Entretien. Caroline Pozmentier-Sportich : « Nous allons passer d’une guerre sanitaire à une guerre commerciale dans quelques mois. La Team France de l’Export en Région Sud prône un front uni pour accompagner et soutenir notre écosystème exportateur face à la crise »

Publié le 14 mai 2020 à  16h07 - Dernière mise à  jour le 31 octobre 2022 à  11h36

Depuis le début de la crise sanitaire, Caroline Pozmentier-Sportich, vice-présidente en charge des relations internationales à la Région Sud, a organisé plusieurs comités de pilotage de la Team France Export avec ses partenaires : Business France, la Chambre de Commerce et d’Industrie de Région, BPI France, les conseillers du Commerce extérieur. Sont également présents les pôles de compétitivité, des entreprises témoins, les EPCI et de nombreuses têtes de réseaux de l’écosystème de l’export. La Team Sud de l’Export lancée en 2018 par le président Renaud Muselier unit des acteurs publics au service de l’accompagnement à l’internationalisation des entreprises et des acteurs privés qui proposent des solutions. Le «guichet unique de l’export» a ainsi bien continué depuis le début de la crise sanitaire à répondre de façon adaptée aux entreprises exportatrices du territoire, conformément au Plan de soutien de la Team France mis en place par Business France. Elle nous explique comment s’articule depuis deux mois ce Plan de soutien, dresse un état des lieux de l’exportation régionale et livre ses réflexions sur l’avenir. Entretien.

Caroline Pozmentier-Sportich, vice-présidente de la région Sud en charge des relations internationales  (Photo Robert Poulain)
Caroline Pozmentier-Sportich, vice-présidente de la région Sud en charge des relations internationales (Photo Robert Poulain)

Destimed: Quel rôle avez-vous tenu au titre de responsable des relations internationales pour la Région Sud depuis le début de cette crise sanitaire ?
Caroline Pozmentier-Sportich : Cette période de crise va rebattre les cartes de l’international, dans de nombreux domaines, nous le savons. En premier lieu, la diplomatie économique ne doit pas faiblir pour soutenir les difficultés de notre tissu d’exportateurs. C’est ce que nous avons entrepris en poursuivant nos échanges, avec nos territoires de coopération. Ensuite la Région, plus que jamais positionnée comme chef d’orchestre du développement économique, est avec l’État alignée sur le Plan de soutien à l’export afin de venir en aide aux entreprises exportatrices du territoire. Le plan de relance national et territorial doit s’appuyer sur le « pilier » de l’export et se nourrir des besoins de son écosystème entrepreneurial en Région Sud. C’est pour cela que nous avons maintenu nos échanges à travers les comités de pilotage digitalisés. Notre collectivité est avant toute chose au service de ses entreprises pour les aider à garder leur position et préparer le rebond. Avec le président Muselier, notre objectif et de bien intégrer le Plan de soutien dans les plans d’urgence portés par la Région pour assurer un continuum des dispositifs au service des entreprises, et de pouvoir traiter au mieux la crise économique au-delà de la crise sanitaire.

Comment se comportaient depuis les derniers mois nos entreprises régionales à l’export ?
Il y a deux ans, je dois vous avouer que nous partions de loin. Et cette crise survient à un moment où depuis 18 mois les exportations françaises croissaient plus vite que nos importations avec un nombre d’exportateurs en forte hausse : plus de 128 000 exportateurs en 2019, soit 3 500 de plus qu’en 2018. En Région Sud, après le lancement du dispositif de la Team France de l’Export, en moins de deux ans, notre accélérateur Sud Export créé au sein de la Team France Export a intégré près de 100 entreprises régionales, a mené 700 rendez-vous individuels, suivi 240 entreprises, organisé 179 accompagnements par les 14 conseillers internationaux de la Team régionale.

Pouvez-vous rappeler quel est l’objectif principal de la Team Sud Export lancée en 2018 ?
C’est un dispositif s’inscrivant dans la volonté du gouvernement de rendre l’offre d’accompagnement à l’international plus lisible pour les entreprises. La Team France Export, c’est un «guichet unique» pour les entreprises depuis la Région jusqu’aux marchés mondiaux. La Team est opérationnelle grâce aux conseillers référents qui connaissent bien les secteurs d’activité et les régions du monde où ils accompagnent les entreprises. On peut présenter cette Team comme l’union des acteurs publics au service de l’internationalisation des entreprises françaises et des acteurs privés offreurs de solutions. De la préparation à la projection à l’international, la Région fait bénéficier l’entreprise de tous les leviers.

