Conseil Régional Provence-Alpes-Côte d’Azur : les relations internationales et méditerranéennes de la région en débat

Publié le 25 avril 2014 à  23h30 - Dernière mise à  jour le 27 octobre 2022 à  17h49

img_9768_conseil_regional_.jpgMichel Vauzelle, le Président de la Région Provence Alpes Côte d’Azur a présenté, lors de la plénière de l’institution régionale, la stratégie internationale de cette dernière, notamment au niveau méditerranéen. Un axe fort de la politique régionale, qui a vu la Droite, le FN et le Front de Gauche critiquer le document pour des raisons diverses et parfois contradictoires. Une intervention lors de laquelle Michel Vauzelle a annoncé la venue à Marseille, en septembre prochain, de Laurent Fabius, le ministre des Affaires étrangères et du Développement international : « il viendra présenter la politique française en Méditerranée et le rôle de Marseille et de sa région en Méditerranée ».

« La Villa Méditerranée a pour unique objet d’être le lieu, en France, dédié à l’avenir de la Méditerranée, d’être une vitrine de la politique nationale dans cette région du Monde »

Le président de Région a rappelé que c’est en 2008 que l’Assemblée a adopté «une nouvelle stratégie internationale complétée par un Plan d’action pour la Méditerranée». Depuis, les printemps arabes «ont complètement rebattu les cartes de la gouvernance méditerranéenne. Nous prenons acte, avec respect, de ces mouvements». Puis de rappeler : «Notre région est unie à cet espace par une communauté de destin». Et de considérer : «Les peuples sont tournés vers la France des Droits de l’Homme pour chercher, avec elle, un nouveau modèle de société». Michel Vauzelle d’expliquer qu’il attend «que Paris joue avec Marseille, la Région, le jeu que Madrid a joué avec Barcelone». Il s’agit donc, aux yeux du président, de faire de la cité phocéenne la tête de pont de la politique méditerranéenne de la France. « La Villa Méditerranée a pour unique objet d’être le lieu, en France, dédié à l’avenir de la Méditerranée, d’être une vitrine de la politique nationale dans cette région du Monde».
Il signale que des atouts existent déjà pour aller dans ce sens grâce à la vitalité d’un réseau d’institutions et d’acteurs techniques déjà en place, la capacité de mobilisation de fonds européens vers l’espace méditerranéen avec les programmes MED, et Marittimo; sans oublier les talents et les réseaux d’une importante diaspora méditerranéenne.
Ajoutant: « Toulon et Nice doivent prendre toute leur place dans cette aventure et, contribuer notamment au renforcement des liens avec l’Italie et les Alpes».
Il n’omet pas de signaler que les compétences des collectivités à l’international ont également fortement évolué depuis 2008. Les régions se voient, en effet, désormais confier la responsabilité de la projection de leur tissu économique à l’international, aux côtés des métropoles. « L’adoption récente par notre assemblée du Plan Régional d’Internationalisation des entreprises (PRIE) et de la création de l’Agence Régionale pour l’Innovation et l’Internationalisation des Entreprises (ARII) s’inscrit déjà dans cette dynamique ». Il cite, enfin, la coopération économique internationale conduite avec la Chine, le Mexique, le Brésil… et les actions de solidarité menées à Kasserine, en Tunisie, mais aussi en Haïti, dans la corne de l’Afrique ou encore auprès des réfugiés syriens.

«Rien dans ce rapport ne traite des coopérations à forte valeur ajoutée que pourrait organiser notre Région afin de tirer profit d’investissements étrangers au cœur de nos territoires»

C’est Daniel Sperling qui intervient pour le groupe UMP-UDI. Il attaque : « Devons-nous comprendre qu’aujourd’hui vous n’avez plus grand-chose de consensuel à présenter pour obtenir le soutien d’une majorité hétéroclite et de plus critique ? Alors pour maintenir les apparences, pour masquer les échecs économiques, sociétaux et bien sûr électoraux de deux années de socialisme, vous vous appropriez les priorités de la Région à l’international».
Il dénonce: « Une fâcheuse propension à favoriser une logique de coopération décentralisée réductrice. Une dangereuse tendance à confondre la subsidiarité avec la légitimité internationale qui, par définition ne peut être « portée » que par les seuls États… » Puis s’en prend à une coopération décentralisée et stratégie internationale qu’il qualifie de réductrice : « Contrairement à la stratégie internationale initiée dès 1986 par Jean Claude Gaudin, rien dans ce rapport ne traite des coopérations à forte valeur ajoutée que pourrait organiser notre Région afin de tirer profit d’investissements étrangers au cœur de nos territoires». Remet en question la Villa Méditerranée. Conclut : « Nous tenons enfin à préciser qu’il ne faut en aucun cas confondre le rôle de la Région et la légitimité de l’État dans le domaines des relations internationales ».
La réponse de Michel Vauzelle fuse : «Vous n’avez aucune vision d’avenir. Vous n’avez pas compris que les temps ont changé, qu’il faut une logique de développement économique. Comment pouvez-vous ne pas comprendre que, face à l’Allemagne et l’Angleterre la place de la France est là, en Méditerranée, là où on parle français, là où on demande une coopération dans le respect des régimes en place, dans la co-construction et le respect de l’Autre ? ».

