Entretien. Madline Rubin, directrice de l’Association pour la protection des animaux sauvages (Aspas): ‘lutter contre une extinction de masse qui est en cours…’

Publié le 20 octobre 2021 à  7h30 - Dernière mise à  jour le 1 novembre 2022 à  16h47

Loups, amphibiens, corneilles, renards, blaireaux… L’Association pour la protection des animaux sauvages (Aspas) défend les sans-voix de la faune sauvage, les espèces jugées insignifiantes, encombrantes, ou persécutées par la chasse. Elle mobilise l’opinion publique, interpelle les élus et sensibilise tous les publics à la nécessité de protéger les milieux et les espèces. Son savoir-faire juridique est unique. Depuis près de 40 ans, elle a engagé plus de 3 500 procédures devant les tribunaux pour faire respecter et évoluer positivement le droit de l’environnement.

Madline Rubin, directrice de l'Aspas lors du Congrès mondial de la nature ©Mireille Bianciotto
Madline Rubin, directrice de l’Aspas lors du Congrès mondial de la nature ©Mireille Bianciotto
L’Aspas crée des Réserves de Vie Sauvage où aucune activité humaine n’est autorisée, hormis la balade contemplative, amoureuse ou curieuse. Ce label est le plus fort niveau de protection en France. Plus nous rendons à la nature sauvage des territoires où elle peut s’exprimer pleinement et librement, mieux nous retrouvons une place à notre mesure, sans démesure. C’est uniquement grâce au soutien d’adhérents et de donateurs qu’elle agit au profit de la nature. Madline Rubin, sa directrice rencontrée lors du Congrès mondial de la nature qui s’est tenu à Marseille, explique les actions et la philosophie de l’association. Entretien. Destimed: Votre association, l’Aspas, compte environ 14 000 membres, elle est propriétaire de 12 205 hectares de nature, sans aucune subvention publique. Est-ce un mouvement citoyen ? Madline Rubin:L’Aspas est une association qui a déjà un peu plus de 40 ans, et qui agit, de trois façons pour préserver les animaux sauvages et les milieux naturels: sur le combat juridique, on essaie de créer de la jurisprudence et de faire évoluer le droit à l’environnement, par de la mobilisation citoyenne et de la sensibilisation pédagogique et enfin, le troisième levier concerne l’acquisition foncière pour créer des réserves de vie sauvage.

«Venir se balader, contempler, faire de l’observation»

Vous avez acquis des hectares de forêt en France. Qu’est-ce qu’on peut y faire ? Juste s’y balader et contempler ? On parle beaucoup des forêts, parce que c’est le plus symbolique mais notre action se tourne, aussi, sur d’autres types de milieux, comme des points d’eau, des zones humides. Les gens sont invités à venir se balader, contempler, faire de l’observation, être en immersion dans la nature, sans contrainte, sans risque de se prendre une balle de chasse perdue ou un accident de quoi que ce soit. Et donc, on va limiter tout l’impact qui serait négatif sur le milieu, c’est à dire que la chasse est interdite, la coupe de bois, la pêche… On va créer encore d’autres types d’interdiction, plutôt par précaution que par principe. Par exemple, on va interdire la cueillette, non pas parce qu’on est fondamentalement opposés à la cueillette mais, tout simplement, parce qu’on ne peut pas savoir si c’est une personne, 10 personnes, 100, 1 000 ou 3 000 qui vont venir se balader et prélever quelque fleur, champignon, donc, simplement, par précaution.

«90 % des ressources proviennent des dons de Monsieur et Madame Tout le monde»

Vous êtes une association qui achète des hectares, comment financez-vous ces achats ? Ce sont les dons de privés, et une petite activité de vente de produits éthiques qui vont dans le sens de notre objet qui nous financent. En fait, 90 % des ressources proviennent des dons de Monsieur et Madame Tout le monde sachant que nous touchons un public très large. Vous avez parlé de sensibilisation comme l’une de vos trois missions. Comment est-ce que vous faites pour toucher le grand public ? Le grand public on va le toucher essentiellement par nos campagnes de communication, de sensibilisation. On va essayer de toucher les adultes par des actions, de la mobilisation citoyenne, par exemple, on va aussi créer des événements en ville. Mais, on va surtout créer des outils par lesquels nous mettons en avant l’importance, la beauté, le rôle de toutes les espèces. Après, on va décliner, à peu près les mêmes types d’outils mais pour les enfants, avec un langage adapté. Ces outils, on va les offrir à toutes les écoles, les bibliothèques, les MJC, (Maisons des jeunes et de la culture), les éducateurs, tous ceux qui ont envie de sensibiliser les enfants…

«Amener la discussion»

Vous avez donc l’accord de l’Éducation Nationale ? On n’a pas une convention, un agrément, avec l’Éducation nationale, mais on a des enseignants qui, dans le cadre de leur programme scolaire, souhaitent étudier la vie des animaux dans les forêts. La personne va nous demander notre Kit qui parlera, par exemple, du loup ou du renard. Et on va essayer d’amener la discussion, tant sur un plan biologique que, par exemple, sur la place de ces animaux dans la littérature, ou dans nos usages, au quotidien, dans la cohabitation. Et donc c’est un outil qui peut servir aux enseignants pour plusieurs matières. Un autre de vos missions concerne le juridique, de quelle manière intervenez-vous? Régulièrement, on va attaquer des arrêtés préfectoraux ou ministériels, qui autorisent, par exemple, une pratique de chasse sur un certain nombre d’animaux, ou dans certains temps, par exemple, la chasse de nuit, ou du piégeage, ou l’abattage de loups. On va les attaquer pour essayer de faire interdire ces pratiques-là, mais on va aussi essayer de déposer des propositions de loi. On va travailler avec les parlementaires, sénateurs et députés, pour dire, par exemple, la vènerie sous terre qui consiste à aller déterrer un blaireau, au fond d’un terrier, c’est une pratique qu’il faut interdire. La forêt vous la voulez comme un espace de liberté, on sait que c’est un puits de carbone, elle aide du point de vue de la qualité de l’air. Finalement vous luttez pour notre qualité de vie ? On essaie de lutter, dans le cadre de l’extinction de masse qui est en cours et qui galope et qui risque de ne pas s’arrêter si on ne fait rien. Préserver ces territoires, c’est préserver le vivant.

«Il y a des agriculteurs qui accueillent la biodiversité»

Mais, vous éliminez, par exemple, l’exploitation du bois. On parle beaucoup de ces métiers nouveaux, c’est peut-être une chance d’emploi ? Ce n’est pas parce qu’on va décider de mettre certaines zones en libre évolution que, ailleurs, il ne doit plus rien y avoir. En plus ce sont des petites zones. Mais il faudrait que, autour de ces zones, en lien et, en collaboration, on s’efforce, aussi, de développer des types de foresterie douce. Il y a le réseau alternatif forestier qui fait cela très bien, qui vit, en cohabitation, avec la forêt, il y a de la coupe de bois, il y a des écoles, dans les bois. Il y a des gens qui ont un usage doux des milieux, il y a des agriculteurs, qui accueillent la biodiversité, la vie sauvage, dans leur ferme. Un exemple de cette agriculture respectueuse des forêts ou de la bio-diversité ? Il y a un exemple qui est magnifique, d’ailleurs l’agriculteur a fait l’objet d’un petit film sur lui, c’est la ferme du Grand Laval, dans la Drôme. [(Entretien avec Madline Rubin, directrice de l’Association pour la protection des animaux sauvages (Aspas). 210903-001_madline_rubin_directrice_de_l_aspas.mp3)] Propos recueillis par Mireille BIANCIOTTO

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