment ils ont entendu une petite voix qui les a conduits à agir. Il faut toujours écouter cette petite voix car c’est elle qui fera que l’on aura pas honte». Puis, d’en venir à la question de l’État, de la différence entre légalité et légitimité. «Dans un régime démocratique la légalité se confond pour l’essentiel avec la légitimité. En revanche, il est des États -et nous y arrivons dans de nombreux pays, où la démocratie, les contre-pouvoirs, s’affaiblissent- la légalité se détache alors de la légitimité qui relève de l’éthique. Hitler a été élu légalement, Pétain a été nommé légalement, les documents envoyant les Juifs en déportation étaient légaux… La légalité n’est pas la légitimité. Et, aujourd’hui, nous sommes dans une situation de danger pour les fondements démocratiques». Jean-Philippe Agresti de lancer : «Il est inimaginable que nous ne soyons pas en capacité de résister quand ce qui nous engage en commun est mis en péril».

«Il serait intéressant que le délit de solidarité soit purement et simplement supprimé»

L’actualité a eu toute sa place dans le débat. Ainsi, parmi les interventions une porte sur les migrants: «Il serait intéressant que le délit de solidarité soit purement et simplement supprimé. Comment admettre que l’on condamne des gens parce qu’ils viennent en aide à des personnes isolées, dans la neige, qui ont faim et froid? On ne peut pas être condamné parce que l’on tend la main. Comment concevoir que des familles avec plusieurs enfants soient retenues dans des conditions déplorables pendant 45 voire 90 jours?». Un autre intervenant pose la question de l’éducation et de la formation à la responsabilité. Tandis qu’un autre s’interroge: «Les élites auto-proclamées n’agissent-elles pas contre le peuple? Est-ce que la primauté de l’argent laisse de la place à l’éthique?», Une autre intervention pose la question des femmes. Alain Chouraqui répondra à ce propos: «Nous marquons le 8 mars par un débat sur le thème « femmes debout, femmes en résistance »».
Michel CAIRE

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