« Au lieu de lutter contre la globalisation on s’y inscrit »

C’est à Luc Léandri, Front de Gauche, de prendre la parole. «A l’heure où les tensions internationales sont de plus en plus importantes, le rôle de notre collectivité est particulièrement déterminant. Alors que l’on assiste à une montée du nationalisme, du fascisme, liée aux politiques austéritaires imposées à nos peuples. Nous partageons votre ambition de coopération mutuellement avantageuse et d’aider le processus démocratique en cours. Pour autant nous ne cautionnons pas les orientations économiques inscrites dans ce document. Au lieu de lutter contre la globalisation on s’y inscrit alors que c’est bien la mondialisation qui est responsable de la crise que nous connaissons. En conséquence nous nous abstiendrons».
Michel Vauzelle de rétorquer : «Je ne vois pas en quoi nous défendons une logique ultra-libérale. Nous essayons plutôt de montrer une autre façon de conduire une politique étrangère».
Pour le FN, rien de bon dans ce dossier : «Qu’apporte à nos populations vos actions au Sénégal ? Rien. Vous maintenez sous perfusion des peuples au détriment du peuple français. Or, élus par le peuple français, nous n’avons pas vocation à mener une politique étrangère. Nous voterons contre ».
Joëlle Faguer intervient pour le groupe EELV : «Cette délibération affirme l’ambition de Marseille : être la capitale de la Méditerranée avec une légitimité puisée dans son histoire et sa position au cœur de cet espace. Et le fait que le rôle essentiel de l’action extérieure des collectivités locales est maintenant largement reconnu».
A ses yeux donc : «L’ambition est légitime mais ne trouvera sa cohérence qu’à condition de faire fonctionner l’articulation entre l’action de l’État et de l’Europe avec celle de la Région, aussi bien que celle de la Région avec d’autres Régions et avec les différents niveaux de son territoire».

« Il faudra créer dans les pays du Sud et de l’Est de la Méditerranée entre 30 et 40 millions d’emplois au cours des 20 prochaines années, pour simplement stabiliser le taux de chômage à son niveau actuel »

Joëlle Faguer ajoute : «Souhaitons que la Villa Méditerranée réussisse à incarner ce projet et lui donner la visibilité qu’il mérite. Qu’elle soit ce lieu d’accueil et d’échanges, symbole du dialogue entre les cultures des deux rives dont nous avons besoin et que cet espace prenne enfin du sens ».
Elle insiste sur les enjeux : « Les Nations unies prévoient, d’ici 20 ans, 60 millions de jeunes supplémentaires à employer et donc à former et 75 millions de nouveaux urbains à accueillir, dans un environnement fragile, et aux portes de l’Europe. Les bouleversements politiques en cours appellent de notre part un accompagnement et un effort accru en faveur du renforcement de la gouvernance et de la préservation de cet environnement».
Elle se fait l’écho d’une récente étude du FEMISE pour la banque mondiale qui « indique qu’il faudra créer dans les pays du Sud et de l’Est de la Méditerranée entre 30 et 40 millions d’emplois au cours des 20 prochaines années, pour simplement stabiliser le taux de chômage à son niveau actuel. Or, cette même étude indique que 10% de ces emplois pourraient être créés par le développement de l’économie verte». Elle se fait enfin l’écho de la région Ile de France qui a décidé cette année dans le cadre de sa stratégie à l’international de soutenir les projets de coopération relevant du concept de biens publics mondiaux. «Ces biens publics mondiaux ne sont aujourd’hui correctement pris en charge ni par les marchés ni par les États parce que les investissements que nécessite leur préservation ne profitent pas exclusivement à ceux qui les ont consentis et ne génèrent pas nécessairement de bénéfice marchand. Ils appellent donc de la part de la communauté internationale des solutions de gouvernance et de financement innovantes».
Patrick Allemand, vice-président PS de la Région met l’accent sur le fait que cette coopération décentralisée «permet de maintenir des liens avec des peuples dans des moments de crise intérieure ou internationale, comme c’est le cas en Syrie actuellement où nous menons une action en direction des réfugiés. Et notre objectif, dans les actions que nous menons, est de créer des façons de produire des richesses de manière autonome et nous sommes là très loin de l’ultralibéralisme. Enfin, nous cherchons à ce que plusieurs régions européennes se rassemblent pour conduire des actions, c’est particulièrement important car cela permet de mobiliser des fonds européens».
Michel CAIRE

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