Experts-Comptables Marseille-Paca: La gouvernance d’entreprise ne peut pas faire l’économie de l’éthique

Publié le 9 mai 2016 à  20h08 - Dernière mise à  jour le 28 octobre 2022 à  15h14

Mohamed Laquila recevait Me Danielle Prieur et William Nahum. Le club Ethic Eco était animée par Bruno Le Dref, délégué régional de France 3 Provence-Alpes (Photo L.W.)
Mohamed Laquila recevait Me Danielle Prieur et William Nahum. Le club Ethic Eco était animée par Bruno Le Dref, délégué régional de France 3 Provence-Alpes (Photo L.W.)

«Éthique et Gouvernance d’entreprise», tel est le thème qui a été abordé par Me Danielle Prieur et William Nahum, expert comptable, commissaire aux comptes, président du CIP National (Centre d’Information sur la Prévention des difficultés des entreprises) lors du déjeuner du club Ethic Eco d’avril. Une manifestation initiée par Conseil régional de l’Ordre des experts-comptables Marseille-Provence et son président Mohamed Laqhila, lequel indiquera : «Le sujet que nous allons aborder : éthique et Gouvernance d’entreprise est une question difficile et d’actualité. Compte tenu des différents scandales liés au monde des affaires et, en raison de comportements contraires à l’éthique de certaines entreprises et de certains dirigeants; actionnaires, clients, salariés, remettent en question la confiance dans leurs systèmes de gouvernance». Me Prieur rappelant à ce propos : «La gouvernance, ce sont des règles, un système fermé par des réglementations et des lois. C’est la manière dont le pouvoir est organisé au sein de l’entreprise». Puis, d’ajouter une nouvelle dimension, à côté de la loi, celle de la recommandation qui se traduit notamment à travers des classements «dont la presse se fait l’écho et qui ont donc un impact certain». Elle revient à la loi pour souligner que cette dernière «impose la mixité de la gouvernance. Les entreprises cotées ont jusqu’à 2014 pour compter 40% de femmes au conseil d’administration et au conseil de surveillance ». Elle voit là «l’opportunité pour faire émerger une nouvelle gouvernance». Elle précise à ce propos qu’une enquête du Washington Post met en lumière le fait que les investissements féminins pour les grands groupes sont 4 à 6 fois plus performants que ceux de leurs homologues masculins.

«Il faut rendre compte et c’est une excellente chose»

William Nahum note : «Il y a de plus en plus de rapports, c’est devenu un phénomène de société. Il faut rendre compte et c’est une excellente chose». Un phénomène qui, selon lui, est lié au scandale Enron qui fut l’une des plus grandes entreprises américaines par sa capitalisation boursière. Cette société, outre ses activités dans le gaz naturel, avait mis en place un système de courtage par lequel elle achetait et revendait de l’électricité. En décembre 2001, elle fit faillite en raison des pertes occasionnées par ses opérations spéculatives sur le marché de l’électricité, qui avaient été maquillées en bénéfices via des manipulations comptables. Cette faillite entraîna dans son sillage celle d’Arthur Andersen, qui auditait ses comptes. Et qui a été renforcé par l’affaire des subprimes : «Les États-Unis prennent beaucoup de temps pour condamner les responsables et prendre des mesures correctives mais ils le font». Il insiste à son tour sur l’importance du soft law, (Loi molle), qui se contente de conseiller, sans poser d’obligation juridiquement sanctionnée «son impact est parfois plus grand que la loi car il rebondit dans les médias».
Et de citer la norme Afep -Medef qui a un réel impact à ses yeux. Cet ensemble de recommandations a été élaboré par des groupes de travail de l’Association Française des Entreprises Privées (Afep) et du Mouvement des Entreprises de France (Medef). Il s’agit d’une initiative des entreprises elles-mêmes soucieuses de préciser certains principes de bon fonctionnement et de transparence propres à améliorer leur gestion et à répondre à la demande des investisseurs et du public. Pour William Nahum : «Il faut bien mesurer à quel point la donne a évolué. Le patron tout puissant qui existait voilà encore 40 ans n’existe plus. Il ne peut se passer de la transparence et de l’ouverture. Et l’entreprise doit s’insérer dans son environnement social et civique et, maintenant, écologique».

