Entretien – Caroline Pozmentier : « le Camp des Milles permet de garder son identité et de la faire vivre dans le partage »

Publié le 22 décembre 2016 à  8h45 - Dernière mise à  jour le 28 octobre 2022 à  15h46

Caroline Pozmentier-Sportich, vice-présidente de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur en charge de la sécurité et de la prévention de la délinquance insiste sur la nécessité d’un espace tel que le Camp des Milles qui explique à la fois les mécanismes de bascule ment vers le pire mais également ceux qui permettent de résister. Entretien.

(Photos Philippe Maillé)
(Photos Philippe Maillé)

Destimed: Que représente pour la Région Provence-Alpes-Côte d’Azur le Camp des Milles?
Caroline Pozmentier-Sportich: Cette ancienne tuilerie n’est pas qu’un lieu, pas qu’une histoire c’est une conscience, une conscience que le pire, toujours, est possible mais aussi que les mécanismes pour résister sont, eux aussi, en permanence présents et leur panel est immense. Il permet également de mesurer à quel point, lorsque l’on résiste tôt, cela ne réclame quasiment aucun effort. Le Camp des Milles est rare, c’est un site citoyen, résolument tourné vers l’enseignement de la fraternité, le vivre ensemble et le respect de l’Autre. Il rappelle que la démocratie, sans cesse, est menacée, sans cesse elle doit se construire. Les engrenages qui ont été à l’œuvre sont des leçons. Des opposants au nazisme viennent, pour des raisons politiques, en France, pays des droits de l’Homme. Nous avons là parmi les plus grands penseurs, les plus grands artistes de l’Europe. Lorsque la guerre arrive, aveuglément, on les interne car appartenant à un pays en guerre avec la France. Mais, après la capitulation, le régime de Vichy gardent sciemment ceux qui n’avaient pas pu partir. Puis, alors que le Sud est en « zone libre », la police française organise une rafle des juifs de Marseille, en 1943, les interne au camp des Milles avant de les envoyer, hommes, femmes et enfants, vers les camps de la mort. Puis, avec la libération, effort de reconstruction impose, le camp redevient une tuilerie, et l’oubli s’installe.

Mais l’oubli a pris fin…
Oui, et je salue le travail, la ténacité d’Alain Chouraqui et avec lui, celle de ses équipes et des grands anciens sans qui rien n’aurait été possible, Denise Toros-Marter, Yvette Impens, le colonel Louis Monguillan, Pascal Fieschi et tant d’autres, ils étaient résistants, déportés, comme le disait Jacques Brel, ils n’étaient pas du même bord mais ils suivaient le même chemin. Ils sont pour nous des vigies.

Comment l’institution régionale peut-elle se saisir de ce lieu?
Nous avons nos lycéens, nos fonctionnaires, il est important qu’ils découvrent que, tout près de chez eux, une telle horreur a eu lieu; qu’ils puissent mettre leurs pas dans ceux des internés.

Vous êtes vice-présidente en charge de la sécurité à la Région, en quoi cela concerne-t-il votre délégation?
Je tiens d’abord à dire qu’avant la campagne des régionales, alors que je n’étais pas encore candidate, j’avais tenu à proposer à des réseaux économiques, politiques, citoyens, de visiter le camp aux côtés de Christian Estrosi et de Renaud Muselier tant cet espace est à mes yeux important pour résister. Cela alors que les périls extrémistes, identitaires, racistes et antisémites étaient réveillés. Depuis, la situation a encore empiré et j’ai une pensée émue pour toutes les victimes, et notamment celles de Berlin aujourd’hui. Alors, la sécurité est bien au cœur de tout cela. Christian Estrosi a pris des mesures en ce sens dès son élection et elles vont être renforcées. Mais, la sécurité ne peut rimer qu’avec citoyenneté, démocratie. Les systèmes totalitaires ont toujours su utiliser ce que les démocraties avaient mis en place pour réduire les libertés. Et je suis bien consciente que la lutte contre la radicalisation passe en premier lieu par l’éducation, par la laïcité. Le Camp des Milles est pour moi un des espaces les plus laïcs qui soit, il permet de garder son identité et de la faire vivre dans le partage. C’est également la lutte contre les discriminations et le volet réflexif nous met en alerte. Un volet réflexif qui permet de réfléchir à tout ce qui donne son sens au triptyque: Liberté, Égalité, Fraternité.
Propos recueillis par Michel CAIRE

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