Entretien. Frédéric Audon: Le CNM ‘à jamais les premiers’ en Final 8

Publié le 17 mai 2021 à  10h00 - Dernière mise à  jour le 31 octobre 2022 à  17h58

Le Final 8 est le Graal des clubs de water-polo. En atteignant le cercle très fermé des 8 meilleurs équipes d’Europe, le Cercle des Nageurs de Marseille (CNM) est à jamais le premier à s’illustrer à un tel niveau. Pour Frédéric Audon, le directeur général, cette performance n’est pas un exploit mais le fruit d’un travail de fond entamé il y a quelques années. L’ancien joueur du CNM et de l’équipe de France n’a surtout pas l’intention de s’arrêter en si bon chemin.

Frédéric Audon, Directeur général du Cercle des nageurs de Marseille ©CNM
Frédéric Audon, Directeur général du Cercle des nageurs de Marseille ©CNM

Destimed: Que représente ce Final 8 pour le water-polo en France ?
Frédéric Audon:Je pense qu’il n’y aura pas d’engouement autour de notre discipline tant que l’équipe de France ne performera pas. Le fait est que la vitrine d’un sport reste l’équipe nationale.

L’équipe de France est-elle en mesure de tirer la discipline vers le haut ?
Les résultats sont en dent de scie. Oui, nous participation au JO, mais le terme participer est important ! Il n’y a pour le moment que peu de chance que nous obtenions un résultat. Cela rend les choses un peu complexes en termes de visibilité. Cela étant, il ne faut pas oublier que le water-polo se pratique en piscine, donc nous aurons beau trouver des accords avec le ministère de l’Éducation, la réalité reste simple : il faut que les enfants s’emparent de la discipline et ce « gros » détail rend les choses difficiles.

Le final 8 était-il clairement un objectif ?
Oui et c’est une fierté. Nous sommes partis dans l’aventure avec un budget qui était limité et nous suivons notre feuille de route. Il est très difficile de comparer les budgets, car la plupart des clubs sont issus des pays de l’Est et le niveau de vie est moindre là-bas. Ajoutez à cela les charges sociales que nous sommes tenues de régler. Pour un ordre d’idée, Pro Recco, les Italiens favoris cette année, dépense 2 millions d’euros pour leur équipe une. Nous avons 1 million pour l’ensemble de la section.

Trouver du budget pour espérer décrocher la Champions League

Ce budget est-il insuffisant pour espérer décrocher le titre ?
Nous savons qu’avec 1 million, nous ne serons pas en mesure de gagner la Coupe d’Europe, donc nous devons aller chercher de nouveaux sponsors, trouver des leviers pour débloquer des fonds. Nous espérons qu’avec une augmentation de 20% nous pourrons nous mêler au sprint final. Nous ne sommes pas loin, mais il reste encore du travail.

Comment abordez-vous le final 8 ?
C’est avant tout de l’expérience. Il ne faut pas qu’on se dise : voilà nous avons fait le final 8, maintenant on verra bien ce qui arrivera ! Nous avons déjà identifié ce qu’il faut faire pour améliorer l’équipe l’année prochaine. Nous avons la chance d’avoir un jeune entraîneur qui démontre une maturité et une expérience du haut-niveau hors-normes. Pour le moment ce choix s’avère payant au niveau sportif. Tout se met en place petit à petit et nous ne nous mettons pas la pression. Notre souhait et de faire mieux chaque année pour arriver à conquérir le Graal.

A jamais les premiers en Final 8…
L’avantage c’est que nous sommes déjà à Jamais les premiers à avoir gagné une coupe d’Europe et maintenant nous voulons être les premiers à gagner la « Champions League ». Pour cela il faut se challenger, trouver les bons leviers pour que le club soit performant et dans les deux sports en plus. Le plus dur c’est peut-être cela, trouver des développements pour atteindre nos objectifs. Si nous sommes champions d’Europe, ce sera quoi la prochaine étape ? Arrêter le water-polo car nous serons allés au bout ?

