Entretien avec Alexandre Contencin : MarsatWork ou l’art de la raison d’être des entreprises

Publié le 24 février 2021 à  7h30 - Dernière mise à  jour le 31 octobre 2022 à  14h57

Depuis sa sacralisation par la loi Pacte en 2019, la raison d’être est au cœur de la réflexion de nombreux acteurs économiques. MarsatWork en a fait le moteur de son entreprise et de son business. La preuve, la sortie d’un ouvrage riche et inspirant : L’art de la raison d’être. Alexandre Contencin, le Président de l’agence marseillaise de conseil en stratégie business et communication, revient sur les fondamentaux de cette introspection et nous explique tous les bienfaits qui en découlent pour ses clients et plus loin encore la société.

Alexandre Contencin, le Président de l'agence MarsatWork ©DR
Alexandre Contencin, le Président de l’agence MarsatWork ©DR

Quelle est la genèse de la raison d’être, ce courant de pensée, chez MarsatWork?
Alexandre Contencin : Notre agence existe depuis 2000 et nous avons rapidement eu une croissance soutenue. Avec le recul, nous pouvons dire que ce développement était axé sur une approche très opportuniste du business et nous n’avions pas forcément de vision. Le fait que tout se structure de manière rapide, par intuition et avec une absence de vision à long terme, notamment de l’écosystème dans lequel nous évoluions, a fait que nous avons empilé des choses qui fonctionnaient. Certes nous avions les bonnes recettes, mais il faut bien avouer que nous avions pris des directions qui étaient catastrophiques d’un point de vue business.

En quoi était-ce vraiment si problématique ?
En 2015, nous avons traversé une crise qui nous a mis face à nos réalités : nous étions un château qui reposait sur du sable et il nous manquait des fondations. Cette période a failli nous emporter, nous étions au bord du précipice. C’est là q’une réflexion très introspective sur notre «pourquoi» a commencé.

Une meilleure analyse des valeurs très profondes d’une entreprise

Comment définiriez-vous cette notion de pourquoi ?
Le « pourquoi », c’est ce qui nous motive le matin quand nous nous levons pour aller travailler. Cette approche, nous l’avions trouvée chez Simon Sinek qui a écrit « Start with why ».

Concrètement, comment définir cette raison d’être ?
Si on schématise, c’est une meilleure analyse des valeurs très profondes d’une entreprise. Ce sont des courants de pensées qui ont déjà quinze ou vingt ans et qui sont aujourd’hui sanctuarisés en France, pour permettre de les inscrire dans ses statuts. C’est là le vrai changement.

C’est à partir de cette notion que vous avez changé votre façon d’être.
Nous avons entamé un travail de déconstruction, puis de reconstruction, qui ne s’est pas fait en quelques jours, mais qui a immédiatement ramené de la sérénité au niveau des associés. Nous étions arrivés à une relation très fonctionnelle, décharnée des aspects émotionnels. Chacun a une idée reçue de ce que fait l’entreprise, ce que font les collaborateurs… sans qu’il y ait un partage profond sur la valeur intrinsèque de son utilité au sein de cette organisation.

Une fois votre raison d’être clairement définie, l’entreprise est-elle repartie sur de bons rails ?
Le fait de tout poser, de mettre des mots a été comme un grand soulagement et nous avons commencé à aller de prise de conscience en prise de conscience. De là, nous avons revu l’organisation. Étrangement, à partir de 2017, nous avons stabilisé notre activité. A partir de 2018, nous avons renoué avec la croissance et 2019 a été une très belle année. 2020 a forcément été plus modérée, mais, nous n’avons pas vécu cette période compliquée comme une souffrance. Certes, nous avons perdu du chiffre d’affaires, mais avec plus d’analyses fines, nous avons beaucoup mieux travaillé nos marges. Au final, nous avons créé un tas de nouveaux territoires d’expression pour diluer notre risque.

Un changement de positionnement devenu un changement de paradigme

Vous êtes alors passé à une nouvelle étape : mettre au service de vos clients les clés de votre réussite.
Nous avons écrit une méthode, dont nous avons rapidement pu tester les effets positifs. Un jour, je suis tombé sur un article au sujet de la loi Pacte 2019, qui parlait clairement de ce que nous avions mis en place dans notre structure. Nous avons alors compris que nous étions dans le vrai. Ensuite, 2020 a été un coup de projecteur incroyable sur la notion de sens et de business. Il y a eu une littérature abondante sur ce sujet et c’est aussi ce qui nous a motivés à mettre au cœur de notre offre ce qui était au début un changement de positionnement et qui est devenu un changement de paradigme, une évolution essentielle dans notre approche.

Comment s’articule la raison d’être dans votre business ?
La réponse à cette question tient en quatre offres. La première concerne la définition de la raison d’être. Nous cherchons à répondre à une question simple : quelle est ma «raison d’être» en tant qu’organisation. Pas celle du chef d’entreprise, mais bien celle de l’entreprise, car c’est un actif à part entière. Par l’approche de «coconstruction», nous faisons émerger la philosophie du groupe. Alors, nous rédigeons tout cela et nous allons jusqu’à l’inscrire dans les statuts. Il est envisageable de devenir une société à mission ou encore exprimer sa conscience des enjeux sociétaux et environnementaux. De là, en ressort souvent les orientations d’une politique RSE. La deuxième offre est celle de la phase de déploiement qui implique souvent des changements dans différents secteurs de l’entreprise.

