Entretien. Sabrina Roubache-Agresti: ‘C’est une série de chocs qui me poussent à m’engager’

Publié le 22 juin 2021 à  18h42 - Dernière mise à  jour le 31 octobre 2022 à  19h16

Sabrina Roubache-Agresti, productrice, femme engagée, issue des quartiers populaires «mais pas pauvres» revient sur son parcours, ses valeurs, ce qui l’a conduite à s’engager auprès de Renaud Muselier, candidat LR à sa succession en Provence-Alpes-Côte d’Azur. Forte de son parcours, elle invite les citoyennes et citoyens à se mobiliser pour un programme et, dans l’urgence, faire barrage au RN… Entretien.

Sabrina Roubache-Agresti © Sophie Vernet
Sabrina Roubache-Agresti © Sophie Vernet

Destimed: Pouvez-vous revenir sur votre parcours ?
Sabrina Roubache-Agresti: Je viens d’un milieu populaire mais pas pauvre. Je me souviens qu’à Félix Pyat, où j’ai grandi, il y avait des fleurs aux balcons, un gardien. Et ma mère nous disait que même si l’institutrice ou le gardien avait tort, ils avaient raison. Et que, si nous nous avisions à leur répondre nous serions privés de sortie pendant de nombreuses années. Mes parents nous expliquaient d’autre part qu’il fallait bien travailler à l’école pour réussir sa vie et que réussir sa vie c’est être quelqu’un de bien. Mes parents n’ont pas tracé un chemin pour nous, ils voulaient que nous soyons libres dans l’honnêteté et le respect des autres. J’ai grandi dans une culture musulmane laïque. Notre éducation était nourrie du respect de l’autre. Nous partagions les gâteaux à l’occasion des fêtes musulmanes, juives et chrétiennes avec nos voisins. Nous étions solidaires, il y en avait toujours un pour aider l’autre. Et je suis très marquée par une photo du mariage de mes parents en 1971. Non seulement aucune femme n’était voilée mais toutes étaient en mini-jupe.

«Ma mère est trilingue, elle parle français, arabe et provençal»

Vous-êtes donc une enfant de la laïcité?
Tout à fait, la laïcité c’est la liberté de croire ou de ne pas croire, la possibilité offerte d’exercer son culte dans le respect de l’ordre public. C’est comme cela je l’ai vécue avec la possibilité de rencontrer les autres religions.

Vous évoquez régulièrement vos vacances. Pourquoi?
Effectivement, ce sont de très bons souvenirs. Nous allions à Salon-de-Provence où mon grand-père maternel était arrivé en 1947. C’était mon univers pagnolesque avec ses odeurs, ses saveurs, ses accents. Il faut savoir que ma mère est trilingue, elle parle français, arabe et provençal. C’est cette dernière langue qu’elle utilise avec ses amies, une langue que j’ai apprise et que j’ai prise en option au Bac.

Avec le temps, selon vous, que s’est-il passé dans ces quartiers?
Il y a eu une paupérisation d’une part qui a entraîné une perte de repères et une démission parentale et, en disant cela, je ne les critique pas. Ils étaient cassés eux-mêmes et les gouvernements successifs n’ont pas apporté de réponses pertinentes.

Lorsque j’avais 15-16 ans je faisais de l’accompagnement scolaire auprès d’enfants de CP, CE1 et CE2. Déjà ce n’était plus comme lorsque je bénéficiais de ce même soutien. Les parents ne venaient plus chercher leurs enfants, il y avait moins d’adultes dans leur vie, moins de figures à partir desquelles se construire et beaucoup ont dérivé. Pour nous, de quelques années plus âgées, la drogue c’était de la merde. Et, dès le collège nous participions à des opérations d’intérêt général. Mes parents quittent Félix Pyat au début des années 2010.

Aujourd’hui nous avons une société morcelée, où chacun est centré sur soi. Il faut que l’État, les collectivités reprennent toute leur place. Je ne pense pas que l’on puisse réussir seul. Et, parfois, il faut qu’une main se tende pour pouvoir traverser la rue. Encore une fois, nous avons été éduqués dans le sens du partage, de la solidarité. Et j’ai vu Félix Pyat plonger. On a déversé des milliards dans des politiques qui ne marchaient pas. A croire qu’un écosystème a besoin de pauvres pour perdurer.

Tout passe en premier lieu par l’éducation

Les choses peuvent-elles encore changer?
Bien sûr, tant qu’il y a de la vie il y a de l’espoir. Et là, tout passe en premier lieu par l’éducation. On peut citer par exemple l’importance du dédoublement des classes pour 300 000 élèves, l’ouverture de 80 cités éducatives dans le secteur culturel, l’extension des horaires d’ouverture des bibliothèques pour plus de 600 communes… Nombre d’initiatives ont ainsi été mises en œuvre… Sans oublier pour les cités, une présence républicaine au bas de chaque tour, au bas de chaque immeuble. En fait une conscience naît qu’une richesse existe dans les quartiers et que l’on ne peut plus l’ignorer, pour le bien de tous.