Quelle méthode avez-vous désirée impulser au nom de la Région Sud dans ces comités de pilotage afin que les entreprises régionales soient le moins impactées possible par la crise sanitaire ?
La Team Sud Export repose sur des programmes d’accélération à l’international adaptés aux entreprises de chaque secteur, de chaque filière. Elle était en mission et se réunissait régulièrement y compris sous la formule de rendez-vous itinérants, en « road show», organisés au cœur des différents départements de la Région. La crise et le confinement ont bien sûr freiné l’activité de nos TPE-PME-ETI. Mais rien ne devait s’arrêter de notre dispositif, et avec nos partenaires nous avons maintenu les comités de pilotage pour informer notre écosystème du déploiement du Plan de soutien Team France Export. Comme le rappelle Business France, ce plan est centré autour de trois besoins pour les entreprises. Le premier est celui d’être informé en temps réel sur l’évolution de la situation dans chaque pays. Le second est de sécuriser leur marché à l’export. Le troisième est de se préparer à la reprise. Ainsi dans chaque comité le recueil de témoignages de terrain, les questions et difficultés soulevées par les participants régionaux permettent de faire remonter des informations et problématiques que le président de Région peut traiter avec le gouvernement. Il faut comprendre que la Team France de l’Export est un outil co-construit partenarial, qui fait la démonstration d’un front uni face à la crise au service des exportateurs. Je tiens à assurer les conseillers du dispositif de toute ma reconnaissance. Ils sont restés mobilisés depuis toutes ces semaines et sont à la manœuvre. Ensemble, nous devons définir les besoins prioritaires pour notre écosystème régional. Continuer à avoir une écoute directe pour répondre aux problèmes de financement, de logistique, de ressources humaines, afin que chacun, dans le cadre de ses compétences, permette aux entrepreneurs de résister. Il faut à la fois être dans l’action et pouvoir anticiper face à la crise.

Quelle sera la clé pour que nos entreprises régionales évitent le pire, les prochains mois et sûrement prochaines années, dans le domaine de l’export ?
Je crois avant tout à l’alliance et à l’unité. L’alliance des décideurs publics et des dispositifs État-Région sans oublier l’Europe. Les fonds européens peuvent venir renforcer les investissements sur notre territoire et les aides aux entreprises. Pour que nos exportateurs puissent garder leurs positions et préparer le rebond, nous devons aussi travailler sur l’attractivité et appuyer notre marketing territorial. Il y a une réalité : nous allons passer d’une guerre sanitaire à une guerre commerciale dans quelques mois. Face au défi, l’heure doit être encore moins aux récupérations politiques et partisanes. Nos chefs d’entreprise ont d’autres soucis en tête, et le comprendraient encore moins ! Il faut prendre une direction totalement inverse sous peine de heurter la résilience dont ils font preuve et je tiens à les remercier pour leur détermination. Nous avons une obligation d’ériger en priorité une parole politique nationale et régionale alignée sur ces sujets. La crise actuelle pourrait provoquer chez nos entrepreneurs une réaction de repli sur soi, risquant de casser la dynamique amorcée sur notre tissu exportateur. Restons à l’écoute en permanence.

Concrètement, la bonne direction a-t-elle été prise dans ce sens, les dernières semaines, à travers des actions précises de soutien aux entreprises ?
La Team France Export a donc lancé un grand Plan de soutien pour accompagner les entreprises en cette période de crise et préparer les conditions de la relance : avec des informations « live marchés », des offres d’accompagnement à distance, le suivi des contacts engagés, la poursuite de la présentation des produits via son réseau étranger, une communication locale intensifiée… Ça, c’est du concret ! Le plan peut être consulté en ligne sur la plateforme de la Team France de l’Export, véritable concentré des solutions à l’export, sur laquelle des réponses en « live » sont données sur les marchés export face à la crise. J’invite les dirigeants des entreprises exportatrices à s’en emparer. L’intérêt de notre comité régional de l’export est de continuer à intégrer au mieux des solutions adaptées à la situation. Nous allons travailler de façon pertinente et concrète par filière. Le dernier comité a fait intervenir les filières maritimes et santé sous la houlette des Pôles Mer Méditerranée et Eurobiomed, le prochain portera sur la filière agroalimentaire.

Une collaboration réussie et concertée sur le long terme, entre les différents acteurs à l’export, ne pourrait-elle pas relancer une partie de note économie régionale ?
Je vous le disais, nous devons être unis dans la bataille de l’export et celle-ci commence dans nos territoires. Ici même en Région Sud notre volonté est totale. Je vois des entreprises volontaristes, innovantes, avec de réels atouts, être intégrées ces derniers mois dans notre dispositif régional, qui se battent, et nous devons être à leurs côtés. Pour elles, comme pour notre territoire, l’international présente un vrai levier de développement ou encore de création et de maintien de l’emploi. Les premiers retours des actions engagées en 2018 et 2019 par la Team France Export en région et à l’étranger étaient très prometteurs. Il ne faut surtout pas casser cette spirale. Notre tissu exportateur est composé en grande majorité de PME-TPE, et cette crise mondiale créera de nouvelles opportunités de marchés gagnables par nos PME et ETI régionales. Nous devons restés attentifs pour les accompagner sur les stratégies, les outils, les approvisionnements en matières premières qui posent le grand sujet de la réindustrialisation. Mais aussi sur la sécurité et dans tous les domaines où nous aurons besoin, ensemble, de penser comment se réinventer. En termes de perspectives, je pense que nous allons devoir renforcer et s’attacher à dynamiser les échanges intra-européens, voire euro-méditerranéens. Là encore, la Région Provence-Alpes-Côte-d’Azur, avec la vision de Renaud Muselier sur ces sujets, n’a pas attendu la crise pour montrer le chemin.
Propos recueillis par Bruno Angelica

Articles similaires

Aller au contenu principal