Emploi : faire en sorte que les femmes se mettent au vert

Publié le 18 septembre 2013 à  8h29 - Dernière mise à  jour le 27 octobre 2022 à  16h18

Les métiers de l’économie verte et verdissante représentent de grandes opportunités pour les femmes : c’est l’un des principaux enseignements d’un projet piloté durant deux ans par l’Agence Régionale Pour l’Environnement et l’écodéveloppement (ARPE) dont sa présidente, la conseillère régionale Annabelle Jaeger, a présenté les résultats ce mardi. Les femmes n’occupent pourtant à ce jour que 13% des emplois de l’économie verte en région PACA. Pour y remédier un livret de 16 pages, intitulé « Emplois verts, opportunités pour les femmes ? », qui se veut un outil de sensibilisation et d’information sur les métiers de l’économie verte, va être diffusé aux acteurs de l’orientation et la formation ainsi qu’au grand public.

De gauche à droite: Philippe Lebarbenchon, Annabelle Jaeger, Françoise Rastit et Mario Barsamia présentant le livret
De gauche à droite: Philippe Lebarbenchon, Annabelle Jaeger, Françoise Rastit et Mario Barsamia présentant le livret

Améliorer la connaissance de la place des femmes au sein des métiers de l’économie verte en région Provence-Alpes-Côte d’Azur (PACA) : telle était l’essence du projet impulsé par la Délégation Régionale aux Droits des Femmes et à l’Egalité (DRDFE) et piloté par l’Agence Régionale Pour l’Environnement et l’écodéveloppement (ARPE), en association avec deux compétences complémentaires, l’Observatoire Régional des Métiers (ORM) et l’Institut Régional de Formation à l’Environnement et au Développement Durable (IRFEDD). Cofinancé par le Fonds Social Européen, la Direction Régionale des Entreprises, de la Concurrence, de la Consommation, du Travail et de l’Emploi PACA (DIRECCTE) et la DRDFE, ce projet, intitulé « Les opportunités d’emploi pour les femmes au sein de l’économie verte et verdissante » se voulait innovant à plus d’un titre comme le rappelle la conseillère régionale Annabelle Jaeger, présidente de l’ARPE. « Il s’agissait tout d’abord de s’intéresser à un sujet émergent : la place des femmes dans l’économie verte. On s’est également dit qu’il fallait anticiper, c’est-à-dire porter la place des femmes. Le projet est aussi innovant dans le regarder autrement. L’étude invite en effet à casser les stéréotypes de la place de la femme dans l’emploi en s’intéressant, à toutes les étapes de la formation continue, de la vie professionnelle, à la manière dont elle était perçue par les autres salariés et sa direction. Un des objectifs est enfin de favoriser la mixité », souligne la conseillère régionale qui a présenté les résultats de l’étude ce mardi 17 septembre au CMCI, dans les locaux de la représentation de la Commission européenne à Marseille, partenaire du projet.
Le contexte posé, une question, et non des moindres, demeure cependant : qu’est-ce que « l’économie verte » ? Le terme désigne une économie plus respectueuse de l’environnement et de l’humain, prenant en compte de nouvelles contraintes environnementales, en visant notamment à la lutte contre la perte de la biodiversité et le réchauffement climatique. Dans cet ensemble, on distingue d’une part les métiers verts, dont la finalité et les compétences mises en œuvre contribuent à mesurer, prévenir, maîtriser et corriger les impacts négatifs sur l’environnement. On recense d’autre part les métiers verdissants, dont la finalité n’est pas directement environnementale, mais qui intègrent de nouvelles briques de compétences pour prendre en compte, de façon significative et quantifiable, la dimension environnementale dans le geste métier.

Des femmes âgées de 25 à 54 ans, très diplômées, exerçant un métier salarié, généralement à temps complet

