Comment la CFE-CGC s’adapte aux attentes des générations Y et Z

Publié le 5 juin 2018 à  9h48 - Dernière mise à  jour le 28 octobre 2022 à  18h49

« Pas à Pas », manifestation dédiée aux étudiants et aux jeunes actifs, initiée par la CFE-CGC, s’est déroulée à Marseille le 23 mai dernier. Une centaine de personnes a ainsi répondu présent au rendez-vous organisé à la Coque à Marseille. Pour le syndicat qui entend s’adresser à ces nouvelles générations, il s’agit ni plus ni moins que de changer l’image du syndicalisme et de casser les codes. Avec succès, au vu des dernières élections.

Destimed img 9879 la coque 23 mai 2018Le monde change, celui du travail forcément aussi et la CFE-CGC en est bien consciente. Ces mutations, elles sont notamment portées par les nouvelles populations actives. Y ou Z, ceux que François Hommeril, président du syndicat, appelle «les générations montantes», font l’objet de réflexions au sein de la CFE-CGC. Et les conclusions qu’elle tire, «c’est que ces nouveaux actifs ont des attentes, une exigence forte de sens et de valeurs». Ils recherchent aussi avant tout la nouveauté, quitte à changer pour cela d’employeur… «On a des exemples d’entreprises qui ont embauché des jeunes très brillants et qui n’arrivent pas à les garder. Tout cela a un impact économique… Comment donc fidéliser ces talents ? », observe encore le président. Autres traits caractéristiques, ils ressentent la notion de groupe comme essentielle, ainsi que l’envie de collaborer au sein d’une équipe. Le travail se pose pour eux comme un outil de socialisation… Enfin, développement personnel et bien-être au travail occupent chez ces jeunes une place très importante. In fine, une conception du travail plutôt éloignée de celle des baby-boomers et de la génération X, plus engagés dans leur poste, concernés par leur entreprise, plus stressés par l’utilisation des nouvelles technologies que par le respect de la hiérarchie… Un management vertical auquel ils sont habitués. Bien sûr, il ne faut pas généraliser, tous les actifs n’entrent pas forcément de façon aussi formelle dans ces deux portraits robots en fonction de leur âge. Mais cela a le mérite d’illustrer de façon parlante le glissement qui s’opère peu à peu sur la conception du travail. Et de poser une problématique en termes clairs : comment faire cohabiter ces deux types d’actifs, comment concilier leurs attentes, qui peuvent apparaître parfois comme divergentes ? Cela fait quelques temps déjà que la CFE-CGC s’est penchée sur cette question, celle de l’intergénérationnel. Car c’est par la compréhension de ces nouveaux venus sur le marché du travail -et pas uniquement en versant dans le 4.0 ! – que s’initiera le syndicalisme de demain. «Nous avons le devoir de réfléchir et de voir comment trouver des réponses syndicales à ces nouveaux besoins, comment construire des initiatives en adéquation avec leurs demandes», martèle François Hommeril, qui évoque par ailleurs l’entrée dans une période «où le syndicat s’engage dans des actions plus expérimentales». En ligne de mire, l’envie de changer l’image du syndicalisme.

Soirées festives

Et pour casser les codes, la CFE-CGC a choisi de s’adresser directement aux jeunes actifs et aux étudiants. Depuis 2016, elle a décidé d’accompagner ces derniers en mettant à leur disposition de l’information pour mieux les conseiller en matière d’orientation professionnelle et de recherche d’emploi. Sous-tendue, la volonté «d’entrer en contact avec les générations montantes qui ne connaissent pas le syndicalisme ou ont des a priori sur le sujet», poursuit François Hommeril. Nom de l’opération, orchestrée par Fabrice Tyack, délégué national chargé de la syndicalisation des jeunes : « Pas à Pas ». Aux prémices, «nous avons lancé une sorte de Think Tank, des groupes de travail en interne et en externe. Délégués syndicaux CFE-CGC et membres des fédérations ont ainsi pu réfléchir avec des chercheurs, des entrepreneurs, des salariés du privé et des étudiants. Tous se sont accordés sur la nécessité de trouver le moyen de formuler et de mutualiser les bonnes pratiques visant à faciliter l’entrée des jeunes dans la vie active», explique le délégué national, revenant sur les questions qui taraudent le plus souvent les jeunes : «Qu’est-ce qu’il y a derrière mon bulletin de salaire, comment je me présente à un employeur, comment rédiger un CV efficace…». Le fruit de cette réflexion a permis de donner le jour à un guide digital nommé « Pas à Pas ». Et pour le présenter, le syndicat organise des soirées festives et thématiques dans les grandes villes étudiantes. Le 23 mai dernier, c’était donc le tour de Marseille… Une bonne centaine de jeunes, invités par le biais des réseaux sociaux, se sont ainsi rendus à la Coque pour aller au contact du syndicat, écouter entrepreneurs et consultants sur les thèmes de l’insertion, de l’orientation professionnelle, du bien-vivre en entreprise, ainsi que pour faire des rencontres. Car l’idée, c’est aussi celle-là :«Aider ces jeunes à trouver la bonne personne, échanger des cartes de visite, créer leur réseau et toute la relation humaine qui se construit derrière… Mais en aucun cas, nous n’organisons ces soirées pour faire signer des bulletins d’adhésion. Le but, c’est de faire comprendre à quoi sert la CFE-CGC. Et si les jeunes le saisissent, alors ils seront les meilleurs ambassadeurs du syndicat », poursuit Fabrice Tyack.

