Disparition de Bernard Bigot, directeur-général d’Iter

Publié le 15 mai 2022 à  10h40 - Dernière mise à  jour le 6 novembre 2022 à  10h41

Directeur général d’Iter Organization, Bernard Bigot s’est éteint le 14 mai 2022, emporté par la maladie. Acteur majeur du monde de la science et de l’énergie pendant plus de quatre décennies, il a imprimé une marque durable au programme de recherche international Iter, dont il avait pris la direction en 2015. Si sa disparition prématurée, à l’âge de 72 ans, sera douloureusement ressentie par la communauté mondiale de recherche sur la fusion, la réorganisation interne d’Iter et les nominations auxquelles il avait procédé ces dernières années sont autant d’atouts pour assurer la continuité, et le succès du programme. Dans l’attente de la nomination de son successeur par le Conseil Iter, la direction du programme sera assurée par Eisuke Tada, une figure particulièrement respectée dans le monde de la fusion. Associé de très longue date au programme Iter, Eisuke Tada en était jusqu’ici le directeur-adjoint.

Bernard Bigot ©Iter Organization
Bernard Bigot ©Iter Organization

Bernard Bigot avait pris la direction d’Iter au mois de mars 2015. Programme de recherche particulièrement ambitieux sur le plan scientifique et technique et entreprise sans équivalent par son organisation multinationale, le programme traversait alors une période de grandes difficultés liées au caractère inédit de son ingénierie, des fabrications et de sa gouvernance. Parmi les membres d’Iter, certains questionnaient la viabilité du projet, s’interrogeant même sur la poursuite de leur participation.

Avec humilité et détermination, Bernard Bigot avait accepté de relever l’immense défi, proposant un plan d’action rigoureux, fondé sur de profondes réformes dans le processus de décision, le management et, avant tout, la culture de projet. Ces réformes ont porté leurs fruits: sept ans plus tard, Iter s’impose comme un remarquable exemple de prouesse scientifique, technique et industrielle portée par une large collaboration multinationale.

Tandis que les travaux de génie civil de l’installation sont aujourd’hui quasiment finalisés, 75% de l’ensemble des tâches indispensable à la production d’un premier plasma sont désormais réalisées. Chacun des partenaires du programme -la Chine, l’Europe, l’Inde, le Japon, la Corée, la Russie et les États-Unis- a produit sa part de pièces de très haute technologie destinées à la machine et aux systèmes industriels de l’installation, accumulant les innovations dans de très nombreux domaines, depuis la science des matériaux et l’électromagnétisme, jusqu’à la robotique ou la cryogénie.

Au cours des deux années écoulées et en dépit de la pandémie de Covid-19, tous ces éléments ont pu être régulièrement livrés par voie maritime ou terrestre sur le site de construction à Saint-Paul-lez Durance/Cadarache (Bouches-du-Rhône) pour y être progressivement assemblés et, le cas échéant, mis en service. Cette remise en ordre de marche, Iter la doit, selon l’opinion unanime, à l’action de Bernard Bigot. « Son impact sur le programme a été unique et sans précédent», estime Massimo Garribba, le directeur général adjoint pour l’Énergie à la Commission européenne, et le président pour deux ans du Conseil Iter qui rappelle: «Son courage, son discernement et son exceptionnelle volonté ont rendu à Iter sa place légitime et son rôle emblématique. Reflétant la conviction qui animait Bernard Bigot, Iter porte aujourd’hui la promesse d’une source d’énergie propre, sûre et virtuellement illimitée. Cette disparition nous bouleverse et c’est en poursuivant notre engagement pour le succès d’Iter que nous honorerons le mieux la mémoire de Bernard Bigot.»

Tout au long de sa brillante carrière, Bernard Bigot a occupé d’importantes positions dans le monde de la recherche, de l’enseignement supérieur et de l’administration. A divers titres, il était engagé depuis plus de vingt ans dans Iter et dans la recherche sur la fusion. Avant d’être nommé à la tête du programme de recherche international, Bernard Bigot avait successivement accompli deux mandats d’administrateur général du Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) après avoir occupé plusieurs années durant le poste de Haut-commissaire à l’énergie atomique. Formé à l’École normale supérieure, agrégé de physique et docteur en chimie physique, Bernard Bigot a longtemps été professeur à l’École normale supérieure de Lyon qu’il avait contribué à créer. Il était également chargé de recherches à l’École normale supérieure, directeur de l’Institut de recherche sur la catalyse (CNRS) et président de la fondation de la Maison de la chimie. Au mois de mars dernier, il avait été élu à l’Académie des technologies. Bernard Bigot était Commandeur de la Légion d’Honneur et Officier de l’Ordre du Mérite, Commandeur de l’Ordre royal de l’Étoile polaire (Suède), décoré de l’Étoile d’or et d’argent de l’Ordre du Soleil Levant (Japon) et avait récemment reçu la Médaille de l’Amitié décernée par le gouvernement chinois.

Bernard Bigot était un entraîneur d’hommes, un visionnaire employant sa puissance de travail sans égale à œuvrer pour un monde meilleur. L’énergie était au cœur de ses préoccupations : «C’est l’énergie qui conditionne le développement économique, social et humain, disait-il. Aujourd’hui, 80% de l’énergie consommée dans le monde est issue de combustibles fossiles, et nous savons tous que cette ressource s’épuise et qu’elle fait peser de lourdes menaces sur la planète. Au contraire, avec la fusion, nous pouvons disposer d’une énergie propre pour des millions d’années. Il est de notre responsabilité envers les générations futures de tout mettre en œuvre pour maîtriser et exploiter cette source d’énergie.»

«Bernard Bigot était animé par un sens profond du devoir et du service. Toute aussi profonde était son humanité, et la loyauté était pour lui la plus haute des vertus. Exigeant envers ses collaborateurs, il l’était encore plus envers lui-même. Bien au-delà d’Iter et de la communauté scientifique internationale, son absence sera douloureusement ressentie», déclare dans un communiqué Iter organization

Pour visiter la page dédiée à la mémoire de Bernard Bigot, voir iter.org/fr/bernard-bigot-memorial

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Contexte

Conçu pour démontrer la faisabilité scientifique et technologique de l’énergie de fusion, Iter sera la plus grande installation expérimentale de fusion jamais construite. La fusion est à l’origine de l’énergie du Soleil et des étoiles : quand des noyaux d’atomes légers fusionnent pour former des noyaux plus lourds, une grande quantité d’énergie est libérée. La recherche sur la fusion vise à maîtriser cette source d’énergie à la fois sûre, fiable et respectueuse de l’environnement. Iter est également une entreprise de coopération scientifique internationale sans équivalent. La contribution de l’Europe représente à peu près la moitié du coût de construction ; les six autres Membres engagés dans cette entreprise (la Chine, l’Inde, le Japon, la République de Corée, la Fédération de Russie et les États-Unis) contribuent à part égale à l’autre moitié. Iter est en cours de construction à Saint-Paul-lez-Durance/Cadarache, en France, dans le département des Bouches-du-Rhône.
Plus d’info: iter.org)]

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