Covid-19. Les grands acteurs de la société civile ont la parole. Alexandre Contencin : « La raison d’être devra plus que jamais être au cœur des stratégies des entreprises et devra nourrir toutes les composantes de son organisation. L’entreprise doit devenir une véritable entité politique. »

Publié le 31 mai 2020 à  9h45 - Dernière mise à  jour le 31 octobre 2022 à  11h37

Nous avons décidé de poser les mêmes questions à plusieurs acteurs de la société civile de Provence-Alpes-Côte d’Azur pour savoir comment ils avaient vécu le confinement, et surtout ce qu’ils entendent proposer concrètement comme mesures à prendre au plus vite pour combattre les autres crises qui vont apparaître -après l’actuelle sur le plan sanitaire- à savoir économique, sociale… Alexandre Contencin, associé fondateur et président de Marsatwork, une agence installée à Marseille «dédiée à la transformation digitale de l’entreprise et à l’expression de marque», a accepté de se prêter à l’exercice. Marsatwork se présente comme une entreprise qui «utilise le meilleur des disciplines créatives pour développer l’activité de ses clients». Elle s’appuie pour cela sur des «méthodes empruntées au Design thinking, pour valoriser l’intelligence collective, et propose 3 thématiques d’offres à ses clients : l’expression de leur raison d’être, la transformation de leur business model, l’engagement de leurs publics.» Composée d’une équipe de 45 collaborateurs spécialisés dans les métiers de la stratégie et du consulting, du contenu, du design et du digital, Marsatwork accompagne des entreprises et des start-up qui interviennent dans les secteurs de l’immobilier, de la banque, de la mobilité, de l’énergie, du retail, des services, de l’industrie, du tourisme… Pour rappel, la démarche de cette rubrique, sur l’idée et lancée par Daniel Boccardi, est que les lecteurs puissent comparer les différentes visions.

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Destimed: Comment avez-vous vécu le confinement sur un plan personnel et familial ?
Alexandre Contencin: Au premier jour du déconfinement, et depuis, je peux prendre pleinement la mesure des différents stades par lesquels je suis passé – ainsi que ma famille- au cours de ces deux derniers mois, et cet exercice introspectif m’a apporté deux sentiments paradoxaux. Le premier, au delà de la gravité que la crise pouvait avoir chez certaines personnes fragiles, j’ai apprécié cette «pause» obligée qui m’a permis de (re)découvrir des plaisirs du quotidien qui m’échappent d’ordinaire parce que mes horaires professionnels sont incompatibles avec une vie aussi sédentaire. Le second, c’est l’angoisse latente d’un redémarrage économique qui pourrait trop tarder à arriver et l’effet dominos qu’il engendrerait. Mais sur ce point, j’essaie de contrôler mon esprit et sa surprenante capacité à fabriquer des films d’horreur.

Quelles sont les 3 principales mesures que vous attendez du gouvernement dès la sortie de la crise sanitaire ?
Je redoute que les mesures prises pendant le confinement : Prêt Garanti par l’État, chômage partiel, suspension de cotisations… aient un effet secondaire délétère. De prime abord, les mesures qui ont consisté à rassurer en injectant de l’argent a certainement évité un effet de panique. Maintenant j’ai plutôt l’impression qu’elles ont crée d’un côté un état d’esprit d’insouciance «endless summer» qui risque d’engendrer chez certains une faible mobilisation. De l’autre, elles génèrent un stress dû à l’absence de direction claire du gouvernement (avec des revirements brutaux : réduction de la prise en charge du chômage partiel, absence de calendrier précis…) et qui risque de conduire les autres à des décisions hâtives : réduction d’embauches, licenciements.
En ce qui me concerne, je me sentirais rassurer par un discours politique unifié (à commencer par celui du gouvernement) qui explique clairement les dangers plus que potentiels qui nous menacent pour que l’on n’attende pas benoitement le dernier moment avant de devoir agir en tant que chef d’entreprise. Enfin, un calendrier clair des conditions dans lesquelles les mesures applicables vont être progressivement réduites afin de préparer nos plans de trésorerie et anticiper le management des équipes.

Comment voyez-vous le monde de demain : des grands changements seront-ils obligatoires, ou alors n’y croyez-vous pas ?
Le grand changement, c’est cette incroyable accélération de la digitalisation qui touche tout le monde. Et ça, que l’on soit pro ou anti techno, je n’imagine pas une seconde un retour en arrière. Elle était nécessaire mais elle s’est produite probablement trop vite, avec son lot de vicissitudes que l’on découvrira certainement dans quelques temps. J’espère que l’autre changement sera porté par le «Green deal» et qu’il sera étendu à tous les secteurs. C’est la plus belle opportunité de changement que l’on puisse saisir, à condition de ne pas avoir la mémoire trop courte. Dans ce sens, il va falloir soutenir de manière concrète les entreprises qui continueront à jouer le jeu dans leur démarche de transition écologique, et dans le même temps pénaliser celles qui seront inactives. Pour pérenniser ce mouvement, et ne plus craindre de retour en arrière, il faudra ainsi se montrer plus volontaire. Je pense aussi que la « raison d’être » devra plus que jamais être au cœur des stratégies des entreprises et qu’elle devra nourrir toutes les composantes de son organisation (sa démarche RSE, son management, sa politique financière et commerciale… ). L’entreprise doit devenir une véritable entité politique. Elle doit occuper davantage le devant de la scène, peser toujours plus pour avoir une importance sociétale comparable à celle de nos responsables politiques.
Propos recueillis par Bruno Angelica

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