«La France veut toujours jouer au bon soldat, alors nous ne cessons d’empiler des règles»

Un commissaire aux comptes s’inquiète : «Nous ne sommes pas égaux en Europe. La France veut toujours jouer au bon soldat, alors nous ne cessons d’empiler des règles». William Nahum approuve, s’il redit bien toute l’importance qu’il accorde aux règles, aux normes, il considère: «A force de faire des textes on arrive à des textes invraisemblables et il est vrai que nous avons dans notre Pays une surproduction ridicule de textes». Maître Prieur affiche son désaccord en mettant en exergue les États-Unis : «Ils nous surpassent en matière de normes. C’est très complexe de s’y installer et, pire pour eux, leur capacité d’innovation se réduit à cause des normes». William Nahum reprend : « Il est vrai qu’aux États-Unis il existe des règles globales alors qu’en France on dit de façon précise ce qu’il faut faire. Or, cela est inutile car il y a toujours des moyens de contourner la loi… ». «En revanche, poursuit-il, par l’éducation, la morale, l’école, la famille, les médias, il y a un travail à accomplir, ensemble, dans la société, pour expliquer ce que signifie vivre heureux en société, l’acceptation que cela impose d’un certain nombre de règles».
Pour un intervenant : «On tourne autour du même problème depuis le début de la rencontre. Alors, comment introduire de l’éthique dans un domaine où les opportunités font fi de cette dernière car il faut parfois aller vite. Force est de constater que, aujourd’hui, l’éthique semble être une charge. Il faut que cela change et, pour cela, il importe que la société se saisisse de cette question et, alors, l’éthique deviendra un avantage évident. Et les choses vont dans ce sens, on a vu l’argent qu’une marque automobile a perdu après avoir triché».

«Deux éléments sont à prendre en compte, la mondialisation et la médiatisation»

Jean-Luc Monteil, le président du Medef Paca revient sur la soft law : «Deux éléments sont à prendre en compte, la mondialisation et la médiatisation. Aujourd’hui, tout incident survenu dans la chaîne de production peut être médiatisé et prendre une ampleur mondiale». Puis de juger : «Beaucoup reste à faire en matière d’éthique, nous sommes dans un monde qui bouge. Il importe d’éduquer à la bienveillance et aux bonnes pratiques». Évoque une expérience personnelle : «La gestion de la différence, de l’Autre, est une vraie question. Si nous voulons que notre écosystème vive bien et longtemps il faut porter à nos équipes le message que c’est dans la complémentarité que l’on peut construire durablement. Nous avançons, il y a ainsi moins de problèmes psycho-sociaux dans les PME que dans les associations ou les administrations. Si on m’avait dit, il y a dix ans, que je devrais faire appel à des spécialistes de l’interculturel je ne l’aurais pas cru. Aujourd’hui c’est une évidence car, ce qui nous déstabilise c’est la perte de valeurs, le manque de repères». Le Général de gendarmerie David Galtier note à ce propos : «Je suis frappé de voir se multiplier les partenariats entre des entreprises et les grandes écoles militaires. En, fait je pense qu’ils traduisent une double recherche, celui du commandement et celui de l’éthique».
Un intervenant rappelle pour sa part : «Dans les années 20, un Premier ministre britannique évoquait la société idéale qui, pour lui, résidait dans le libéralisme social. C’est d’une actualité époustouflante. Il faut poser des limites à la liberté économique car, dans une société démocratique le consensus social est un impératif tant il pose la question de la satisfaction du plus grand nombre». Peggy Capdevielle , déléguée régionale en charge du développement, Délégation Régionale des Scop Paca évoque: «La recherche d’équilibre qui règne au sein des Scop, ces dernières étant détenues par les salariés».
Michel CAIRE

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