Entretien. Arnaud Guillois, ambassadeur de France à Djibouti: ‘la coopération décentralisée est un démultiplicateur d’influence’

Publié le 8 décembre 2021 à  9h52 - Dernière mise à  jour le 29 novembre 2022 à  12h28

Une délégation de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur -composée d’opérateurs et partenaires régionaux mobilisés dans les domaines de l’environnement, l’enseignement supérieur et la recherche, la jeunesse et la culture, la formation et l’appui à la décentralisation- vient de se rendre à Djibouti, un voyage marquée par de nombreuses rencontres institutionnelles et thématiques. Retour sur cette visite et les enjeux de la coopération décentralisée avec l’ambassadeur de France à Djibouti, Arnaud Guillois. Entretien.

Son Excellence M. Arnaud Guillois Ambassadeur de France à Djibouti ©ambafrance.org
Son Excellence M. Arnaud Guillois Ambassadeur de France à Djibouti ©ambafrance.org

Destimed: Monsieur l’ambassadeur quel peut être l’apport de la coopération décentralisée ? Permet-elle une souplesse dans les relations ?
Arnaud Guillois: La coopération décentralisée est un démultiplicateur d’influence. Elle permet d’ajouter un nouveau souffle, une nouvelle vision, une nouvelle échelle à une relation politique et de coopération bilatérale, en l’occurrence celle entre la France et la République de Djibouti, terre d’échange et de rencontre, îlot francophone et de stabilité dans la Corne de l’Afrique.

La France est ainsi devenue en quelques années le principal partenaire des territoires djiboutiens. C’est d’abord « Expertise France », sur financement européen, qui met en œuvre le programme Adil (Appui à la Décentralisation et aux Initiatives Locales) qui permet de développer les capacités des cinq régions djiboutiennes -dont les Présidents étaient en mission en France fin novembre, avec le Ministre djiboutien de la décentralisation : c’est aussi l’Agence Française de Développement qui est aujourd’hui le premier partenaire de la Mairie de Djibouti ; c’est enfin la région Sud qui s’apprête à développer un partenariat multidimensionnel avec la République de Djibouti. Tel est le sens de l’accord signé par le Président Muselier avec Mahmoud Ali Youssouf, Ministre des Affaires étrangères et de la Coopération Internationale, Porte-parole du Gouvernement djiboutien en juin 2021, à l’issue de la visite officielle en France du Président Guelleh au mois de février 2021.

«La Région Sud et Djibouti partagent énormément»

Djibouti est confronté à de nombreux problèmes : faible ressource en eau, insécurité alimentaire, déficit énergétique mais présente aussi de vrais potentialités. Comment la France et la coopération décentralisée peuvent favoriser le développement de Djibouti ?
La coopération décentralisée entre la Région Sud et la République de Djibouti s’est organisée tout particulièrement autour de problématiques prioritaires, définies d’un commun accord depuis les premiers contacts en 2020 : la protection de l’environnement, la biodiversité, le développement économique et portuaire, la formation des élus et des cadres, le soutien à la décentralisation, la recherche, l’enseignement supérieur ou encore la culture et la jeunesse. Nous avons organisé la récente visite à Djibouti du Conseil régional, de ses opérateurs et de nombreuses institutions, sous la conduite du conseiller régional Christophe Madrolle, en plaçant ces problématiques au cœur des rencontres avec les partenaires djiboutiens.

La Région Sud et Djibouti partagent énormément, au-delà bien sûr de l’histoire et de la langue: ce sont des territoires littoraux, qui font face tous les jours aux réalités du changement climatique et qui doivent sans cesse réinventer leur développement et leur aménagement, économique et urbain. Les opérateurs qui se sont rendus à Djibouti sont tous experts dans leurs domaines, ce qui permet d’offrir une vision partenariale de grande qualité. Je pense par exemple à l’Avitem, qui souhaite organiser un forum sur le « Grand Djibouti » ou bien encore à la Société du Canal de Provence qui étudie déjà aux côtés des coopératives agricoles les meilleurs moyens de développer une agriculture durable dans le contexte difficile que vous évoquiez.

«Lancer une coopération de projets concrets, gagnant-gagnant»

La région Provence-Alpes-Côte d’Azur évoque l’environnement, la culture, la formation, l’aménagement urbain, comment cela peut-il se réaliser ? Quel peut être l’appui de l’ambassade ?
En effet, la Région a rencontré de nombreux partenaires dans ces domaines et je tiens à souligner la grande implication de la partie djiboutienne. De très nombreux ministres ont reçu la délégation de la région : Affaires étrangères, Décentralisation, Environnement, Enseignement supérieur et Recherche, Agriculture, Ville, Urbanisme et habitat. La Maire de Djibouti, de nombreux Parlementaires ainsi que de nombreux autres partenaires (Autorité des Ports, Chambre de Commerce, Office National d’Eau et d’Assainissement, Groupe d’Affaires France-Djibouti) aussi ont été mobilisés, ce qui est très positif.

L’Ambassade de France à Djibouti s’est pour sa part totalement engagée dès le début dans ce partenariat d’envergure. Nous n’avons pas seulement contribué à l’organisation de ce déplacement. Nous avons participé à l’identification des pistes possibles de coopération, en lien avec ce que la France et ses opérateurs comme l’AFD et Expertise France font déjà à Djibouti. Le but n’est pas de dupliquer mais bien de créer des synergies, de lancer une coopération de projets concrets, gagnant-gagnant entre la Région et la République de Djibouti.

«L‘accueil des Djiboutiens a été exceptionnel»

Vous venez de recevoir une délégation de la Région Provence-Alpes-Côte d’Azur, quels enseignements tirez-vous de cette visite ?
J’en tire une vive satisfaction et surtout beaucoup d’espoir au regard de la mobilisation de la Région. Voir autant d’opérateurs, de représentantes et représentants de haut niveau, porteurs d’une vision stratégique, ambitieuse mais aussi réaliste, c’est rafraîchissant mais aussi stimulant.

La volonté est là et elle est mutuelle. L‘accueil des Djiboutiens a été exceptionnel. Audience des ministres, réunions de travail, visites de terrain, découvertes culturelles, les quelques jours de mission de la Région ont été l’occasion je crois de belles et fructueuses rencontres. Les partenaires djiboutiens, qu’ils soient étatiques, entrepreneurs ou de la société civile, ont répondu plus que présents et c’est une très belle preuve que nous avançons ensemble.

Nous souhaitons aller plus loin bien sûr. Il est essentiel d’entretenir cette dynamique, d’entrer désormais dans la phase de mise en œuvre des projets concrets. Le Président Muselier a été invité à se rendre en visite ici par le Président djiboutien, nul doute que ce déplacement aura une importance capitale.

D’autres collectivités s’engagent-elles dans la même démarche ?
La Région Sud est pionnière dans le partenariat global qu’elle est en train de mettre en place avec Djibouti. Mais d’autres collectivités telles que le Département de Charente-Maritime ou le Département de Mayotte sont aussi engagées dans le pays. Tout cela est très encourageant et s’inscrit incontestablement dans la nouvelle dynamique des relations entre la France et Djibouti.
Propos recueillis par Michel CAIRE

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