Conseil général des Bouches-du-Rhône : débat sur l’avenir des jeunes autour de la Méditerranée

Publié le 4 novembre 2014 à  18h25 - Dernière mise à  jour le 27 octobre 2022 à  18h24

Le Conseil général 13 a organisé tout un ensemble d’animations et de spectacles à l’occasion de la journée internationale des droits de l’enfant avant de proposer un débat sur « l’avenir des jeunes autour de la Méditerranée, construire les solidarités ». Après une introduction par Véronique Bourcet-Giner, conseillère générale déléguée à la santé publique, la protection de l’enfance et de la famille, tour à tour Youssef Courbage, démographe, Robert Fouchet, professeur des universités, Michèle Mansuy, membre de l’Ocemo et le sociologue, Albert Ogien sont intervenus dans cette conférence organisée et animée par l’association Approches Cultures et Territoires (ACT) en collaboration avec le direction Enfance Famille. Il a été question de réfléchir aux ruptures qui se produisent, à définir quelle politique publique construire pour répondre aux attentes. Avant de voir si des liens pouvaient exister entre les divers mouvements qui ont lieu autour du monde.

(Photo Philippe Maillé)
(Photo Philippe Maillé)

Véronique Bourcet-Giner tire la sonnette d’alarme en ouverture du débat, dénonce le désengagement de l’État alors que la situation est grave. Mais, souligne-t-elle: «Le Département poursuit sa mission en s’occupant de plus de 6 500 jeunes que ce soit en protection ou en prévention. Parmi eux de nombreuses victimes de la guerre, de la montée de l’islamisme. D’autres encore fuient la misère. Ils sont ainsi de plus en plus nombreux à risquer leur vie en Méditerranée. Ainsi plus de 2 200 personnes ont péri ou sont portées disparues en mer depuis Juin 2013».

«Nous sommes donc devant une contre transition démographique»

Youssef Gourbage aborde pour sa part la question des transitions démocratiques, explique qu’un certain nombre de facteurs, le taux d’alphabétisation, la démographie ont un impact sur la vie politique. Il insiste sur la démographie : «Nous avons travaillé avec Emmanuel Todd sur les transitions démographiques et démocratiques et nous nous sommes trompés sur certains points, ainsi, contrairement à notre proposition, on assiste à une très forte croissance de la démographie en Égypte (3,5 enfants aujourd’hui contre 3 en 2015), en Algérie (3 enfants en 2012 contre 2,4 en 2000), on trouve le phénomène en Syrie, en Jordanie et même en Tunisie. Seule une minorité de pays arabes suit ce que nous avions prévu : la perpétuation de la transition démographique. Nous sommes donc devant une contre transition démographique. Cela ne signifie pas pour autant la fin de la transition démocratique car d’autres facteurs prennent le relais. Ainsi le mariage continue à être de plus en plus tardif, il n’y a plus de mariage entre proches. Et, dans les pays du Golfe, malgré une politique hyper-nataliste, la transition se poursuit. La natalité, par exemple, est aujourd’hui la même en Égypte qu’en Arabie Saoudite».
Puis, d’expliquer cette remontée de la natalité par l’exclusion des femmes du marché du travail. Elles sont jusqu’à 77% à travailler en Extrême-Orient alors que les pays arabes ont le bonnet d’âne avec 22%. Et cela n’a rien à voir avec la religion puisque en Indonésie, le plus grand pays musulman au monde, le pourcentage de femmes qui travaillent et quasiment identique à celui des hommes».

«Je trouve que l’on se promène avec beaucoup d’arrogance sur la notion de territoire »

