Experts-Comptables – Club Ethic Eco: « Le Tourisme un poids lourd en manque de filière »

Publié le 20 juin 2016 à  0h04 - Dernière mise à  jour le 29 octobre 2022 à  13h45

C’est un sujet d’une actualité brûlante que le club Ethic Eco a abordé le 6 juin avec « Éthique et Tourisme ». Une question théorique qui est devenue très pratique dès le 9 juin avec l’Euro de foot à Marseille et les premières violences qui se sont poursuivis les 10 et 11 juin pour le match Angleterre-Russie. La double question de l’accueil et du comportement du visiteur était posée jusqu’à son paroxysme. Christian Orofino, co-président d’OBGET (Observatoire Géopolitique et Environnemental du Tourisme) avec Jean da Luz ; Florence Bezault, directrice Générale de l’Hôtel Renaissance by Mariott à Aix-en-Provence et Nathalie Olmeta, directrice de la communication de Bouche-du-Rhône Tourisme.

Le Club Ethic Eco a abordé le 6 juin
Le Club Ethic Eco a abordé le 6 juin

Mohamed Laqhila, le président du Conseil régional de l’Ordre des experts-comptables Marseille-Provence, structure qui porte ces déjeuners Ethic Eco, explique : « Nous nous intéressons à plus d’un titre au tourisme. En tant que professionnels, nous avons parmi nos clients des acteurs du tourisme, nous suivons aussi ce secteur dans le cadre du baromètre trimestriel que nous réalisons, il comprend notamment un focus touristique qui met en lumière le fait que ce secteur a été impacté par les attentats. Et puis, nous sommes sensibles à cette question parce que nous habitons ici et que nous pensons que ce territoire et Marseille méritent mieux». Il raconte : «En 2010, nous avons organisé un congrès national de notre profession à Marseille. Nous avons tout entendu, que ce n’était pas possible, qu’il y avait des kalachnikovs, etc. In fine, nous avons réalisé le plus grand congrès de tous les temps avec 5 000 congressistes».

«Le tourisme c’est du déplacement avec un contenu»

Christian Orofino plante le décor : «Le tourisme, c’est du déplacement avec un contenu. C’est la colonne vertébrale économique de certains pays. Sa croissance est de plus de 4% par an et il dépasse en termes de recettes les industries automobile et pétrolière. Il représente 12% du PIB mondial et 8% de l’emploi mondial. Or, malgré cela elle n’est pas organisée en filière et ne peut donc être éthique, raison pour laquelle, avec Jean da Luz, nous avons essayé d’instiller une dose d’éthique et de responsabilité car, pour nous, le tourisme sera éthique ou ne sera plus».
Pour illustrer son propos il donne l’exemple de l’Unesco : «Elle attribue chaque année des labels de Patrimoine de l’Humanité, plus de 1 000 sites sont labellisés. Cela crée une attractivité extraordinaire. Mais ceci est fait sans étude d’impact avec des effets qui peuvent être négatifs. Ainsi, il y a deux ans, le label a été donné à des rizières en terrasses, en Chine. Résultat, les Chinois ne cultivent plus le riz, ils accueillent les touristes ce qui est beaucoup plus rentable et les rizières vont disparaître si rien n’est fait».

«L’euro est pour nous une vitrine»

Christine Olmeta juge pour sa part: «On ne gagnera que si on attire, accueille le client tout en gardant nos valeurs». Tout en précisant : « Les 2/3 des touristes qui viennent dans notre département sont hébergés par des parents ou des amis. Et les touristes qui viennent pour l’Euro ne viennent que 24 ou 48 heures, ils ne visitent pas, ils ne sont là que pour les matchs». Mais, pour Florence Beuzault, point question de sous-estimer l’impact de l’Euro : «Pour nous c’est une vitrine, en plus nous accueillons une équipe, nous utilisons donc cette compétition pour notre visibilité et celle de la région». Elle considère à ce propos : «C’est vrai que, lorsque je suis arrivée dans la Région, voilà un peu moins de deux ans, j’ai été surprise de voir que l’offre n’était pas à la hauteur; la panoplie n’est pas complète et il manque encore des établissements de renommée internationale. Nous devons faire d’autant plus d’efforts que nous perdons une partie de la clientèle internationale du fait des attentats et des grèves». Au-delà de l’actualité, elle souligne que la demande de la clientèle évolue : «Nos clients sont sensibles au développement durable mais ils ne veulent pas s’en occuper. Ils attendent de nous que nous soyons économique et éthique. C’est donc au quotidien que nous devons réfléchir, élaborer de nouveaux process qui, souvent, se révèlent bénéfiques pour notre établissement. Nous avons par exemple développé un recyclage du verre, ce qui s’inscrit dans le développement durable et nous fait fait faire des économies».
Christian Orofino de réagir : «C’est vrai que l’hôtellerie s’organise en France pour être éthique. Mais, encore une fois, le problème du tourisme c’est qu’il n’a pas su constituer une filière, ses composantes ne se sentent donc pas préoccupées par le produit final. Les hôteliers ont nombre de labels sérieux, de contrôles, tels n’est pas le cas des produits touristiques. Et que dire lorsque l’on sait que, aux Maldives, des bateaux prennent les poubelles sur les îles et les jettent au même endroit ce qui a entraîné la création d’une nouvelle île, de déchets, sur laquelle maintenant vivent des gens».

«Nous n’avons que très peu d’opérateurs touristiques en France»

Mais qu’en est-il de l’ubérisation qui touche aussi le tourisme ? «Soit on se dit qu’il s’agit d’une catastrophe, la fin des taxes, des réglementations soit on considère qu’il y a là manière d’évoluer, de faire bouger les acteurs. Tout en étant conscient qu’il n’est pas possible d’évoluer dans une absence de règles. Nous sommes donc dans une période charnière qui oblige les professions à se souder, à se structurer en filière». Christian Orofino reprend : «De toute façon, il faut savoir que 65% des touristes ne sont pas identifiables, on travaille donc sur les 35% restants». Et, pour ce pourcentage restant, il déplore : «Nous n’avons que très peu d’opérateurs touristiques en France et les opérateurs internationaux sont sur l’étranger, pas sur la France. Les gros opérateurs sont Chinois, Américains, et toute l’économie revient vers eux. Ensuite nous avons 360 offices de tourisme, en France le tourisme n’est pas affaire de professionnels mais d’institutionnels».
Mustapha Daidj en revient à l’éthique, interroge : «Est-ce que vous pensez que le tourisme qui se développe actuellement est une richesse pour les pays de la rive sud de la Méditerranée ? Pour moi un tourisme éthique doit prendre en compte l’industrie, l’agriculture, l’éducation… Il ne peut y avoir d’éthique lorsque l’on va dans des pays où le taux d’alphabétisation n’est que de 20%. Et que dire du tourisme sexuel ?». Abou Diarra, expert-comptable, va dans le même sens et considère qu’il serait pertinent «d’avoir des lois internationales qui s’imposent à tous». Danielle Prieur, avocate, croit pour sa part : «aux chartes, aux réglementations».
Michel CAIRE

C’est à un voyage intérieur qu’invite ce lundi 20 juin le club Ethic Eco avec des regards croisés sur «Éthique & Spiritualité» avec : Mgr Jean-Marc Aveline, Évêque auxiliaire de Marseille – Mustapha Daidj, spécialiste de la Médiation des Cultures et des Civilisations – Gill Daude, Pasteur d’Aix-en-Provence – Pierre Deltin, Médecin, libre penseur et Reouven Ohana, Grand Rabbin de Marseille.

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