©DBCA
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Des équipes de jeunes pas du tout performantes

Quels sont les qualités requises pour être un bon joueur ?
Pour jouer au water-polo, il y a bien évidemment besoin d’avoir des aptitudes physiques propres aux sports aquatiques, mais pas que. En effet, c’est un sport d’équipe et il est donc nécessaire d’avoir différents types de joueurs. Il ne faut pas forcément être le meilleur nageur pour faire partie d’une grande formation. Il y a ceux qui prennent les coups, ceux qui mettent l’ambiance. C’est une problématique quotidienne : comment construire le cercle de demain avec des gamins issus du cru. Nous voulons être en mesure de pouvoir dire que nous sommes un club formateur.

Le Cercle est-il considéré aujourd’hui comme tel ?
Nous avons connu une période faste ou nous avons enchaîné 19 titres d’affilés. Cette série nous a peut-être plus coûté qu’elle nous a apportés. Oui, nous avons établi un record, cependant, nous ne nous sommes pas remis en question pendant plusieurs années. Nous pensions que nous étions un excellent club formateur, alors qu’en réalité nous étions très moyens. Nous le payons aujourd’hui avec des équipes de jeunes qui ne sont pas du tout performantes.

Comment expliquer alors de tels résultats ?
Notre force était d’avoir accès à des infrastructures qui nous permettaient de nous entraîner quand nous le souhaitions. Nous ne nous posions pas la question de savoir si nos résultats provenaient de notre talent ou de notre capacité à pouvoir travailler plus que les autres. Les choses ont changé, vous n’avez qu’à prendre pour exemple Pays d’Aix Natation qui a accès à l’ensemble des piscines de son territoire. Du coup, leurs gamins ont pris une longueur d’avance ! Nous avons un vrai travail à faire sur la qualité des enseignements que nos entraîneurs prodiguent. Je dis bien entraîneurs, car avant ils étaient des éducateurs.

L’obligation d’aller chercher de nouveaux talents

Pour trouver des joueurs comment procéder alors ?
Nous devons nous développer au niveau du scooting. Le CNM est une institution et nous n’avons jamais réellement démarché les champions puisqu’ils venaient d’eux-mêmes. Si nous voulons appliquer une politique d’excellence, nous sommes dans l’obligation d’aller chercher des talents. Il faut que nous allions dans les écoles pour expliquer ce que nous faisons et donner envie aux plus jeunes de découvrir notre club. Notre école de natation doit servir à nos équipes sportives à l’avenir.

Les derniers résultats doivent faciliter les choses.
Maintenant que nous sommes en final 8, étrangement les gens sont à nouveau intéressés. Cela a quand même mis quatre ou cinq ans pour remettre tout cela sur les bons rails.

Les joueurs sont-ils fiers d’évoluer au Cercle ?
Avec la mise en place d’une cellule autour du water-polo nous avons réussi à créer quelque chose qui nous permet de les garder. Ils n’envisagent plus de partir rapidement comme à une certaine époque. Les autres clubs n’arrivent plus à rivaliser au niveau de la structure. Le cadre forcément est un plus, mais il faut avoir conscience qu’à un moment, cela ne rentrait même plus en ligne de compte. Nous étions vraiment devenus une équipe médiocre.

Accompagner les jeunes dans leur formation

Pour les plus jeunes, avez-vous mis en place des moyens spécifiques ?
Nous avons acheté un immeuble pour pouvoir créer des logements, pour les recevoir. Si vous n’avez pas de cellules d’accueil, vous partez avec un gros handicap. La preuve, la force d’Aix-en-Provence est son Creps. C’est un point qui facilite grandement la réflexion des parents.

Quels sont les objectifs sportifs pour cette fin d’année ?
La reconquête du titre de champion de France est quelque chose de très important pour nous. Le fait d’avoir gagné les 20 matchs de championnat nous met dans les bonnes dispositions. Je pense que nous faisons un peu peur aux autres équipes et c’est un avantage psychologique qui n’est pas négligeable. Bien évidemment, il reste aussi le final 8. Cette fin de saison est intéressante.
Propos recueillis par Fabian Frydman

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