Robert Fouchet en vient à nos politiques publiques : «Elles sont influencées par deux grandes tendances : l’anglosphère et la vieille tradition française. L’anglosphère nous amène le concept de performance, une logique sur laquelle d’ailleurs les Anglais reviennent et qui voudrait que le résultat importe plus que les moyens. Le résultat ? On l’a notamment vu dans les chemins de fer. Alors, bien sûr que le Public doit faire des efforts mais pas au détriment de ce que nous gagnons sur un plan sociétal». Et d’ajouter : «Et puis, il y a une pensée francophone à prendre en compte. Nous avons un concept de territoire qui a toujours gêné les économistes. Nous avons 36 000 communes, ce n’est pas le cas ailleurs. Alors on a voulu se mettre à la mode, regrouper. Et, du coup, on va ajouter un nouvel espace : la métropole… Je trouve que l’on se promène avec beaucoup d’arrogance sur la notion de territoire. Et même on propose ce que nous faisons à nos amis du Sud. Alors, lorsque j’entends parler de décentralisation au Maroc je ne suis pas sûr que nous leur faisons un cadeau».
Puis de noter : «Contrairement à ce qui se passe en Europe, le taux de chômage augmente avec les diplômes sur les rives Sud et Est de la Méditerranée. Ce qui ne veut pas dire qu’il ne faut pas faire d’étude, mais avoir un meilleur lien éducation/emploi. Car, les jeunes qui n’ont pas fait d’études ont des emplois de mauvaise qualité. Au Maroc, 60% des jeunes qui ont un emploi aident leur famille sans être payés. Enfin, et cela fausse les statistiques, les jeunes sans diplômes se retirent plus que les diplômés du marché de l’emploi et donc ne sont pas pris en compte par les statistiques du chômage».
Michèle Mansuy se fait l’écho du travail qu’accompli l’Office de coopération économique pour la Méditerranée et l’Orient (Ocemo) en Méditerranée: «A côté du programme « Nouvelle Chance », déployé avec le soutien de l’Agence française du Développement (AFD), le programme jeunesse de l’OCEMO, conçu par le Pr. Reiffers, propose de créer des données comparables sur la situation des jeunes et leurs attentes. Le but est d’aider à mieux orienter l’action des décideurs publics et privés en faveur des jeunes».
Une première enquête dans la région de Marrakech-Tensift -Al Haouz – (MTH) a été réalisée en 2013, en partenariat avec l’Observatoire National du Développement Humain (ONDH) , et avec l’appui technique de la direction de la statistique du Haut-Commissariat au Plan (HCP), l’organe national de la planification économique du Maroc. Le choix de se concentrer sur une région correspond à la conviction que l’implication des responsables locaux est nécessaire à l’action en faveur des jeunes.

Pour le Maroc, c’est la première enquête régionale sur les jeunes

Pour le Maroc, c’est la première enquête régionale sur les jeunes. Elle s’inscrit dans la nouvelle stratégie de la régionalisation avancée. Cette enquête régionale crée une opportunité pour les acteurs locaux de débattre du projet d’observatoire régional de la jeunesse. Elle constitue également une bonne pratique susceptible d’être transposée à d’autres régions du pays .
Enfin le sociologue Albert Ogien revient sur le travail qu’il a accompli avec la philosophe Sandra Laugier sur « le principe démocratie, enquête sur les nouvelles formes du politique ». «Nous avons observé ce qui se passe depuis 2011, depuis que des mouvements pacifiques ont occupé la rue, en Tunisie et en Égypte, avec le résultat que l’on connaît. Depuis, à New York, Pékin, Hong Kong, Madrid…. on trouve des gens qui, au-delà des spécificités locales, se décrètent citoyens en colère, s’installent sur une place. L’ensemble de ces mouvements est affecté par la jeunesse mais ne touche pas que les jeunes. Dans tous les cas on constate que les mouvements politiques, syndicats et autres organisations traditionnelles sont exclus. Dans ce rejet on perçoit un désir d’autonomie des personnes. D’ailleurs jamais un leader n’a émergé de ces mouvements. Cela s’explique par le fait que la forme d’organisation de ces mouvements revendique l’égalité, la responsabilité partagée, respecte les positions de chacun. Les gens qui ont émergé ont été exclus. Mieux en Inde un leader de la lutte anti-corruption a refusé de prendre la tête du mouvement lorsque celui ci s’est transformé en parti. Enfin ces mouvements sont tous non violents. Les personnes qui sont dans ces mouvements sont là parce qu’ils considèrent que ce qu’il demande est juste, mais ils ne veulent pas prendre le pouvoir».
Michel CAIRE

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