Disparition de Georges Courtès, un des pionniers de l’astronomie spatiale française

Publié le 1 novembre 2019 à  19h22 - Dernière mise à  jour le 29 octobre 2022 à  13h24

Georges Courtès nous a quittés le 31 octobre 2019, à l’âge de 94 ans. Astronome à l’Observatoire de Marseille et membre de l’académie des sciences, il fut l’un des pionniers de l’astronomie spatiale française et le créateur du LAS (Laboratoire d’Astronomie Spatiale) en 1965. Ce laboratoire du CNRS et du CNES, installé à côté du vélodrome des Olives, a fusionné en 2000 avec l’Observatoire de Marseille pour devenir le LAM (Laboratoire d’Astrophysique de Marseille) installé au technopôle de Château Gombert depuis 2008.

Chercheur intuitif et astucieux, Georges Courtès a conçu de nouveaux concepts en optique instrumentale, comme le montage BPM (Bande Passante Multiple) qui permet d’observer le même objet simultanément à plusieurs longueurs d’ondes. Ce système a connu de nombreuses applications en astronomie, au sol et dans l’espace. Il a également su tirer tout le parti de l’interféromètre de Fabry-Perot, une invention marseillaise plus que centenaire qui est utilisée en physique et en astrophysique un peu partout dans le monde, en permettant de mesurer des longueurs d’onde avec une précision inégalée, en particulier pour étudier les mouvements de rotation des galaxies grâce à l’effet Doppler.

Georges Courtès a grandement contribué aux débuts de l’astronomie spatiale française, avec les lancements de fusées Véronique de la base d’Hammaguir, dans le Sahara algérien, à la fin des années soixante. L’instrument de prise de vue était placé dans la pointe de la fusée qui s’élevait jusqu’à une centaine de kilomètres d’altitude, où le film photographique était exposé, avant de redescendre en parachute. Une telle altitude, aux limites de l’espace, permettait de faire des observations dans le proche ultraviolet. Par la suite, Georges Courtès a permis au LAS de participer à des missions spatiales embarquées sur des satellites ou des stations orbitales, en collaboration avec les soviétiques aussi bien qu’avec les américains, démontrant de belle manière que la science ne connait pas de frontières.

Récupération d’une pointe de fusée Véronique à Hammaguir. Le parachute ne s’est pas ouvert, ce qui explique l’état de la pointe, mais les clichés astronomiques ont pu être récupérés intacts !   De gauche à droite : Maurice Viton, Georges Courtès et André Roussin. Cliché LAS/CNRS.
Récupération d’une pointe de fusée Véronique à Hammaguir. Le parachute ne s’est pas ouvert, ce qui explique l’état de la pointe, mais les clichés astronomiques ont pu être récupérés intacts ! De gauche à droite : Maurice Viton, Georges Courtès et André Roussin. Cliché LAS/CNRS.

Parmi les plus belles réussites du LAS que l’on doit à Georges Courtès, on peut citer S183. Ce spectrophotomètre est la seule expérience non américaine qui a volé à bord de la station orbitale américaine Skylab, en 1973 et 1974. Cet instrument a notamment permis d’obtenir un des premiers clichés en ultraviolet du Grand Nuage de Magellan, montrant la répartition des étoiles massives, jeunes et chaudes, dans cette galaxie satellite de la nôtre. L’intérêt de l’astronomie spatiale est de pouvoir observer à des longueurs d’onde inaccessibles depuis le sol car l’atmosphère terrestre les absorbe (c’est le cas notamment de l’ultraviolet et de l’infrarouge).
L’instrument S183 du LAS qui a volé à bord de Skylab. (Photo Michel Marcelin).
L’instrument S183 du LAS qui a volé à bord de Skylab. (Photo Michel Marcelin).

L’autre instrument que l’on peut citer comme une grande réussite du LAS est la VWFC (Very Wide Field Camera). Cet instrument d’observation astronomique permettait d’observer le ciel dans le domaine ultraviolet avec un très grand champ, grâce à un miroir hyperbolique convexe de 30 cm. Il a volé à deux reprises à bord de la navette spatiale américaine : dans le laboratoire européen Spacelab 1 à bord de la navette Columbia en novembre 1983, puis dans Spacelab 3 à bord de la navette Challenger en avril 1985. Pour faire fonctionner cet instrument, les astronautes passaient dans le Spacelab, transporté dans la soute de la navette, et introduisaient la VWFC dans un sas afin de l’exposer au vide spatial. Les chercheurs du LAS analysaient ensuite les clichés, sur film photographique, rapportés par l’équipage de la navette. Unique par sa conception et sa réalisation, cet instrument a fourni des résultats scientifiques de premier plan. Ses clichés ont notamment permis de détecter pour la première fois des étoiles chaudes, riches en émission ultraviolette, entre le Petit et le Grand Nuage de Magellan, galaxies satellites de la nôtre observables dans l’hémisphère Sud. Des observations complémentaires, effectuées grâce à un télescope au sol, ont confirmé l’existence d’un pont de matière, essentiellement composé d’hydrogène, entre les deux Nuages de Magellan.
Georges Courtès, directeur du LAS, montre la VWFC (Very Wide Field Camera) à deux astronautes qui vont l’utiliser dans l’espace. Sur cette image, les deux astronautes sont de part et d’autre de l’instrument et la deuxième personne en partant de la gauche est un ingénieur opticien du LAS (Michel Duban). Cliché LAS/CNRS.
Georges Courtès, directeur du LAS, montre la VWFC (Very Wide Field Camera) à deux astronautes qui vont l’utiliser dans l’espace. Sur cette image, les deux astronautes sont de part et d’autre de l’instrument et la deuxième personne en partant de la gauche est un ingénieur opticien du LAS (Michel Duban). Cliché LAS/CNRS.

Michel MARCELIN. Directeur de recherche émérite au CNRS. Laboratoire d’Astrophysique de Marseille.

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