Elle est Flora dans « La Traviata » à l’Opéra de Marseille – Laurence Janot, enfant de la balle et dame de cœur

Publié le 16 décembre 2018 à  20h17 - Dernière mise à  jour le 29 octobre 2022 à  13h46

Laurence Janot, le charme et le cœur… (Photo Christian Dresse)
Laurence Janot, le charme et le cœur… (Photo Christian Dresse)
Elle incarnait Mademoiselle Lange, il y a quelques jours, dans la production de «La Fille de Madame Angot» à l’Odéon ; elle est Flora, pour les fêtes, sur la scène de l’Opéra de Marseille. On connaît sa beauté et sa voix, mais peu savent le chemin de vie ce cette artiste, superbe enfant de la balle. Laurence Janot grandit entre un père «fada d’opéra» -c’est elle qui le dit- et une mère passionnée par la danse. Persuasion féminine, attraction maternelle : toujours est-il, qu’enfant, elle intègre le corps de ballet de l’Opéra de Paris. Noureev est à la barre et, aux côtés de Laurence, pour effectuer les premiers entrechats, Marie-Claude Pietragalla, Manuel Legris, Eric Vu-An, et quelques autres qui grandiront bien, «la dernière génération française qui a donné de grosses personnalités à la danse.» Et de poursuivre : «Je suis restée 16 ans au ballet de l’Opéra de Paris avant de démissionner ; la danse n’était plus vraiment mon moyen d’expression. Puis les mentalités avaient évolué… Artiste et fonctionnaire, ça a du mal à marcher ensemble !» 16 années : le temps d’arriver au «grade» de coryphée et de se fracturer le rachis. Puisant dans son courage et activant sa volonté, elle poursuivra une carrière multiforme jusqu’à se retrouver, il y a quelques années, dans un fauteuil roulant… Nous y reviendrons. «Après avoir démissionné, j’avais eu la chance de chanter dans un grand échiquier de Jacques Chancel et j’avais été remarquée par un producteur de « Cats ». En 1990 j’intégrais la troupe de cette comédie musicale au sein de laquelle j’allais embrasser six rôles différents.» Alors qu’elle y incarne la chanteuse lyrique, une rencontre va marquer sa carrière. Dans la salle, Gabriel Dussurget, le créateur du Festival d’Aix-en-Provence assiste à la représentation. Il est subjugué et demande à la rencontrer, Aussitôt dit, aussitôt fait… «Mon petit, il faut arrêter de faire le clown», lui conseille-t-il. «Il me fallait donc changer de métier ! Une semaine après la rencontre, peut-être un signe du destin, je me cassais la jambe.» L’idée de visiter un nouvel univers ne déplaît pas à Laurence Janot qui se tourne vers l’art lyrique. Elle qui n’aime pas être enfermée et se «nécroser dans une boite», elle qui veut s’exprimer sans être «classée» dans telle ou telle catégorie, elle qui veut travailler aux côtés «de gens exceptionnels et d’horizons différents» est confortée dans son choix par l’ouverture d’esprit de Dussurget sur le monde artistique. «Je n’avais pas de notoriété à une époque où cela aidait énormément, mais ce n’était pas grave. Ma carrière est précieuse dans tout ce qu’elle m’apporte.» Un jour, elle est contactée par un homme qu’elle ne connaît pas : «Il est venu me voir et m’a dit, je suis votre agent… » C’était Jean-Marie Poilevé, envoyé par Gabriel Dussurget, un professionnel, aujourd’hui disparu, mais qui conserve dans son cœur une place importante… Elle se forme au regretté CNIPAL à Marseille, chante, travaille beaucoup et son premier engagement arrive : «Lucia de Lamermoor» à l’Opéra d’Avignon aux côtés de Roberto Alagna. Elle est ensuite de l’aventure des «Puritains» aux Chorégies d’Orange, mise en scène par Charles Roubaud, part chanter en Italie, au Canada, en Europe du nord «J’ai travaillé le répertoire en allemand avec Gérard Mortier.» Puis, une fois de plus, elle sort de «la boite lyrique» et intègre le Cirque du Soleil à l’affiche de «Saltimbanco». Elle tournera sur cette production pendant deux ans et collaborera ensuite épisodiquement avec la troupe pendant 12 ans ; à son actif 740 spectacles. Lorsqu’on vous dit qu’elle est une enfant de balle…. «Puis, je me suis grillée auprès des puristes de l’opéra en étant Micaela dans la « Carmen » du Stade de France. Mais je m’en fiche pas mal ; chanter sous le regard de 80 000 personnes c’est le nirvana ! » Sa prestation du 20 septembre 2003 sera, pourtant, saluée par la critique mais les programmateurs la boudent. Et la fracture du rachis a la mauvaise idée de la clouer dans un fauteuil roulant. Un nouveau combat. «Une épreuve d’autant plus terrible que le vide s’est fait autour de moi. Les soi-disant amis ont fondu comme neige au soleil. Ceux qui sont restés sont à jamais dans mon cœur.» Elle lutte, elle chante, elle vit et retrouve la scène, recrutée par Jean-Louis Grinda dans «Les Trois valses». «Je suis heureuse de m’être battue jusqu’au bout et d’être là aujourd’hui. Nombre de mes excellents collègues, au même âge que moi, n’ont plus de travail et c’est cruel. On dit place aux jeunes, mais qui forme les jeunes, qui leur apprend les codes du métier si ce ne sont les anciens ? » Parmi ceux qui lui ont fait confiance, elle cite le trio Raymond Duffaut, Jean-Louis Grinda, Maurice Xiberras. «Je dois à Maurice la chance d’avoir pu découvrir le formidable univers de l’opérette. Il y a quatre ans, c’est lui qui m’a ouvert les portes d’un domaine qui me donne l’occasion de mettre en œuvre tout ce que j’ai appris au long de ma carrière : danse, comédie, chant. Tous mes engagements dans l’opérette, sont des engagements de cœur. Je fonctionne avec le cœur, c’est mon moteur. On ne travaille bien que lorsqu’on se sent aimé… » Le cœur, Laurence Janot en a aussi pour les autres. Elle vient de s’engager dans «La Chaîne de l’espoir» cette association qui permet à des enfants très malades de venir se faire opérer en France. «Sauver une vie ça vaut tout l’argent du monde. Lorsque nous avons envisagé, mon mari, mes filles et moi, d’intégrer la chaîne, il n’y a eu aucun problème. Pour nous, donner, c’est le sens de la vie. Lorsque j’étais malade, il n’y avait pas grand monde autour de moi. Aujourd’hui j’ai le privilège de bien vivre et de pouvoir m’engager pour sauver des enfants. Il n’y a pas à hésiter une seconde ! » La dame de cœur n’a jamais porté aussi bien son nom !
Michel EGEA
Pratique. «La Traviata» de Guiseppe Verdi à l’Opéra de Marseille.
Représentations le dimanche 23 décembre à 14h30 puis les 26, 28 et 31 décembre et le 2 janvier à 20 heures. Location par téléphone au 04 91 55 11 10 ou 04 91 55 20 43. opera.marseille.fr

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