Conservatoire d’Aix-en-Provence. Bruce Liu : pianiste prodigieux et unique

Publié le 13 octobre 2022 à  19h29 - Dernière mise à  jour le 11 juin 2023 à  17h58

Après La Roque d’Anthéron, cet été, le pianiste Bruce Liu a enflammé le Conservatoire Darius Milhaud d’Aix-en-Provence avec un programme identique, et joué avec le même éclat.

Le pianiste Bruce Liu a enflammé le Conservatoire Darius Milhaud d’Aix-en-Provence (Photo Pierre Morales)
Le pianiste Bruce Liu a enflammé le Conservatoire Darius Milhaud d’Aix-en-Provence (Photo Pierre Morales)

Dès les premières notes de sa Ballade n°2 de Chopin, nous voilà saisis. Ruptures de ton, enchaînement sans à-coups, son parfait, nous avons l’impression que tout un orchestre surgit de ses doigts. Et cela ne fait que commencer ! Mêmes effets sur la Ballade n°3. Puis le spectaculaire s’invite dans un monde poétique, le sublime côtoie le minimalisme avec ces Variations sur «Là ci darem la mano» de Mozart opus 2 toujours écrites par Chopin, jouées à différentes vitesses mais avec la même fluidité. Ces regards sur l’opéra mozartien on les retrouvera en fin de programme dans une interprétation tellurique et jamais bruyante de «Réminescences de Don Juan» de Franz Liszt cette fois, qui constituent tout simplement un Himalaya de difficultés techniques ne stoppant jamais l’élan pianistique de notre prodige.

Dialogue permanent entre la scène et les travées du Conservatoire

Pluie de notes dès le début des «Miroirs» de Ravel qui semblent fondre sur vous en cascades d’émotion, Bruce Liu passe d’un univers à l’autre avec la même aisance. Particulièrement novateur sur «Une barque sur l’océan », et «La vallée des cloches», deux des morceaux de l’œuvre qui apparaissent ici comme on ne les entend que très rarement, le jeune prodige de 25 ans débarrasse l’ensemble de tout le maniérisme dont on habille trop souvent cette suite de cinq pièces composées entre 1904 et 1906. Toujours virtuose mais tourné entièrement vers autrui, Bruce Liu imprime à son concert des accents de complicité musicale. Le public ne s’y trompant pas, bruissant d’émotion entre les morceaux de ces inoubliables «Miroirs» sertis par instants d’un glissando magique. Fi de tout conventionnalisme, élans ininterrompus de ce qui semble être un dialogue permanent entre la scène et les travées du Conservatoire, ce concert hors normes n’a réservé que des surprises. Jusqu’au bout où offrant trois rappels Rameau-Chopin, Bruce Liu donne l’impression que rien ne peut l’arrêter. Qu’il peut tout jouer, et couvrir le temps d’un concert plusieurs siècles de musique.

Ce que nous avons tous en commun, c’est notre différence…

On saluera également le tour de force intellectuel permettant au pianiste de passer d’un univers à l’autre avec une aisance semblable. Né à Paris dans une famille d’origine de Chine, ayant grandi à Montréal, imprégné par la diversité culturelle des pays dans lesquels il voyage et séjourne, Bruce Liu se plaît à rappeler que «ce que nous avons tous en commun, c’est notre différence.» Le choix très éclectique de son programme l’attestant, cet artiste promis à un avenir international des plus brillants s’affirme déjà comme un grand pianiste.
Jean-Rémi BARLAND

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