On dénombre ainsi 9 métiers verts sur le spectre des 486 professions et catégories socioprofessionnelles existantes – les métiers de la production et de la distribution de l’eau, de l’assainissement et du traitement des déchets, de la protection de la nature ou les métiers transversaux – et 66 métiers verdissants – liés au bâtiment, au transport et à la logistique, à la maintenance, aux études et recherches, à l’entretien des espaces verts, à l’action sociale culturelle et sportive, aux industries de process, à la mécanique travail des métaux, à la communication information, à l’ingénierie industrielle, au commerce ou à l’agriculture.
Or, il ressort de l’étude que l’économie verte est particulièrement porteuse d’avenir dans la région puisque 274 500 personnes exercent un métier vert ou verdissant en PACA, soit 14% de l’emploi total régional (13% pour les emplois verdissants, 1% pour les emplois verts). Mais seulement 13% de ces postes sont occupés par des femmes, soit 37 000 emplois, alors que ce taux atteint 47% tous métiers confondus.
La majorité des femmes exerçant dans le secteur ont entre 25 et 54 ans : c’est vrai dans 90% des cas pour les métiers verts, 82% pour les métiers verdissants, un constat que l’on retrouve aussi chez les hommes (respectivement 87% et 77%). On compte en revanche peu de séniors (respectivement 4% et 8% pour les femmes, 7% et 10% pour les hommes).
L’étude révèle encore que tous les métiers verts sont des emplois salariés. Dans les métiers verdissants, cette proportion est de 91% pour les femmes et 84% pour les hommes. L’économie verte génère en outre plus d’emplois à temps complet : 95% pour les métiers verts et 92% pour les métiers verdissants. Cet écart est particulièrement vrai pour les femmes : elles sont employées à temps plein dans 80% des cas pour les métiers verts et 75% pour les métiers verdissants contre 72% tous métiers confondus. Toutefois, même dans l’économie verte, elles exercent moins souvent à temps complet que les hommes (95%). On dénombre également moins d’emplois salariés sans limite de durée pour les femmes dans le secteur (80% pour les métiers verts et 84% pour les métiers verdissants) comparé aux hommes (99%).
Le profil des femmes exerçant dans l’économie verte n’en est pas moins atypique. Ainsi, concernant les diplômes, on constate une grande disparité entre les hommes et les femmes puisque ces dernières sont très diplômées : 69% ont un niveau supérieur au bac (dont la moitié d’entre elles supérieur à bac +3) contre seulement 36% pour les hommes, majoritairement sans diplôme ou de niveau BEP CAP. Ainsi, alors que l’économie verte regroupe beaucoup d’emplois ouvriers (50% pour les métiers verts et 40% pour les métiers verdissants), cette tendance est moins marquée pour les femmes (18% seulement). Par contre, il y a peu d’employés dans ce secteur (4% pour les métiers verts et 0,3% pour les métiers verdissants), y compris pour les femmes, pourtant habituellement très présentes dans cette catégorie socioprofessionnelle.

Les femmes très représentées chez les cadres

Les femmes sont en revanche très représentées dans les professions intermédiaires et chez les cadres au sein de l’économie verte : 58% (métiers verts) et 48% (métiers verdissants) pour les professions intermédiaires contre 29% tous métiers confondus, 24% (métiers verts) et 31% (métiers verdissants) pour les cadres contre 12% tous métiers confondus. Plus atypique encore, cette représentation est supérieure à celle des hommes. « Les hauts niveaux dans les métiers verts sont relativement nouveaux donc les femmes y trouvent une place plus importante que la moyenne des niveaux économiques », analyse Mario Barsamian, président de l’ORM PACA.
Une fois ce double constat dressé de la faible place des femmes dans l’économie verte et de leur représentation atypique, restait à en connaître les causes. « Pourquoi ? Quels parcours ? Comment les aider à avoir une autre place dans cette économie, d’autant que ces secteurs représentent de vraies opportunités tant au niveau de l’emploi que des formations ? », explique Annabelle Jaeger. Pour répondre à ces problématiques, l’étude s’est penchée sur quatre filières porteuses d’enjeux : l’entretien et la création d’espaces verts, le traitement des déchets, l’assainissement de l’eau et la maintenance. « Ce sont quatre secteurs où la place des femmes est très faible, 3 à 4% des emplois. Ce sont pourtant des secteurs plein d’opportunité, dynamiques avec un potentiel de croissance possible », poursuit la présidente de l’ARPE.
Après avoir dressé le diagnostic de l’état des métiers verts en PACA, l’ARPE, l’ORM et l’IRFEDD ont ainsi mené des ateliers discussion avec des acteurs de la formation et de l’orientation sur le territoire, ainsi que des entreprises appelées à recruter. « On a parlé des leviers, des opportunités ainsi que des freins à l’emploi », précise la conseillère régionale.
Dans l’entretien et la création d’espaces verts, un secteur des métiers verdissant qui emploie en PACA 15 500 personnes (0,8% de l’emploi total régional), dont seulement 4% de femmes, il est apparu que les postes occupés par les femmes sont essentiellement des postes transversaux et/ou des fonctions qualifiées.
Pour le traitement des déchets et l’assainissement de l’eau, deux filières de métiers verts qui emploient en PACA 4 000 personnes (0,2% de l’emploi total régional) dont seulement 3% de femmes, l’atelier thématique révèle que les postes occupés par les femmes sont essentiellement des métiers dont l’accès se fait au premier niveau de qualification ou des métiers en lien avec la sensibilisation et la communication. Elles occupent des fonctions qualifiées telles que responsable de service ou chargée de projet.

