Entretien de Noël avec Monseigneur Pontier : « Ils font de l’Autre un risque alors que c’est une richesse »

Publié le 24 décembre 2015 à  11h55 - Dernière mise à  jour le 29 octobre 2022 à  13h44

En cette veille de Noël Mgr Georges Pontier, Archevêque de Marseille, Président de la Conférence des Évêques de France revient sur une année 2015 lourde d’événements placés sous le sceau de la violence et du rejet de l’Autre tout en transmettant le message d’espoir que représente la Nativité. Entretien.

Monseigneur Pontier archevêque de Marseille (Photo Philippe Maillé)
Monseigneur Pontier archevêque de Marseille (Photo Philippe Maillé)
Monseigneur Pontier, nous venons de traverser une année extrêmement dure, avec de la violence, des attentats, du rejet de l’Autre. La célébration de la naissance d’un enfant est-elle assez forte pour se faire entendre face à autant de bruit et de fureur? Le cœur du message chrétien consiste à dire que c’est en partant des plus démunis que l’on réalise le bien commun. Un Dieu s’est fait fragile, enfant et, est venu habiter notre humanité. Son amour nous invite à avoir toujours le souci des plus pauvres. Or, nous sommes indifférents à ces derniers et c’est pour cela qu’une société de violence économique, institutionnelle, terroriste… se met en place. C’est vrai que tout cela existe. Le message de Noël, positif, n’en est que plus pertinent, il consiste à dire qu’il est toujours possible de choisir le chemin de la proximité, du plus bas, pour refaire l’humanité. Il s’agit d’un combat, d’un combat qui se mène en chacun de nous, contre ce qui nous rend aveugle et non les uns contre les autres. Comment se peut-il que nous soyons aussi fermés, aussi indifférents les uns aux autres ? Cela relève de l’inconscience. Comment ne pas être pris aux tripes par les injustices, les inégalités? Et que dire lorsque l’on regarde le monde et les situations infiniment plus dramatiques qu’il connaît ? Alors que le Christ a mené une vie en proximité des défavorisés et non des plus riches qui ne bâtissent que pour eux. Le Christ nous dit que nous ne sommes humains que lorsque nous ne nous éloignons pas des soucis des autres. Je pense d’ailleurs souvent au passage de l’Évangile relatif au bon samaritain. Trois hommes passent devant un voyageur attaqué, laissé pour mort. Les deux premiers se demandent ce qui pourraient leur arriver s’ils s’arrêtaient et, poursuivent leur chemin; le troisième se demande ce qui va arriver au voyageur s’il ne s’arrête pas. C’est la démarche de Dieu qui se demande ce qui va arriver à cette humanité s’il ne s’y insère pas et qui se fait enfant. Après, traduire cela en acte n’est jamais simple. 2015 a été marquée, en France, par des attentats en début et en fin d’année, quel est votre sentiment? D’abord, l’horreur devant cette extrême violence, l’émotion pour les victimes, les familles, les proches. Et puis, ces attentats sont doublement dramatiques. Dieu ne demande pas aux Hommes de se tuer et cela donne un visage de Dieu inacceptable et puis cela crée un regard de peur sur les croyants. La religion, les religions, sont là pour nous convertir chacun, pas pour convertir les autres. Après beaucoup d’interrogations se posent sur la violence. Pourquoi tant de jeunes se laissent-ils séduire par un idéal nihiliste. Pourquoi tant de jeunes quittent nos sociétés. Qu’a-t-on fait ? Cela rejoint l’idée que lorsque l’on ne construit pas pour tous cela se retourne contre nous. A force de ne pas arriver à donner un logement pour tous, un emploi, de l’éducation, une politique familiale, on ne met pas en place le respect, la tolérance. On provoque un rejet qui fait que l’on cherche ailleurs quelque chose pour se valoriser. Ce n’est plus la beauté de la vie ordinaire qui est primée mais un idéal qui veut faussement remplacer la vie ordinaire; un extraordinaire au nom duquel on se fait sauter. Or, c’est la vie ordinaire que Dieu est venu habiter. Il y a dans le djihadisme l’utilisation perverse d’un orgueil spirituel qui est complétement à l’envers. S’il séduit, c’est parce qu’il existe un grand fond de rejet, une masse de souffrance, cela ne justifie rien mais il faut comprendre les mécanismes à l’œuvre. Les religions offrent un beau visage lorsqu’elles montrent qu’elles ont en elles-mêmes les ressources du choix de la fraternité. Mais, elles ont aussi la fragilité de tomber dans des fondamentalismes. Quand la religion prend le chemin de la fierté elle devient dangereuse, lorsqu’elle fait le choix de l’humilité elle éclaire, elle ne sert pas à diviser mais à servir tous les Hommes. Fin novembre, à la Fondation du camp des Milles les représentants des Chrétiens, Catholiques et Protestants, Juifs et Musulmans, ont lancé un appel dans lequel il est rappelé que les extrémistes : nationalistes, racistes ou religieux ; les exclusions et les violences qu’ils engendrent n’ont pas leur place dans nos religions et dans nos sociétés. Un appel qui montre bien que la religion fait partie des solutions, pas des dangers. Elle peut canaliser la folie humaine.

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