Club Ethic Eco des Experts-Comptables : les mots Éthique & Finances vont-ils très bien ensemble ?

Publié le 14 novembre 2016 à  21h12 - Dernière mise à  jour le 28 octobre 2022 à  15h41

Mohamed Laqhila, le président du Conseil Régional de l’Ordre des Experts Comptables Marseille Paca vient d’inviter, dans le cadre du club Ethic Eco, des regards croisés sur «Éthique & Finances». Un déjeuner qui réunissait Jean-Jacques Cambounet, directeur régional Paca Banque de France, Alain Lacroix, président du Directoire de la Caisse d’Épargne Provence-Alpes-Corse (Cepac), Patrick Le Camus, fondateur des Rencontres du Crowdfunding en Méditerranée et Mustapha Daidj, spécialiste de la Médiation des Cultures et des Civilisations.

Autour de Mohamed Laqhila, Mustapha Daidj, Patrick Le Camus, le médiateur Christian Apothéloz (RCF), Alain Lacroix, Jean-Jacques Cambounet (Photo L.W.)
Autour de Mohamed Laqhila, Mustapha Daidj, Patrick Le Camus, le médiateur Christian Apothéloz (RCF), Alain Lacroix, Jean-Jacques Cambounet (Photo L.W.)

Mohamed Laqhila évoque les avancées de la finance éthique «qui est, entre autres, une réponse à la crise de 2008. Elle représente aujourd’hui un actif sur 8 aux États-Unis où la finance éthique a connu une croissance de 13% entre 2007 et 2010 pour représenter aujourd’hui de 2 à 5% de la finance conventionnelle soit une somme de 1 000 milliards de dollars». Puis de préciser qu’il existe également une finance ouvertement non éthique: «Les fonds de péchés qui n’investissent que dans le tabac, l’alcool, les armes et les jeux». Il en vient enfin à la finance islamique: «qui, selon ses principes, ne peut être qu’éthique mais l’est-elle vraiment lorsque elle finance des emplois favorisant le maintien des femmes à domicile?»
Mustapha Daidj revient à l’intitulé de la rencontre, la finance éthique, après avoir indiqué que, pendant 20 ans, il a dirigé l’ADNOC (Abu Dhabi National Oil Company). Fort de cette expérience, il juge que «la finance éthique n’existe pas», en revanche, ajoute-t-il: «J’ai rencontré des banquiers éthiques». Et de donner sa définition de l’éthique: «Elle est la combinaison de l’altruisme, la loyauté, l’université et la gratuité». A ses yeux :«La finance n’a aucun rapport avec l’économie politique qui n’en a pas plus avec la politique».

«Il y a une éthique de la mafia, pas une morale»

Alain Lacroix ouvre son propos en considérant que la critique des banques est un sport national. Puis d’en venir à sa conception de l’éthique: «Alors que la morale se compose de règles intangibles, l’éthique elle, est fonction de la société. Elle est donc relative et se limite à se tenir aux règles que l’on s’est soi-même données, ainsi il y a une éthique de la mafia, pas une morale». Puis d’affirmer: «C’est le système bancaire qui fait fonctionner le pays, garanti la fluidité des échanges. Si ce système s’effondre, on l’a vu en Grèce, c’est le pays qui sombre». De noter à ce propos: «Depuis la crise de 2008 de nombreuses mesures ont été prises afin de contraindre les banques à assurer elles-même leur propre sécurité, d’améliorer leur résistance aux choc avec une réduction de la spéculation, des fonds propres accrus et une lutte contre la fraude. Et nous sommes aujourd’hui également jugés sur la façon dont nous vendons nos produits. Nous pouvons ainsi être condamnés pour avoir vendu un bon produit mais à la mauvaise personne». Il évoque donc les règles auxquelles il importe de se conforter: «Mais est-ce suffisant? Non. L’éthique ne doit pas s’arrêter à éviter les scandales et les fraudes. Elle doit aller au-delà et c’est l’affaire de tous mais en particulier des dirigeants avec le business modèle des banques». Il se fait alors le VRP de son organisme: «À la Cepac notre éthique s’appuie sur trois piliers: notre mode de gouvernance, le sociétariat et la responsabilité sociétale de l’entreprise ». Et de stipuler: «À partir de là nous utilisons la performance économique de façon cohérente avec nos principes. Ainsi, nous sommes l’un des premiers investisseurs privés sur Marseille car c’est ici que nous puisons notre substance. Nous entendons favoriser l’accès le plus large possible à toutes les couches de la société à la banque et nous nous inscrivons dans une temporalité déconnectée du marché. Sans ignorer la rentabilité, nos actions s’inscrivent en effet dans la durée».
Patrick Le Camus, fondateur des premières rencontres du crowdfunding en Méditerranée explique: «Nous sommes là dans un secteur qui est encore neuf» avant d’insister sur l’importance et l’efficacité de «l’intelligence collective» en ce domaine. Il raconte à ce propos l’histoire d’un dossier soutenu par une plateforme sans recevoir l’aval du public. «La plateforme croyait tellement à ce dossier qu’elle l’a représenté, sous une nouvelle forme et la levée de fonds a été réussie, contrairement au projet qui, lui, a échoué».