« Les entreprises ont bien cerné le potentiel féminin autour du management d’équipe »

Enfin, la maintenance, qui regroupe des métiers verdissants intégrant de nouvelles compétences répondant aux évolutions technologiques, emploie 25 500 personnes en PACA (1,3% de l’emploi total régional) dont seulement 3% de femmes. L’atelier thématique a mis en lumière que même aux premiers niveaux de qualification, l’activité expose moins à la manutention et s’avère moins salissante, éléments de pénibilité fréquemment cités comme freins aux candidatures féminines. Cependant le cœur de métier fait toujours appel à une formation technique et technologique.
« Les freins à l’emploi qui sont apparus ne sont pas spécifiques à ces métiers, souligne Annabelle Jaeger. Ils touchent à la difficulté de concilier vie professionnelle et vie privée, à l’absence de toilettes et de douches réservées aux femmes sur les lieux de travail, ainsi qu’à des stéréotypes, des idées reçues comme le fait que les outils seraient dangereux, pas faits pour la femme, qui traduisent le regard qu’elle a sur elle-même et qu’on porte sur elle. Enfin, il y a une grande méconnaissance de ces métiers, notamment verdissants, qui sont des métiers en émergence dont la société française n’est pas au courant. C’est encore plus vrai pour les femmes. »
Mais ces freins sont loin d’être irrémédiables tant l’économie verte érige l’égalité hommes-femmes comme une priorité, puisqu’il s’agit d’une des thématiques du développement durable, ainsi que l’amélioration des conditions de travail. « Les entreprises ont bien cerné le potentiel féminin autour du management d’équipe, se félicite ainsi la présidente de l’ARPE. Ce sont des métiers créatifs où la femme a toute sa place. Et on a rappelé les avancées réglementaires significatives, même si les entreprises ne sont pas toutes au courant, afin de mieux les faire connaître car il s’agit d’un levier, tout comme les dispositifs que le gouvernement met à disposition pour l’accueil des femmes dans les entreprises. »
Au final, il apparaît qu’il existe dans les métiers verts « de grandes marges de manœuvre et de grandes opportunités pour les femmes ». « Pas seulement d’un point de vue économique, mais aussi de valeurs humaines, d’égalité hommes-femmes et de démarches de progrès qui sont de plus en plus prises en compte dans les entreprises. Cela amène à repenser l’organisation du travail et la place des femmes dans ces métiers », insiste la conseillère régionale.

Une étude à diffuser et à utiliser afin d’aménager les cursus

C’est pour y contribuer que le projet a donné lieu à la rédaction d’un livret de 16 pages « Emplois verts, opportunités pour les femmes ? » (*), tiré à 5 000 exemplaires, qui se veut un véritable outil de sensibilisation et d’information sur les métiers de l’économie verte. « Cette étude mérite d’être très largement diffusée non seulement aux acteurs de l’orientation et la formation, mais aussi au grand public, aux entreprises et aux hommes politiques afin que chacun apporte sa pierre à l’édifice », conclut Annabelle Jaeger.
Philippe Lebarbenchon, directeur général de l’IRFEDD insiste sur « l’importance de la diffusion de ces études et de leur utilisation pour des aménagements de cursus », d’où la volonté de cibler aussi bien le grand public que les acteurs de l’orientation et de la formation. Car bien souvent l’orientation n’est pas faite car ces derniers « souffrent d’une méconnaissance de ces métiers ». Il arrive également que les employeurs émettent des offres d’emploi avec le désir d’intégrer des femmes mais ne reçoivent que des candidatures masculines. « Privilégier les femmes, ça peut être de la discrimination inversée, tient cependant à relever Mario Barsamian. Sur une embauche particulière, c’est difficile. Après il existe un outil pour avancer qui sont les situations comparées. »
Et le président de l’ORM d’estimer qu’il y a « un long chemin » à parcourir où « chacun se nourrit des bonnes pratiques ». « L’économie verte comme l’écologie et la transition énergétique est faite de « stop and go », de retours en arrière. On a désormais un base scientifique solide avec des constats étonnants et un réseau qui a commencé à se mettre en place », se félicite-t-il.
Le mot de la fin revient à Françoise Rastit, déléguée régionale aux Droits des Femme et à l’Egalité à la préfecture de Région. « Il y a un effort commun à faire pour constater que les hommes et le femmes ne réagissent pas de la même façon face à une offre de formation : il faut donc adapter ces offres de formation, d’emploi et d’opportunités de carrière. La difficulté de concilier vie professionnelle et vie privée ne devrait pas porter que sur les femmes mais sur les hommes aussi, et les employeurs devraient le prendre en compte. C’est en ce sens qu’une loi-cadre de la ministre va être proposée afin que chacun à son niveau intègre le questionnement de comment on travaille pour parvenir à une meilleure égalité entre hommes et femmes car le but est de favoriser la mixité dans les deux sens », souligne-t-elle, ce qui de l’aveu même d’Annabelle Jaeger « nécessite beaucoup de dialogue et d’écoute de l’autre ».
Serge PAYRAU
(*) Document disponible sur demande auprès de l’ARPE et en téléchargement sur : www.arpe-paca.org

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