Covid-19. Fondation de Marseille : « On est dans une crise humanitaire à Marseille depuis le début du confinement »

Publié le 19 avril 2020 à  9h48 - Dernière mise à  jour le 31 octobre 2022 à  11h15

Une grande chaîne humanitaire est sûrement en train de sauver des vies à Marseille grâce à l’opération « #MarseilleSolidaire» initiée par la Fondation de Marseille, tout juste créée depuis le 12 février. Orchestrée par la Fondation de France via son dispositif d’urgence et son maillage local au sein des plus petites structures d’entraide, la démarche mobilise des fonds depuis les dernières semaines auprès des entrepreneurs et acteurs locaux pour les reverser aux associations agissant au quotidien auprès des citoyens. Des Marseillais dont les plus en difficulté sont en train de vivre «une véritable crise humanitaire», selon Cécile Malo, la déléguée générale de la Fondation de France Méditerranée.

L'équipe de la Fondation de Marseille  (Photo FdM)
L’équipe de la Fondation de Marseille (Photo FdM)
Les 4 entrepreneurs à l'origine de la Fondation de Marseille : de gauche à droite : Fabrice Necas, Fabrice Alimi, Cyril Zimmerman et Christophe Baralotto. (Photo FdM)
Les 4 entrepreneurs à l’origine de la Fondation de Marseille : de gauche à droite : Fabrice Necas, Fabrice Alimi, Cyril Zimmerman et Christophe Baralotto. (Photo FdM)
Et si le fameux «monde d’après», tant réclamé et rêvé, aujourd’hui, c’était ça. Précisément. Des actions concrètes car citoyennes menées au plus près des attentes du terrain. Financées par différents mécènes privés locaux, plus ou moins gros et grands, afin de venir aider – ou soulager, ou remplacer, c’est selon…- des pouvoirs publics dont la lourdeur administrative ne peut pas permettre à chaque fois, et davantage en situation de crise imprévue, d’agir au plus vite, au plus près, au plus juste. Lors de son lancement officiel, le 12 février dernier, la Fondation de Marseille se présentait comme «un soutien financier à des projets positifs à fort impact social, visant à lutter contre les précarités sociales, culturelles, éducatives, économiques et environnementales.» Abritée par la Fondation de France, elle se définissait encore comme «l’une des premières fondations territoriales du pays», avec la finalité «de solliciter ses réseaux au sein des mondes économique, artistique, sportif… pour accélérer les actions solidaires et inventives au bénéfice de tous les Marseillais.»

Lancement d’un appel aux dons et création d’un fonds commun pour financer des projets

La crise sanitaire née du coronavirus l’aura mise plus vite que prévu sur le devant de la scène afin de tester son utilité. «Cette crise nous fait vivre de manière amplifiée les urgences à la fois d’hébergement, alimentaire et d’éducation habituelles à Marseille», explique Fabrice Necas, directeur général d’Only Pro Group et président de la Fondation de Marseille. «Nous avons décidé de lancer un appel aux dons et de créer un fonds commun pour financer des projets, à la suite du confinement. On a ainsi pris le temps de lancer une grande action d’envergure, en se rapprochant pour cela de la Fondation de France, très expérimentée dans le domaine. On peut résumer cette action comme une donation à Marseille solidaire, dans le but de répondre au plus près aux attentes actuelles des citoyens, surtout les plus pauvres. Avec la crise du coronavirus, nous avons stoppé tous nos nouveaux projets pour combattre celui-ci, car il va y avoir une crise sociale derrière.» Plusieurs entreprises ont déjà répondu à l’appel, comme la Fondation Onet, la Fondation Daher, plusieurs start-up : MCES (Mon Club Esport), I-Wantit, Marsatwork… mais encore plusieurs artistes comme le rappeur Alonzo. «Nous avons décidé de ne pas annoncer les sommes versées par les donateurs», précise Fabrice Necas, «on veut toucher tout le monde sur le plan local.»

