Entretien. Georges Sérignac, Grand maître du Grand Orient de France : ‘Nous arrivons aux limites d’une société de consommation’

Publié le 6 avril 2022 à  7h30 - Dernière mise à  jour le 4 novembre 2022 à  19h26

Le Site-mémorial du Camp des Milles vient de recevoir le Grand Orient de France. A cette occasion il a notamment été question de la démocratie au défi de l’autoritarisme, mais aussi de la laïcité au cœur de la République. Georges Sérignac, Grand Maître du Grand Orient de France revient sur l’objet de cette opération, évoque la présidentielle, s’inquiète de la crise du politique en France.

Georges Sérignac, Grand Maître du Grand Orient de France au camp des Milles ©DR
Georges Sérignac, Grand Maître du Grand Orient de France au camp des Milles ©DR

Destimed: Vous venez de passer deux jours au Camp des Milles, situé entre Marseille et Aix-en-Provence, dans quel cadre s’inscrit cette initiative?
Georges Sérignac: Il importe d’abord de dire qu’une telle rencontre n’a rien d’exceptionnel. Tous les week-ends, à l’invitation de loges, je vais à la rencontre de nos concitoyens. Ma venue aux Milles résulte d’une initiative des Loges de la région, lancée voilà de longs mois. Nous ne savions pas alors que nous serions à une semaine du premier tour de la présidentielle. C’est un télescopage car, pour notre part, nous travaillons sur le temps long. Mais force est de constater que cet échange est arrivé à un moment étrange de la campagne.

Avant d’évoquer ce point venons-en à la question de la laïcité qui a été l’un des thèmes forts abordés lors de ces rencontres ?
En effet, c’est important de rappeler les fondamentaux alors que l’on constate que certains ont dépassé le détournement de la laïcité pour en être à la xénophobie et au rejet de l’Autre au prétexte de son origine, sa religion. il y a une banalisation du rejet de l’Autre dans notre société.

En ce qui concerne le contexte politique, quel regard portez-vous sur cette campagne?
On a l’impression que les gens n’y croient pas. On assiste à un désintérêt de la chose publique. Et nous craignons que, quel que soit le résultat, si l’abstention est très forte le pouvoir élu ne soit affaibli. Il importe de mesurer à quel point nous sommes dans une société en tension. Et les politiques, quel que soit leur bord, n’appliquent pas ce pour quoi ils ont été élus.

Je pense que depuis le non-respect du référendum de 2005 sur le traité de Lisbonne il y a eu une perte de confiance de la population. Comme, de plus, nous voyons les inégalités s’accroître, les frustrations grandir… En fait, nous arrivons aux limites d’une société de consommation, d’accumulation des biens. Et la conjonction des fractures générationnelle, informatique, territoriale, traversent le pays, nourrissent ce désintérêt et un discours populiste à l’extrême droite, mais pas seulement. Et que dire de la promesse européenne? Elle était formidable elle s’est transformée en bureaucratie. Et, ne nous y trompons pas, les gens sont conscients de tout.

Auriez-vous donc quelques propositions à soumettre pour le prochain mandat?
Non. Nous ne sommes pas un parti politique. Nous travaillons sur le temps long, nous sommes un laboratoire d’idées, nous travaillons sur des sujets de société. Et quand on regarde l’Histoire je ne pense pas que cela ait eu un impact négatif. Regardez les avancées sociétale du 20e siècle, la bioéthique, les migrants, le revenu universel. Nous avançons d’une part des idées et, d’autre part, nous sommes des vigiles, des sentinelles qui rappelons les fondamentaux républicains.

Mais comment entendez-vous faire avancer votre réflexion, aussi riche soit-elle, dans la société ?
Encore une fois nous ne sommes pas un parti, un syndicat ou des activistes, mais nous avons 1 372 loges et 53 000 membres qui font, par capillarité, avancer des idées calmement, au sein de leur famille, de leur emploi, de leurs engagements… Et, pour que les choses soient tout à fait claires, il n’y aura pas de consignes de vote ou de positions partisanes. Notre ADN est la liberté de pensée, seule est interdite l’appartenance à une organisation prônant la haine, la xénophobie, le racisme.

Vous venez de passer deux jours au camp des Milles, dans quel état d’esprit êtes-vous au terme de ces rencontres?
D’une part, comme toujours, je sors revigoré de mes rencontres, avec des gens motivés, enrichi des échanges, mais en même temps inquiet de la passivité générale. Cette dimension est encore plus prégnante lorsque l’on sort du camp des Milles qui nous montre que tout est possible… Mais nous avons confiance dans la force de la République, les valeurs de liberté, égalité et fraternité sont intégrées dans l’inconscient de nos concitoyens.
Propos recueillis par Michel CAIRE

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