L’éducation et l’emploi sont les deux réponses sécuritaires les plus pertinentes sur le long terme. Il faut éduquer: savoir lire, écrire et compter. A partir de là il faut offrir un espoir. Moi mon rêve n’avait rien de démesuré, je voulais vivre de mon travail honnêtement, je n’imaginais pas faire ce métier de productrice, rencontrer le couple présidentiel. Et c’était pareil pour tous mes amis, nos rêves étaient d’une banalité absolue. Et puis, il faut des bornes, de la fermeté or, on a laissé la drogue, la violence s’installer, tranquillement. Ce ne sont pas les voyous qui ont gagné du terrain, c’est la République qui leur a abandonné. Alors oui, il faut de la fermeté et cela rassurera le plus grand nombre qui n’attend que de vivre tranquillement.

«11 septembre 2001, je passe des jours à pleurer»

Qu’est-ce qui a motivé votre intérêt pour la politique?
Très jeune mes engagements étaient associatifs, l’aide aux plus jeunes, le soutien scolaire. J’avais compris que si on voulait s’en sortir il fallait passer par la case instruction. Et puis, il y a une série de chocs qui me poussent à m’engager. En 1995 Ibrahim Ali est assassiné par des colleurs d’affiches FN, puis c’est l’effondrement des tours du World Trade Center, le 11 septembre 2001, je passe des jours à pleurer. Des gens tuent au nom d’une religion. J’organise une rencontre à la cité des associations avec Melvin Van Peebels, le réalisateur noir américain pour débattre de la démocratie et de comment vaincre le radicalisme. Et, enfin, en 2002, c’est le second tour Chirac-Le Pen. Je participe à toutes les manifestations d’entre deux tours.

«Renaud Muselier a le pragmatisme d’un chef d’entreprise, d’un entrepreneur et il est un humaniste»

Qu’est-ce qui vous conduit à vous engager auprès de Renaud Muselier?
Renaud Muselier a le pragmatisme d’un chef d’entreprise, d’un entrepreneur et il est un humaniste, quelqu’un de vraiment remarquable sur le plan humain. Quand certains hurlaient contre les migrants lui a dit qu’il était hors de question de laisser mourir des femmes enceintes dans la neige. Je ne suis pas d’accord sur tout avec lui mais j’ai senti que le moment était venu de s’engager et de s’engager avec lui contre le RN qui ne solutionnera rien mais aggravera tout. Là, je veux m’adresser aux femmes et aux jeunes filles, pour les alerter. Ce parti, le RN est contre le planning familial, la contraception, l’IVG… Lorsque nos droits n’avancent pas ils régressent. Nous devons être vigilantes dans une époque où la violence ne cesse de s’accroître comme en témoigne tragiquement le nombre de féminicides.

La montée des attaques contre les femmes, du racisme, de la xénophobie, l’homophobie… Il est temps de réagir. Renaud Muselier s’inscrit dans une histoire, des valeurs. Il a une vision pour la Région avec la COP d’avance et la Méditerranée du futur. Pour ma part, je dois avouer que c’est ma fille qui m’a culpabilisée sur le tri sélectif et, depuis, je suis très sérieuse. L’écologie n’est pas un enjeu politique, c’est un enjeu de société. Renaud Muselier croit au progrès. En effet, le progrès va permettre de répondre aux enjeux auxquels nous sommes confrontés en termes de réchauffement climatique, en termes de codéveloppement avec la rive Sud… Ensuite, comment ignorer le travail accompli par Renaud Muselier pendant la crise Covid: son combat contre la pandémie avec les masques, les vaccins et, sur le plan économique, son action pour aider les entreprises à faire face. Comment certains peuvent-ils déjà l’oublier. Et cette crise ne fait que renforcer la volonté de notre liste de protéger, d’innover, de favoriser le développement durable, de ne laisser personne au bord du chemin.

Comment passe-t-on de Félix Pyat à la production?
Encore une fois je viens d’un milieu populaire pas pauvre, encore une fois la culture fait partie de la vie de mes parents. Il y avait des livres à la maison ainsi que des instruments de musique, ma mère faisait partie d’un orchestre. Je suis, comme beaucoup d’autres, un exemple que l’ascenseur social peut fonctionner et, il a pu se gripper, nombre de personnes, de tout horizon, veulent le dégripper. Veulent que l’espoir de lendemains heureux, paisibles, existent pour le plus grand nombre. Des rencontres ont beaucoup compté pour moi. Il y a eu celle, au lycée avec monsieur Delfino, notre professeur de français, latin et de théâtre. Il nous a fait découvrir les grands textes, la force du théâtre.

Je démarre avec Akhenaton en 1995. Il est de Belsunce, le berceau du Rap marseillais, dans le centre-ville -il faut savoir que Félix Pyat est une cité du centre-ville- nous fréquentions Belsunce, son bouillonnement culturel, artistique. Je découvre le monde de la musique. On tourne en 95 un court-métrage puis, en 98 pendant 8 semaines on tourne sur le Panier, Belsunce, la place Charles de Gaulle, Félix Pyat… On tourne de nombreux clips avec Akhenaton, mais aussi la Fonky Family. Puis il y aura la série Marseille pour Netflix…

Je regrette que l’on ne s’investisse pas plus dans les mondes de la culture et du sport alors qu’ils sont porteurs de rencontres, d’échanges, de dépassement de soi et de respect de règles. J’aime cette citation d’Édouard Herriot : «La culture, c’est ce qui reste quand on a tout oublié». Cette phrase j’ai pu en mesurer toute l’importance avec mon papa. A cause de la maladie il oubliait tout sauf des chansons et des sportifs…
Propos recueillis par Michel CAIRE

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