Entretien avec Nicolas Férand: ‘L’expert-comptable va devenir le copilote du chef d’entreprise’

Publié le 13 mars 2023 à  11h01 - Dernière mise à  jour le 6 juin 2023 à  21h48

Nicolas Férand a succédé à Colette Weizman à la présidence du conseil Régional de l’Ordre des experts-comptables (Croec) Provence-Alpes-Côte d’Azur fait le point sur la situation économique. Il invite les chefs d’entreprise à la prudence avant de considérer que l’évolution du métier, l’arrivée de la facture électronique notamment va rendre le métier encore plus intéressant. Entretien.

Nicolas Férand président du Croec Provence-Alpes-Côte d'Azur (Photo Joël Barcy)
Nicolas Férand président du Croec Provence-Alpes-Côte d’Azur (Photo Joël Barcy)
Destimed: Comment analysez-vous la situation actuelle des entreprises dans un contexte de Covid, de guerre en Ukraine, la crise de l’énergie? Nicolas Férand: Il importe d’abord de dire que nous avons une région résiliente qui a effectivement su résister à la Covid, à un an de guerre en Ukraine … Mais attention, les deux années à venir ne seront pas simples. Je pense qu’en 2023 les chefs d’entreprise devront rester prudents car les clignotants sont à l’orange. Il n’y a pas de danger mais il faut être attentif. Si le niveau de chiffre d’affaires se maintient les marges se réduisent et il faut rembourser le PGE. Dans ce contexte l’affacturage est une solution de financement pertinente. Je pense par exemple au BTP, ce dispositif permet aux entreprises de bénéficier d’un paiement anticipé de leurs créances avant la date de l’échéance. Pour cela, les créances sont transférées à un organisme financier -appelé Factor- qui gère, dans le cadre d’un contrat d’affacturage, le poste clients de l’entreprise. Le Factor se charge alors des opérations de relance et de recouvrement des créances. Concernant le coût de l’énergie c’est vrai que cela peut poser problème car tout le monde ne peut pas traduire cette augmentation sur son prix de vente. Heureusement, des aides de l’État existent, c’est certes parfois complexe pour les obtenir mais elles existent. Un sujet fait également débat, le guichet unique, qu’en pensez-vous? Sur le papier c’était une bonne idée : on mettait en place un point unique d’entrée pour la vie juridique de toutes les entreprises de toute la France. Le problème c’est que c’est un fiasco, cela a paralysé les 3/4 des formalités avec des cas qui n’étaient pas pris en compte. Comment les pouvoirs publics ont-ils pu laisser passer cela? Et, outre des manques, la plateforme fonctionne mal, des retards s’accumulent, des ventes peuvent être ratées. Alors, face à ce désastre, depuis le 20 février, les anciens services ont repris un certain nombre de formalités et, au lieu d’avoir un interlocuteur on en a cinq. Mais bon, c’est moins pire qu’avec le guichet unique. Problème, les pouvoirs publics ont décidé de revenir à ce dispositif au 30 juin et je crains fortement que ce laps de temps ne suffise pas, il aurait été mieux de se donner jusqu’au 30 septembre pour relancer ce dispositif. Vous succédez à Colette Weizman, quelles vont être vos priorités pour la profession? Je pense que nous devons travailler sur trois axes. La première priorité concerne le numérique. Le 1er juillet 2024 une véritable révolution aura lieu avec la mise en place de la facture numérique pour les grandes entreprises puis, le 1er janvier 2025 pour les PME et le 1er janvier 2026 pour toutes les entreprises. Nous devons être un acteur incontournable de l’envoi et de la réception de ces factures que l’on va traiter quasiment en temps réel. Une grosse partie du travail de nos équipes va disparaître. Vous imaginez, en 2026, les saisies comptables auront quasiment disparues, elles qui représentent encore 70 % de notre activité. Il y aura donc de nouvelles missions pour l’expert-comptable et les collaborateurs. Et j’en viens ainsi à la deuxième priorité: l’attractivité de nos métiers. Il faut savoir que nous avions déjà un problème avant la Covid, cela ne s’est pas arrangé depuis. Nous souffrons d’une image désuète. Dans ce contexte la facture numérique nous offre l’opportunité de rendre plus intéressant le travail de nos équipes. On va pouvoir analyser les chiffres en temps réel, devenir les copilotes de l’entreprise. Et cette facture numérique va nous permettre aussi de gagner du temps que nous pourrons utiliser pour la formation afin de répondre aux nouvelles missions qui nous attendent. Enfin, troisième priorité, la RSE, elle va faire naître une nouvelle catégorie de métiers. Il en va de même pour le développement durable, un créneau sur lequel nous devons être présent. Reportage vidéo Joël BARCY – Propos recueillis par Michel CAIRE

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