Covid-19. Les grands acteurs de la société civile ont la parole. André Taboni : « Les banques, dont le coût du risque va inévitablement augmenter, devront jouer un rôle primordial, dans la durée, pour soutenir les entreprises comme les particuliers »

Publié le 11 mai 2020 à  18h19 - Dernière mise à  jour le 31 octobre 2022 à  11h35

Nous avons décidé de poser les mêmes questions à plusieurs acteurs de la société civile de Provence-Alpes-Côte d’Azur pour savoir comment ils ont vécu le confinement, et surtout ce qu’ils entendent proposer concrètement comme mesures à prendre au plus vite pour combattre les autres crises qui vont apparaître -après l’actuelle sur le plan sanitaire -à savoir économique, sociale… André Taboni, directeur du réseau du microcrédit particulier et du partenariat social chez IMF Créa-Sol, a accepté de se prêter à l’exercice. Créa-Sol est un institut de microfinance dont le siège est à Marseille, créé pour soutenir ceux qui n’arrivent pas à obtenir un prêt bancaire classique. Créa-Sol a réalisé un peu plus de 2 700 dossiers de microcrédits aux particuliers en en 2019, après en avoir réalisés 2 000 en 2018, et 300 en 2017. Il compte actuellement près de 4 700 microcrédits aux particuliers en cours d amortissement. D’autre part, ces dernières années, l’institut a permis de financer 3 000 micro-entreprises pour créer 4 500 emplois.

André Taboni, directeur du réseau du microcrédit particulier et du partenariat social chez IMF Créa-Sol (Photo D.R.)
André Taboni, directeur du réseau du microcrédit particulier et du partenariat social chez IMF Créa-Sol (Photo D.R.)

Destimed: Comment avez-vous vécu le confinement les dernières semaines sur un plan personnel et familial ?
André Taboni: Le confinement est une période marquée par différentes étapes ; une forme d’enfermement qui limite les libertés ; celle de se déplacer et de rencontrer les personnes qui sont chères, qui constituent mon entourage, interdisant de nouvelles rencontres, de bouger. Les premiers jours ont donné l’occasion de ranger, nettoyer, trier, archiver -tout en augmentant le temps passé devant ses écrans et au téléphone aussi- de retrouver sa famille, de dormir chez soi et non plus à l’hôtel, de mieux s’occuper de soi, de resserrer les liens tout en restant très actif. J’ai découvert la chance d’avoir un extérieur, de profiter de belles journées, en pensant souvent à ceux qui, parfois seuls, se contentaient d’une fenêtre. L’annonce de la date du 11 mai a été un soulagement, un horizon qui même si prudence oblige, redonne la possibilité de se projeter.

Quelles sont les 3 principales mesures que vous attendez du gouvernement dès la sortie de la crise sanitaire ?
Les mesures attendues sont de tirer l’expérience de la crise sanitaire pour anticiper, se préparer et faire face à de nouvelles pandémies. Ce qui veut dire flécher des moyens adéquats dans les secteurs de la santé, de l’éducation, de la recherche. Cela nécessite en parallèle une relocalisation ciblée, même assurément coordonnée à l’échelle de l’Europe de notre filière pour assurer notre indépendance. Nos soins coûteront peut être plus chers mais dans cette crise la priorité a été celle de la santé. Au plan économique, les chantiers vont être considérables. Il nous faudra plusieurs années pour se rééquilibrer. Au sortir de la Seconde guerre mondiale nous avions profité du Plan Marshall des Américains dont les investissements avaient accéléré notre reconstruction. Là nous ne pouvons compter que sur nous-mêmes, alors même que nous sommes très endettés, que notre population est vieillissante. Il nous faudra mettre les « bouchées doubles » dans le travail, investir largement, d’autant que d’autres pays sauront profiter de la crise pour accélérer et affaiblir les positions de nos fleurons industriels. Les banques, dont le coût du risque va inévitablement augmenter, devront jouer un rôle primordial, dans la durée, pour soutenir les entreprises en difficultés, tout comme les particuliers. Au plan social, le chômage repart inévitablement à la hausse. Contrairement à bien d’autres pays, nos formidables amortisseurs sociaux ont amoindri pour l’heure l’impact social. Les populations les plus fragiles le seront plus encore. Plus que jamais, la population aura besoin de formation, de qualification qu’elle soit avant ou pendant la vie active. Un plan de relance massif sera donc nécessaire pour la demande et l’investissement, même s’il faudra étudier la façon de le financer.

Comment voyez-vous le monde de demain : des grands changements seront-ils obligatoires, ou alors n’y croyez-vous pas ?
Sûrement que beaucoup de choses reviendront comme avant, une fois la crise derrière nous. On peut toutefois noter que trois domaines sont déjà en transformation accélérée. Le premier est la digitalisation : le télétravail devient tout d’un coup une réalité pour beaucoup et de s’apercevoir que cela fonctionne à grande échelle ; les succès de consultations médicales à distance. Ces évolutions réduiront la fracture ville/campagne. Le deuxième domaine est le commerce à distance : jamais nous n’avons autant eu recours au «drive», à la livraison des courses à domicile. Cela perdurera dans nos habitudes de consommation. Troisième domaine : la prise de conscience que notre humanité est fragile et que nous devons tout faire pour préserver nos écosystèmes et respecter la nature.
Propos recueillis par Bruno ANGELICA

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