«Ce serait une erreur de croire que si les billets de banque disparaissaient le banditisme ferait de même»

Jean-Jacques Cambounet, Banque de France, en revient à la perception de l’argent dans notre société: «Les gens ont l’idée que l’argent est sale, que c’est un outil de domination et on ne peut nier que les scandales ont été nombreux au cours de l’Histoire. Mais ce serait une erreur de croire que si les billets de banque disparaissaient le banditisme ferait de même. Et puis, dans la lignée de l’Église catholique qui, de 800 à 1800 a interdit les intérêts, nombreux sont ceux qui pensent que l’argent devrait être gratuit. Mais enfin, qu’en est-il, lorsque l’on apporte des fonds à la Banque on veut les retrouver et, lorsque l’on a un projet on veut trouver des fonds pour le mener à bien. Donc un banquier doit rendre l’argent qu’on lui a confié, les contrôles doivent permettre d’interdire les promesses intenables et il a le crédit qui est l’acte de croire à un projet». Il en vient à la Banque de France: «Lorsqu’une entreprise considère que des banquiers lui ont fait des misères il vient chez nous et nous cherchons une solution consensuelle que nous trouvons dans 60% des cas». : «nous sommes là, ajoute-t-il, pour que le banquier et l’entreprise puissent vivre».
Le moment est alors venu pour un tour de table, d’autres professions indiquent leur implication en matière d’éthique. C’est ainsi que Bruno Huss, directeur général de Solimut, trésorier de la Chambre régionale économie social et solidaire (Cress) Paca avance pour sa part: «La mutualité doit gérer ses actifs au profit de ses adhérents, nous investissons donc là où ils habitent». Jean-Claude Capuono, expert-comptable et commissaire aux comptes adhère avec sa société à la Charte de l’Onu Global Compact. Il s’agit là de la plus importante initiative internationale d’engagement volontaire en matière de développement durable, regroupant près de 13 000 participants dans 160 pays. A la fois mondial et local, privé et public. le Global Compact est une plateforme d’engagement et d’action collective favorisant des sociétés stables et inclusives. «Nous avons également créé un fonds de dotation sur lequel nos clients nous accompagnent. nous avons de cette manière pu distribuer 7 000 repas au Resto du cœur et à la Banque Alimentaire. Maintenant, à la demande de nos salariés, nous mettons en place un prélèvement mensuel sur salaire pour en faire bénéficier une association». Une avocate avoue pour sa part ne pas être satisfaite par les propos: «Entendre parler de l’éthique de la mafia me donne des boutons, je tousse lorsque j’entends parler d’éthique des banques. L’éthique c’est un ensemble de règles, non écrites, car sinon se serait du Droit. L’éthique trouve sa source dans la philosophie.»
Michel CAIRE

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