«On peut répondre dans les 72 heures à chaque nouvelle demande de financement, et la Fondation peut débloquer les fonds sous 24 heures»

Cécile Malo enchaîne sur ce que notre vie de confiné ne peut pas voir à l’heure actuelle: «Dans ce contexte, il faut comprendre qu’une ville comme Marseille cumule les difficultés de tous ordres. On est dans une crise humanitaire à Marseille depuis le début du confinement. Et l’on a décidé de mettre en place le dispositif d’urgence de la Fondation de France pour agir vite et au plus près, exactement comme cela avait été fait au moment des attentats terroristes, comme après celui de Nice. Un dispositif reposant sur des actions menées auprès des acteurs de terrain. A Marseille, ce sont des centaines d’associations qui agissent au quotidien. Le but est d’être au plus près des initiatives, le plus précis possible partout où l’on peut compléter les dispositifs publics. Et nous avons sur ce plan là, de par notre organisation, notre maillage, une capacité de réaction très forte. Depuis les derniers jours, on peut ainsi répondre dans les 72 heures à chaque nouvelle demande de financement, et la Fondation peut débloquer à chaque fois les fonds sous 24 heures.»

«Dans les quartiers les plus populaires, à Marseille, les gens, dès le départ, avaient faim»

Une Fondation de France qui avoue être en ce moment «débordée » en demandes de financement dans ce sens. «Depuis le début du confinement, à Marseille, la grande préoccupation est l’alimentation», précise Cécile Malo, «dans les quartiers les plus populaires, les gens, dès le départ, avaient faim. Aujourd’hui, il faut aussi savoir que plus de 10 % des gamins scolarisés habitant dans ces quartiers ont disparu des radars (de l’Education nationale)… Nous avons habituellement 200 000 ménages en difficulté. Vous imaginez l’ampleur de ce qui peut se passer depuis les dernières semaines. Avec les associations de terrain, on est là pour avoir accès aux informations, notamment pour répondre à l’aide aux devoirs pour les enfants. Car la fracture numérique apparaît un peu plus au grand jour de manière criante avec cette crise, et les questions de l’accès à Internet, à la 4G… » L’initiative a par exemple et concrètement déjà permis d’aider 20 000 familles marseillaise en difficulté à recevoir des paniers remplis de fruits et légumes grâce à l’association « Pain et Partage ». Fabrice Necas poursuit : «On pousse de notre côté à la bonne coordination du projet. Pour impulser un effet levier, démultiplicateur, afin de lever des fonds. La crise sanitaire pousse aux actions associatives, qui inventent de nouvelles façons de procéder du fait de l’absence de contact physique à respecter avec le confinement. Il y a la double idée d’avoir une réponse immédiate et celle de pérenniser les actions.»

Pour aider concrètement sur le terrain les actions d’entraide des associations, telles : Pain et Partage, On Se Gèle Dehors, Une Autre Image ou la Fraternité Belle De Mai

Les objectifs de la Fondation de Marseille étaient dès le départ de s’intéresser à toutes les formes d’aides citoyennes. Le confinement lui offre l’occasion grandeur nature -et inimaginable encore le 12 février dernier- de se confronter à sa vocation imaginée. «Les personnes sans-abri et très précaires ont un peu plus besoin en ce moment d’avoir accès à l’hébergement », explique Alexandre Fassi, délégué général de Cap au Nord Entreprendre, un réseau d’entrepreneurs qui, à l’image de la Cité des Entrepreneurs d’Euroméditerranée, s’est engagé pour mobiliser les forces vives du territoire dans l’opération « #MarseilleSolidaire ». Il précise : «L’association humanitaire « On Se Gèle Dehors », de soutien aux sans-abri et mal logés, est ainsi aidée. C’est également le cas pour « Une Autre Image », qui s’occupe de l’aide aux devoirs, ou la « Fraternité Belle De Mai », toujours en termes éducatifs.» Cécile Malo ajoute : «On doit aussi être là pour apporter des réponses aux besoins très concrets des familles de ne pas être sous le coup du stress actuel lié à l’épidémie. Car il y a un enjeu majeur à faire diminuer ce stress, lié également à toutes les informations entendues qui peuvent faire peur. On doit être là pour soulager dans ce sens.» En dix jours, la Fondation de France annonce avoir déjà recueilli 200 000 euros qu’elle a pu engager dans l’esprit décrit. «Et je tiens à préciser que la Fondation de Marseille, qui n’a pas de salariés, n’est pas pour nous une simple tuyauterie pour pouvoir agir , ajoute la responsable, on travaille ensemble, notamment pour veiller à la plus grande sécurité sur les fonds et leur traçabilité. Nous travaillons ensemble avec le préfet de région, avec la préfète à l’égalité des chances. Tout ce que nous entreprenons est mis en œuvre de manière collective. En prenant des initiatives et mesures à chaque fois où il peut y avoir des trous dans la raquette, comme on dit… »