Faire intervenir le monde extérieur au syndicat

Ainsi, « Pas à Pas » témoigne de ce désir de sortir de l’entre-soi. C’est cela aussi, le syndicalisme de demain. «Qu’est-ce qu’un syndicat, si ce n’est un réseau social opérationnel ? La question des réseaux sociaux est donc devenue primordiale», reprend François Hommeril. Tandis que Fabrice Tyack évoque l’éventualité de s’investir dans les Mooc, les événementiels… «Nous ne devons pas organiser seulement des événements entre nous. Nous ouvrons cela désormais à d’autres partenaires». La soirée du 23 mai l’illustrait bien. Aux côtés de la CFE-CGC, sont intervenus notamment la journaliste, auteur et conférencière Florence Servan-Schreiber, la directrice du développement institutionnel de la Fabrique Spinoza, Béatrix Jounault, ou encore l’entrepreneur Damien Catani. L’occasion d’aborder des thématiques chers au cœur des générations Y et Z, le développement personnel et le bien-être au travail. «Une question sur laquelle la Fabrique Spinoza travaille depuis 6 ans, avec trois grands pôles d’expertise. Cela passe par la création d’un think tank, axant la réflexion sur la façon de sensibiliser le plus de personnes possibles à la question du bien-être au travail; une académie Spinoza dont la vocation est de sensibiliser les managers et, la mise en place d’ambassadeurs à même d’accompagner les entrepreneurs dans cette démarche. Et ils sont de plus en plus nombreux à venir nous demander de mesurer le bonheur au travail dans leur entreprise», évoque Béatrix Jounault. Damien Catani s’est positionné lui aussi sur cette question à travers son entreprise Goalmap et son application éponyme, présentée le soir du 23 mai… «Nous nous occupons d’une autre brique, celle du bien-être individuel. Nous avons notamment mis au point des questionnaires pour mesurer des éléments tels que le sommeil, le stress, l’équilibre vie privée/vie professionnelle», précise celui qui œuvre déjà aux côtés de grands comptes, comme Lafarge, Gan ou le Crédit Agricole… Et lui aussi confirme que la demande sur le bien-être est exponentielle de la part des entreprises. Un constat intéressant, alors que Béatrix Jounault avance le chiffre de «3,2 millions de salariés potentiellement en burn out en France »…

Augmentation significative aux dernières élections

Enfin, Sébastien Molina, délégué syndical CFE-CGC chez Airbus Helicopters, avait lui aussi investi la Coque pour témoigner de la place qu’accorde sa section à cette question du bien-être au travail. «Airbus, c’est 8 000 salariés sur Marignane, une société en plein changement, dû notamment au rajeunissement de la population active. La qualité de vie au travail s’est donc posée comme une priorité. Nous avons ainsi signé des accords, par exemple sur le télétravail ou le droit à la connexion choisie », illustre entre autres ce dernier. Bref, une soirée pour témoigner de ce que «la CFE-CGC a toujours été : libre et indépendante, critique et constructive, réaliste et inventive. La force de notre organisation tient en sa capacité à se remettre en question et à développer de nouvelles compétences pour s’adapter à une société qui change», appuie de son côté Daniel Petrucci, le président de l’union régionale de la CFE-CGC. Visiblement, cela a tendance à payer : le syndicat, comptant quelque 147 000 adhérents, a totalisé près de 130 000 voix aux dernières élections syndicales. «Il est celui qui a le plus progressé, avec une croissance de 17% de voix en quatre ans », précise François Hommeril. Sur la région, il ne totalise pas moins de 18 000 adhérents.
Carole PAYRAU

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