Entretien avec Jean-Luc Chauvin: ‘Heureux de constater l’intérêt de nos collectivités pour nos collections’

Publié le 9 mars 2022 à  7h58 - Dernière mise à  jour le 4 novembre 2022 à  17h50

La CCI Aix-Marseille Provence (CCIAMP) vient de lancer un appel d’offres afin de trouver un commissaire-priseur pour évaluer les collections de la Chambre et, éventuellement, vendre 187 œuvres d’art et objets historiques lui appartenant. L’opération est à l’origine d’une polémique. Jean-Luc Chauvin, le président de la CCIAMP répond à nos questions.

Jean-Luc Chauvin, président de la CCIAMP ©Destimed
Jean-Luc Chauvin, président de la CCIAMP ©Destimed

Destimed: La procédure que la Chambre vient de lancer provoque nombre d’interrogations et suscite même des critiques. Pouvez-vous expliquer les raisons qui ont motivé cette démarche?
Jean-Luc Chauvin: Il faut d’abord savoir ce qui est en jeu. La CCIAMP dispose de collections importantes qui constituent autant de témoignages et d’illustrations de notre histoire maritime et portuaire avec notamment 80 000 ouvrages; 5 100 affiches publicitaires; 11 867 peintures, gravures, estampes; 1 300 objets coloniaux; 1 128 objets historiques divers; 2 200 médailles et jetons; 361 planches, actions et titres; 2 712 cartes postales; 300 000 tirages et négatifs de photographies ou plaques de verre dont 18 500 numérisés; 60 000 photos dont 30 000 numérisées…

Or, ce patrimoine important, comme vous pouvez le constater, n’est pas suffisamment mis en lumière puisque seules une centaine d’œuvres sont visibles à ce jour avec un risque réel de détérioration. Ces collections ne sont pas accessibles au grand public -hormis quelques prêts pour des expositions temporaires.

Cette démarche ne serait-elle pas un peu précipitée? On a le sentiment, au vu des réactions, que cette décision a été prise sans concertation, notamment avec les collectivités?
Rien n’est plus faux. De nombreuses démarches ont été entreprises, notamment auprès du Mucem, des Musées de Marseille, des Archives départementales pour une valorisation de nos collections. Aucune de nos démarches, à notre grand regret, n’a pu aboutir. Pour tout dire, seul le Mucem nous a proposé un stockage d’une petite partie de nos collections… pour un montant de plus de 400 000 €.

Il n’en reste pas moins que vous êtes à la tête de collections remarquables qui méritent d’être mises en lumière au bénéfice des Marseillaises et des Marseillais?
En effet, notre responsabilité collective est de rendre ce patrimoine accessible. Il s’agit d’un devoir culturel et mémoriel vis-à-vis des générations futures. Il serait dommageable de laisser ces collections dans des lieux de stockage inaccessibles au public avec des risques de dégradation car le temps fait son œuvre. Et c’est pour cela que cette procédure administrative et technique est la première étape d’une volonté assumée et d’une stratégie globale de mise en lumière. Une offre qui s’adresse tant aux collectionneurs publics que privés… Notre unique objectif est d’offrir aux Marseillaises et Marseillais la possibilité de se réapproprier, de découvrir et redécouvrir et de profiter pleinement de son patrimoine historique et culturel.

Certes mais il existait un Musée de la Marine, pourquoi y avoir mis fin?
Le Musée de la Marine, parlons-en. Force est de constater que sa célébrité est récente. Car les chiffres sont têtus et ils doivent être rappelés. Le musée était constitué d’une surface d’exposition d’environ 300 mètres carrés; il rassemblait environ 160 pièces de notre collection qui en compte près de 50 000; il enregistrait en moyenne 7 entrées payantes par jour. Et dire qu’il a été remplacé par la brasserie 1860 Le Palais est totalement faux. Les deux lieux étaient géographiquement à l’opposé l’un de l’autre. Eh oui, cet espace a été réutilisé… pour l’accueil des entreprises. Certains trouveront que c’est un comble pour une Chambre de commerce. Et j’ajoute que nous avons beaucoup plus de visites actuellement. J’ajoute encore que cette vente n’est pas une première. Une autre avait déjà été réalisée en 2009. Enfin il n’est aucunement question de vendre la totalité de notre patrimoine.

Oui mais vous voulez vendre des œuvres?
Il faut savoir que nous sommes dans un cadre légal qui impose de lancer un marché de prestations intellectuelles «vente d’objets historiques et décoratifs : prestations de prisées et de ventes aux enchères ». Car on ne peut pas avoir un commissaire qui prise et un autre qui vend. La démarche se décompose donc en 2 temps à savoir un temps d’identification et d’évaluation des pièces remarquables et un temps, j’insiste là dessus, le cas échéant, destiné à la vente de certaines de celles-ci. Les candidatures sont ouvertes jusqu’au 29 mars. Le marché pourrait être attribué lors de l’AG du 29 avril pour un éventuel début d’exécution mi-mai.

Et combien de pièces sont concernées ?
A ce jour et ce uniquement à titre indicatif, une liste de 187 œuvres du patrimoine acquis par la CCIAMP a été arrêtée.

Avez-vous une stratégie pour la redécouverte de l’ensemble de votre patrimoine ? Et si oui laquelle ?
Notre stratégie globale s’articule autour des 3 axes suivants : lancement du marché de prestations intellectuelles. Ce marché doit nous permettre de dresser un état des lieux et d’évaluer les 187 pièces de notre patrimoine. Ensuite, il s’agit de mettre en place un « Comité Patrimoine Économique et Culturel de la CCIAMP » qui sera composé d’experts. Il aura pour mission d’émettre des orientations et des propositions sur la gestion des collections et arbitrera sur la meilleure manière d’opérer pour leur mise en lumière, leur conservation et leur accessibilité.

Troisièmement, nous allons créer un véhicule juridique, Fonds ou Fondation du patrimoine économique et culturel de la CCIAMP. Cet outil qui fera appel aux entreprises marseillaises, aux forces économiques et aux collectivités territoriales devra permettre à tous ceux qui le souhaitent de contribuer activement à la remise en état, à la mise en lumière et à l’exposition dans un espace digne de ce nom (évalué par certains porteurs de projets à plus de 10 000 mètres carrés) aux standards modernes et internationaux de nos collections qui aujourd’hui ne sont malheureusement pas visibles.

Mais, dans tous les cas, je suis heureux de constater l’intérêt de nos collectivités pour nos collections et leur volonté affirmée de participer au financement et à la mise en lumière de notre patrimoine. Nous ne manquerons pas de les contacter prochainement pour trouver un espace muséal digne de ce nom ainsi que le financement pour la remise en état des collections…
Propos recueillis par Michel CAIRE

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