Qu’en est-il de la troisième et de la dernière partie de votre offre ?
Le troisième volet et celui de la mesure. Pour cela nous avons un data analyste qui travaille sur ce sujet. Concrètement, il peut matérialiser les charges qu’implique la «raison d’être». Que ce soit une certification ISO 26000 ou un autre changement dans l’organisation, cela a forcément un coût, un impact. Certes, mais une évolution doit générer un bénéfice et il est essentiel de quantifier tout cela. Dernière offre : il faut raconter ce que l’on met en place. Nous sommes des communicants et nous trouvons essentiel de structurer sa prise de parole autour de ce qu’on a mis en œuvre pour déployer sa « raison d’être ».

Penser chaque projet par le prisme du « pourquoi »

Concrètement, comment cette « évolution » s’est-elle matérialisée au sein même de votre entreprise ?
Nous avons profondément changé notre organisation, nous avons revu totalement la logique de la boite, nous avons créé une temporalité par rapport à la nature de nos projets. Nous pensons maintenant chaque projet par le prisme du « pourquoi ».

Nous n’avons pas encore abordé la question, mais qu’elle est la raison d’être de MarsatWork ?
Accompagner les entreprises et les organisations à faire un meilleur business qui intègre la conscience qu’elles ont au sein d’un écosystème. Pour cela, une société doit partir d’un principe simple : si ce qu’elle met en place est bon pour elle, ce sera alors bon pour le territoire.

Comment votre approche et votre évolution sont-elles perçues par le marché ?
Il existe deux types de sociétés. D’abord celles qui connaissent la raison d’être et qui ont déjà mis en place ce qui était nécessaire ou qui ont encore besoin de faire infuser cette notion. Nous arrivons alors avec des solutions facilitatrices. Ensuite, il y a les autres. Dans la grande majorité des cas, nous nous retrouvons face à des entreprises qui ont eu des développements opportunistes et qui sont dans une sorte de cul-de-sac où elles n’ont plus le choix. Elles se retrouvent dans une situation délicate avec des services inadaptés, des salariés qui partent un à un… Tout le travail pédagogique consiste à leur expliquer que l’analyse que nous faisons sur le « pourquoi » et incidemment sur le « comment » va remettre en place une profitabilité assez rapidement.

La raison d’être ou la raison d’exister d’une entreprise

D’où vient l’idée du livre, un objet qui est loin d’être anodin ? Est-ce un projet porté par l’ensemble de MarsatWork ?
Avant tout : pour faire un livre il faut aimer les livres ! Depuis que nous existons, nous avions un rêve, dans un coin de nos têtes : écrire notre livrable où nous injecterions du fond et de la forme. Ce livre reflète qui nous sommes et il a une approche très identitaire. A la base c’était un projet que nous imaginions pour nos 20 ans et qui était d’un tout autre format, que ce soit au niveau du contenu ou de l’approche. Au final, nous l’avons recentré sur la raison d’être.

Pourquoi un tel changement de cap ?
Elle a été tellement essentielle pour nous ces cinq dernières années que nous ne pouvions passer outre. Au début, nous avions prévu de lui consacrer une douzaine de pages, mais à force de manipuler le concept, de lire et d’échanger… Nous avons décidé de lui donner une autre approche que la nôtre. C’est pour cela, que nous nous sommes tournés vers des experts, des personnes qui l’utilisent tous les jours de manière très pragmatique, philosophique ou psychanalytique… Tout cela pour expliquer que cette raison d’être est plurielle et difficilement explicable, même si son bénéfice est aisément définissable. En fait, il y a beaucoup de portes d’entrées pour s’en approcher. Progressivement, nous avons fait disparaître tout ce qui était corporate, pour que cela n’apparaisse qu’en filigrane, dans la manière dont nous l’utilisons. Nous nous sommes donc placés comme un acteur et avons laissé la part belle à ceux qui la mettent en pratique dans leur quotidien.

Pour conclure, si vous deviez mettre en avant un point essentiel de la raison d’être ?
Qu’importe la taille de l’entreprise, la typologie… Cela met tout le monde d’accord sur un référentiel sémantique commun qui est très important. C’est tout l’objet de notre travail : aller farfouiller dans le symbolique pour poser des mots qui conviennent à tous et sur lesquels chacun peut se reposer quand il a un doute. Cette notion de l’identitaire est, pour moi, à la base de la raison d’être. Quelque part, c’est la raison d’exister d’une entité. Trop de choses se décident dans la tête des gens qui ne sont pas forcément sanctuarisées et qui sont susceptibles d’interprétation, de crispation, de frustration.
Propos recueillis par Fabian FRYDMAN

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L’Art de la raison d’être Marsatwork Éditions 204 pages )]

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