Covid-19. Entretien. Franck Alexandre, président du Crédit Agricole Alpes-Provence: « Une crise qui donne encore plus de poids aux valeurs mutualistes »

Publié le 21 mai 2020 à  8h37 - Dernière mise à  jour le 31 octobre 2022 à  11h36

Franck Alexandre vient d’être nommé à la tête du Crédit Agricole Provence-Alpes succédant ainsi à Michel Bonnes dont il était le vice-président depuis 2013. Vigneron, il gère le domaine familial de Teyssonnières. Ce domaine de douze hectares, créé en 1838 sur les coteaux des Dentelles de Montmirail, est principalement situé sur le territoire de Gigondas, au cœur des Côtes-du-Rhône. Militant associatif de longue date tant dans le monde agricole, viticole que bancaire, Franck Alexandre revient sur la crise du Covid-19, ses attentes du gouvernement mais aussi de la société pour l’après, formulant le vœux que les circuits courts deviennent un réflexe, un nouveau mode de vie. Une crise qui, pour lui: «Donne encore plus de poids aux valeurs mutualistes». Entretien.

Franck Alexandre, président du Crédit Agricole Provence-Alpes (Photo Robert Poulain)
Franck Alexandre, président du Crédit Agricole Provence-Alpes (Photo Robert Poulain)

Destimed: Franck Alexandre, comment avez-vous passé cette période confinement?
F.A: Comme toutes les familles nous avons pris soins de nos aînés, nous avons récupéré les enfants qui ont pu poursuivre leurs études en télétravail. Sur le plan professionnel, le travail s’est poursuivi dans les vignes en mettant en place quelques aménagements. Et je dois dire que les contraintes de sécurité ont amené des évolutions que, pour certaines, nous allons garder. Les ventes, elles, se sont effondrées -nous ne sommes pas distribués en grande surface et les cafés, hôtels, restaurants sont fermés. Et, avec le confinement plus de touristes pour découvrir notre propriété, nos produits et les acquérir dans notre caveau. En revanche, à l’export nous avons continué de fonctionner. Je dois à ce propos saluer la filière des transports qui a tenu pendant la crise ce qui nous a permis d’exporter, notamment en Europe, même si, parfois, les volumes étaient à la baisse.

Et aujourd’hui avec le déconfinement?
La tendance est au redémarrage en matière de commande, et cela aussi bien de particuliers que d’entreprises, c’est plutôt bon signe.

Vous venez de prendre la présidence du Crédit Agricole Provence-Alpes dans un contexte inédit de crise. Comment cela s’est-il passé?
Déjà nous avons dû rapidement modifié notre façon de travailler. Et je dois dire que nous avons vite pris l’habitude des visioconférences. Un système qui devrait perdurer. Nous avons souvent des réunions d’une heure. Ce qui nous prend plus de temps en transport pour venir et repartir d’Aix-en-Provence. Nous pourrions pérenniser cela, c’est un gain de temps, d’argent et autant de pollution en moins. En plus cela impose une discipline de travail efficace. Au-delà, cette crise donne encore plus de poids aux valeurs mutualistes, à la valorisation du terroir, la proximité. Nous sommes sur un territoire, nous vivons avec lui, et cela nous donne une force, une pertinence que cette crise met en lumière. Il faut savoir que nous sommes l’entreprise bancaire qui a le plus d’agences sur le territoire. Et nous venons d’instruire pas moins de 25% des Prêts garantis d’État (PGE). Nous avons pris également deux mesures: le report de six mois de toutes les échéances de prêts et, deuxièmement, nous avons décidé d’instruire très rapidement les demandes de PGE. Nous avons ainsi contribué à ce que le Pays tienne et j’en suis heureux pour les entreprises et les ménages.

Au-delà de l’activité bancaire le Crédit Agricole mène-t-il des actions solidaires?
Le Crédit Agricole poursuit sa mobilisation auprès des personnes fragiles et a créé en urgence un fonds de solidarité de 20 millions d’euros. 10 millions d’euros proviennent des différentes Caisses régionales, dont celle du Crédit Agricole Alpes Provence. Ce Fonds de solidarité mis en place pour lutter contre l’isolement des personnes âgées vise à financer tout dispositif leur permettant de garder le lien avec leur famille (tablettes, téléphonie, etc.) et à répondre aux besoins de premières nécessités (masques, blouses, équipements de Protection Individuelle, etc.).

Comment voyez-vous le monde de l’après Covid-19?
Nous n’avons jamais connu une telle crise. Je pense qu’elle nous impose dorénavant de trouver un équilibre entre développement économique, respect de l’environnement et des personnes, de leur santé. Dans ce sens, nous avons créé au Crédit Agricole un groupe de travail national qui réfléchit sur les questions de l’écologie, de la Responsabilité sociétale des entreprises (RSE) et de la santé. En fait, je pense que nous devrons encore plus nous appuyer sur les nouvelles technologies pour encore mieux satisfaire les besoins de nos clients sociétaires et contribuer au développement de notre territoire. Le profit est un moyen pas une fin en soi.

Qu’attendez-vous du gouvernement?
Il doit continuer à accompagner les entreprises pour que la crise économique et sociale soit la moins rude car tous les secteurs sont touchés par une baisse d’activité. Au-delà de ce soutien j’attends une relocalisation d’activités sur notre territoire. On en parle dans l’industrie mais cela doit être aussi le cas dans l’agriculture. Et là, plus qu’au gouvernement, c’est à la population que je pense. J’espère qu’elle gardera l’habitude des circuits courts. C’est bon pour l’environnement, l’emploi et ces produits sont bons quand on les mange. Mieux vaut un produit cueilli mûr le matin même plutôt qu’un produit qui a mûri en conteneur. Et ce n’est pas mauvais pour le portefeuille. Vous savez la différence qu’il existe entre une bonne et une mauvaise saison pour des producteurs de fraises par exemple ? 3 à 4 centimes le kilo, c’est tout. Et cette saison a été bonne pour la profession à qui je rends hommage car elle a joué le jeu en n’augmentant pas ses prix. Et c’est vrai pour tout. Ainsi je suis allé acheté les masques pour le personnel chez Sterne, une manufacture de silicone installée à Cavaillon (84) qui, avec la crise, a créé une ligne de production de masques. Alors, oui, le gouvernement doit soutenir l’économie, les consommateurs aussi.
Propos recueillis par Michel CAIRE

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