Corse. Une immense nappe d’hydrocarbures dérive au large des côtes de l’île

Publié le 13 juin 2021 à  9h37 - Dernière mise à  jour le 31 octobre 2022 à  19h14

Une nappe d’hydrocarbures, longue de 35 km, flotte non loin des côtes corses, au large d’Aleria et de Solenzara. Ce samedi 12 juin, elle s’est approchée dangereusement du littoral. «Nous craignons qu’une partie de cette pollution touche les côtes corses», a rapporté la capitaine de frégate Christine Ribbe, porte-parole de la préfecture maritime. Le plan Polmar-Terre est déclenché par la préfecture. De nombreux moyens ont été déployés, des plages ont été fermées et la pêche interdite. Une enquête a été ouverte et confiée à la gendarmerie maritime.

Une nappe contenant des hydrocarbures lourds, dans le secteur d'Aleria-Solenzara, au large de la côte est de la Corse © Marine Nationale/ Premarmed
Une nappe contenant des hydrocarbures lourds, dans le secteur d’Aleria-Solenzara, au large de la côte est de la Corse © Marine Nationale/ Premarmed

Ce vendredi 11 juin 2021, vers midi, une possible pollution en mer est repérée au cours d’un exercice mené par la Base Aérienne de Solenzara. La préfecture maritime de la Méditerranée envoie alors immédiatement un avion Falcon50 de la Marine nationale. Ses observations permettent de caractériser une pollution, répartie en deux nappes sur une longueur d’environ 19 nautiques (environ 35 kilomètres). Elle se situe à environ 5 nautiques (9 kilomètres) de la côte Est de la Corse entre Aléria et Solenzara.

Une pollution contenant des hydrocarbures lourds

L’analyse des images par les experts du Cedre (Centre de documentation, de recherche et d’expérimentation contre les pollutions) et du Ceppol (Centre d’Expertises Pratiques de Lutte Antipollution) conclut à une pollution contenant des hydrocarbures lourds. Ces premiers éléments sont ensuite confirmés par les observations visuelles de la vedette des Douanes françaises Libecciu qui effectue parallèlement des prélèvements sur zone.

Cette pollution résulte vraisemblablement d’un dégazage mais la taille et la nature des produits ne permettent pas d’espérer pour autant une dilution naturelle et nécessitent d’engager des unités et du matériel spécifique antipollution. «On voit qu’il y a un déplacement de ces nappes, elles sont en train de s’éclater, ce qui ne rend pas facile le pompage», a détaillé la ministre de la Transition écologique et solidaire Barbara Pompili, qui a survolé la zone vers 16 heures avec la ministre de la Mer, Annick Girardin.

Un dégazage à l’origine de la pollution ?

Cette pollution est vraisemblablement liée au dégazage d’un navire, un procédé illégal par lequel des navires vidangent leurs cuves d’hydrocarbures en pleine mer. Une enquête a été ouverte et confiée à la gendarmerie maritime, a déclaré la procureure de Marseille, Dominique Laurens, afin d’en savoir plus sur les circonstances de cette pollution. Interrogée sur l’enquête, la ministre de la Transition écologique, Barbara Pompili a précisé: «Nous allons évidemment trouver quels sont les auteurs de ces actes et ils seront punis très sévèrement.» Pour rappel, «la loi permet des peines allant jusqu’à 10 ans d’emprisonnement et 15 millions d’euros d’amendes», a-t-elle ajouté.

Dans la soirée, la ministre a évoqué dans un tweet «un pur acte de délinquance écologique» et a ciblé trois bateaux «identifiés comme les auteurs potentiels».

Le plan Polmar-Terre déclenché, les plages interdites d’accès

Selon la préfecture maritime, d’importants moyens ont été déployés dans le cadre du plan Polmar-Terre afin de protéger le littoral. Quelque 80 militaires de la sécurité civile, pompiers et gendarmes sont d’ores et déjà déployés. «Ils sont munis des outils de collecte au sol des hydrocarbures s’ils venaient à toucher les côtes ainsi que du matériel de protection», a précisé la préfecture. La marine nationale a aussi envoyé deux bâtiments de soutien et d’assistance affrété (BSAA), Pionnier et Jason, avec des matériels antipollution et du personnel spécialisé. Des moyens stationnés en Corse sont aussi déployés.

Le dispositif de lutte antipollution coordonné par le Préfecture maritime de la Méditerranée se poursuit au large des côtes corses, en lien avec avec les services des préfectures de Haute Corse et de Corse du Sud pour favoriser les synergies et la préparation de toutes les équipes. En prévention, le préfet de Haute-Corse, François Ravier, a interdit l’accès aux plages sur une bande située entre les communes d’Aleria et Ventiseri. «Il est aussi recommandé aux habitants de ne pas se rendre sur les plages proches de ces zones. Le périmètre de l’arrêté sera revu en fonction des informations sur la dérive des nappes», a précisé la préfecture dans un communiqué. La pêche a été également interdite sur ces mêmes secteurs.

Si cette pollution aux hydrocarbures arrivait sur les plages corses, le résultat pourrait s’avérer catastrophique sur le plan écologique, mais aussi sur le plan économique, à deux semaines de la saison estivale. Selon Antidia Citores, de l’ONG Surfrider Fundation Europe, les zones de «la réserve de Scandola, le détroit de Porto-Vecchio et Bonifacio» sont menacées. «Notre espoir, c’est que ça n’arrive pas sur la Corse et que les autorités déploient tous les moyens en mer pour réussir à contenir cette pollution».

L’association Surfrider Fundation Europe a ainsi annoncé son intention de porter plainte contre X, a précisé la porte-parole de l’ONG, «de sorte à encourager les autorités à mener les investigations et à remonter jusqu’à l’auteur». Et même si la pollution semble s’éloigner des côtes, les inquiétudes sont loin d’être levées… pour le maire de Serra-Di-Fiumorbo, Jean-Noël Profizi, expliquait sur franceinfo que, si les côtes devaient être touchées, «ce serait une catastrophe écologique. On n’est pas prêts à faire face à une marée noire.»
Patricia MAILLÉ-CAIRE

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