Espace. Ariane 5: La mission Juice en route vers Jupiter

Publié le 16 avril 2023 à  9h02 - Dernière mise à  jour le 6 juin 2023 à  17h45

La fusée européenne Ariane 5 a lancé avec succès, le 14 avril 2023, la sonde Juice qui va explorer les satellites principaux de Jupiter.

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Décollage de la sonde Juice à bord d’Ariane 5 le 14 avril 2023 ©ESA
Décollage de la sonde Juice à bord d’Ariane 5 le 14 avril 2023 ©ESA

Lorsque Galilée a pointé sa lunette astronomique vers la planète Jupiter, en 1610, il a découvert quatre petits points brillants qui l’accompagnaient. Il a noté que ces points bougeaient au fil des heures et en a déduit, fort justement, qu’il s’agissait de petites planètes en orbite autour de Jupiter. Il les a appelées planètes médicéennes, en l’honneur de la famille des Médicis du grand-duc de Toscane, mais on les appelle aujourd’hui satellites galiléens. Galilée a ainsi montré pour la première fois qu’il existait des astres qui ne tournaient pas autour de la Terre, ce qui constituait une véritable révolution dans l’idée que l’on se faisait alors de l’organisation du monde céleste.

Dans l’ordre d’éloignement à partir de Jupiter, on trouve Io, Europe, Ganymède et Callisto. Leur taille est comparable à la Lune et de simples jumelles suffisent pour les observer. Depuis Galilée on a découvert beaucoup d’autres satellites autour de Jupiter, on en connait aujourd’hui 80, mais ils sont tous beaucoup plus petits que les satellites galiléens et la plupart n’ont pu être détectés que par les sondes envoyées sur place. Ce sont essentiellement des astéroïdes, petits corps irréguliers criblés de cratères.
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Les satellites galiléens: les quatre satellites principaux de Jupiter sont ramenés ici à la même échelle pour mieux comparer leurs tailles respectives. On trouve, de gauche à droite : Io, Europe, Ganymède et Callisto. À titre indicatif, la Lune a une taille intermédiaire entre Io et Europe @ Nasa
Les satellites galiléens: les quatre satellites principaux de Jupiter sont ramenés ici à la même échelle pour mieux comparer leurs tailles respectives. On trouve, de gauche à droite : Io, Europe, Ganymède et Callisto. À titre indicatif, la Lune a une taille intermédiaire entre Io et Europe @ Nasa
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Compte tenu de leur éloignement, on ne peut pas étudier en détail la surface des satellites galiléens depuis la Terre, même avec les plus grands télescopes. Aujourd’hui, grâce aux sondes spatiales lancées au cours des quarante dernières années, on peut en dresser le portrait suivant :

-Io, dont la couleur jaune orangée est liée au soufre et à ses composés, a l’activité volcanique la plus intense du système solaire, avec des centaines de volcans dont certains crachent de la lave en fusion à des dizaines de kilomètres de hauteur.

-Europe a un noyau de fer, un manteau rocheux et un océan d’eau salée qui pourrait être l’un des meilleurs endroits pour rechercher la vie ailleurs que sur Terre dans notre système solaire.

-Ganymède est le plus grand satellite de planète du système solaire et le seul à avoir son propre champ magnétique.

-Callisto est l’objet le plus cratérisé du système solaire.

Le but de la sonde Juice (acronyme de JUpiter Icy moons Explorer) que vient de lancer l’agence spatiale européenne est d’explorer plus en détail ces quatre satellites. Cette sonde est équipée d’une dizaine d’instruments qui vont nous fournir de précieux renseignements : une caméra optique pour prendre des images détaillées ; un spectromètre imageur pour observer les nuages de Jupiter et pour caractériser les minéraux et la glace qui recouvrent ses satellites ; un spectrographe UV pour étudier les aurores polaires de Jupiter et l’exosphère (partie externe de l’atmosphère) de ses satellites ; une antenne submillimétrique pour mesurer la température des atmosphères de Jupiter et ses satellites, un altimètre laser pour mesurer en détail la surface des satellites galiléens ; un radar permettant de sonder sous la couche de glace qui recouvre Europe, Ganymède et Callisto, jusqu’à plusieurs kilomètres de profondeur ; un magnétomètre pour étudier les champs magnétiques, notamment celui de Ganymède ; un détecteur de particules, chargées et neutres, pour étudier le plasma du système jovien ; un détecteur de champs électrique et magnétique pour étudier l’émission radio du système jovien ; enfin un transpondeur pour mesurer le champ de gravité et estimer plus précisément l’étendue des océans internes qui se trouvent sous la couche de glace d’Europe, Gaymède et Callisto.

Vue d’artiste de la sonde JUICE en train de scanner la surface du satellite Europe (Image ESA)
Vue d’artiste de la sonde JUICE en train de scanner la surface du satellite Europe (Image ESA)

Les Marseillais sont présents dans cette aventure spatiale, avec deux chercheurs du Laboratoire d’Astrophysique de Marseille (LAM) impliqués dans la mission Juice : Olivier Mousis fait partie de l’équipe d’exploitation de l’instrument à ondes submillimétriques (SWI), construit par l’Institut Max Planck (Allemagne) et Laurent Lamy est impliqué dans le Radio & Plasma Wave Investigation (RPWI) de l’Institut suédois de physique spatiale. De plus un chercheur de l’Université d’Aix-Marseille (AMU), Vincent Hue, fait partie de l’équipe du spectrographe ultraviolet (UVS) construit par le Southwest Research Institute avec l’aide de la NASA. Tous trois devront toutefois s’armer de patience car ce n’est qu’en 2031 que la sonde Juice arrivera à destination et pourra enfin se mettre en orbite autour de Jupiter pour faire ses observations du système jovien pendant 4 ans.

Ces chercheurs marseillais font partie de l’institut Origines de l’Université d’Aix-Marseille. Cet institut regroupe des astrophysiciens, chimistes, physiciens, biologistes, géologues, géophysiciens, philosophes et épistémologues. Ils forment une communauté interdisciplinaire de près de 200 personnes réunies autour des grandes questions scientifiques liées à l’origine de la vie, de sa présence et aux possibilités de détection dans notre Galaxie. Ce regroupement des expertises dans des domaines différents, mais complémentaires, permettra d’avancer sur les aspects touchant à l’origine de notre système solaire, à l’évolution de la matière au sein de celui-ci, et de mieux comprendre en quoi cette évolution a pu jouer un rôle dans l’émergence de la vie sur Terre.

Les précédentes missions spatiales ont permis de montrer qu’Europe, Ganymède et Callisto sont des « lunes glacées » qui hébergent vraisemblablement, sous une épaisse couche de glace, des océans d’eau liquide salée. Des lacs salés sous-marins ont été trouvés sur Terre, en Antarctique, comme par exemple le lac Vostok qui se trouve sous 4 000 mètres de glace. Malgré les conditions extrêmes, température de – 3°C, pression de 360 bars, absence de lumière, des carottages ont permis d’y trouver des bactéries d’une espèce inconnue jusque-là. La sonde Juice ne permettra pas de faire de tels prélèvements sur les satellites galiléens, mais elle permettra de confirmer l’existence des océans d’eau liquide sous la surface glacée et d’en préciser l’étendue. On pourra alors envisager les futures missions qui permettront d’aller percer la couche de glace de ces mondes lointains que Galilée a découvert il y a plus de 400 ans maintenant, d’en l’espoir d’y trouver des traces de vie…
Michel MARCELIN
Directeur de recherche émérite CNRS au LAM
Membre de l’Académie des Sciences, Lettres et Arts de Marseille

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