«Ce que nous vivons doit nous faire inventer un nouveau logiciel. Avec l’idée de reconstruction à l’échelle locale»

Alexandre Fassi ajoute : «Pour résumer nos actions, ce sont des gens qui vont voir d’autres gens. Et montrer au grand jour la capacité des associations à savoir se réinventer les dernières semaines. A l’image de ces paniers suspendus proposés dans plusieurs quartiers de Marseille afin d’apporter de vraies solutions à ceux qui en ont besoin. On donne ce qui doit être donné. Et les gens prennent ce dont ils ont besoin. Il y a une relation directe citoyenne et de confiance qui se noue, et cela se passe très bien. L’explication réside peut-être dans le fait que nous sommes tous touchés par ce qu’il se passe actuellement. L’audace actuelle est nécessairement collective. Avec des traitements pour aider ultra rapides. Mais, pour cela, il fallait que l’on agisse ensemble.» Cécile Malo conclut en reprenant la même idée : «On connaît en ce moment plusieurs prises de conscience collectives. Comme le fait de voir que notre système de santé n’est pas inébranlable. Nous montrons du même coup une plus grande capacité à se mobiliser. On s’aperçoit aussi qu’en 3-4 jours, sur Marseille, nous sommes capables de pouvoir nous organiser pour venir concrètement en aide à des personnes les plus vulnérables, en arrivant à articuler de la base au terrain un projet précis. Et nous constatons un dévouement incroyable, sincère, grâce à un élan de générosité très rapide. Je vous avoue que de nombreuses réflexions me viennent en tête pour l’après. Et plus les jours passent, plus ces réflexions sont des convictions. Ce que nous vivons doit nous faire inventer un nouveau logiciel. Avec l’idée de reconstruction à l’échelle locale. Avec celle encore d’une écologie à mettre toujours plus en avant. Mais sans sacrifier pour autant la culture et l’art, qui sont des outils pouvant nous permettre, précisément, de nous réinventer. On ne devra surtout pas sacrifier ces deux domaines.»
Bruno ANGELICA
Toutes les informations pour participer à la campagne solidaire de dons sont sur le site : fondation-marseille.org

La Fondation de Marseille
La Fondation de Marseille a vu le jour le 12 février 2020 et abritée par la Fondation de France à Marseille. Elle se décrit «sans étiquette, non partisane, apolitique et agnostique ». Elle a été lancée par 4 entrepreneurs locaux : Fabrice Alimi, dirigeant-fondateur du Groupe AA-Novelis, à l’origine de Tamdem – Le hub mentorat de la CCI Marseille Provence. Christophe Baralotto, co-fondateur de Provepharm et MailinBlack à l’origine de Dégun sans stage. Fabrice Necas, président d’Argeste, Cirocco, Voices’Prod, Mistral Events et Provence Mécénat, directeur général d’Only Pro Group, à l’origine encore de Provence Mécénat. Cyril Zimmerman, co-fondateur d’AdUX, de HiPay, de FelixCitybird, du cinéma bistrot La Baleine et de l’école La Plateforme.
« Les défis sont nombreux, notamment à l’égard des plus vulnérables» expliquaient-ils dans un communiqué commun pour mieux faire comprendre la démarche, « les situations critiques se multiplient, et dans une ville comme la nôtre, ce n’est pas une fatalité, chacun peut faire sa part… et la différence pour la fierté de Marseille et de ses habitants. La Fondation de Marseille est avant tout un outil pour les PME, celles qui se développent, recrutent et ont envie de faire évoluer le territoire. Les grands groupes aussi peuvent nous rejoindre, mais on sait qu’ils ont déjà souvent leurs propres outils. Les donateurs sont des entreprises ou des entrepreneurs.» Au-delà du soutien financier, la Fondation mise aussi «sur l’importance du réseau de ses donateurs pour venir en aide aux porteurs de projets.»

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