Expositions à ne pas manquer : Arles, un double rendez-vous exceptionnel avec les maisons Prouvé aux Ateliers et la vie simple à la Fondation Van Gogh

Publié le 18 janvier 2018 à  19h48 - Dernière mise à  jour le 28 octobre 2022 à  17h51

Nées sous l’impulsion des mécènes Luc et Maya Hoffmann, les Fondations Luma et Vincent Van Gogh font désormais d’Arles l’une des capitales culturelles du sud de la France permettant à cette citée chargée d’Histoire, de devenir un centre vivant et lumineux de l’art contemporain. Ainsi, sans temps mort, les événements se succèdent faisant se tourner vers Arles les projecteurs de la renommée. Dans la continuité de la découverte du buste de César au fond du Rhône et de son exposition qui a battu tous les records de fréquentation pour une ville de cette importance, la visite des lieux antiques est désormais complétée par d’autres découvertes de formes artistiques et patrimoniales plus modernes. Dubitatifs, dans un premier temps, les Arlésiens peuvent évaluer, aujourd’hui, l’attrait touristique, donc économique, d’une telle situation. Et cet hiver encore, à l’heure de la tradition provençale, des messes de minuit et du gâteau des rois, nombreux sont les visiteurs qui se sont rendus aux portes de la Camargue afin de visiter deux des expositions phares de l’hiver : celle des maisons Prouvé (il y en a 12) au Parc des Ateliers ainsi qu’une exposition collective d’œuvres de jeunes artistes en vis-à-vis de l’œuvre de Vincent Van Gogh, de l’art et du goût populaire, soit «La vie simple-simplement la vie» Songs of alienation à la Fondation Vincent van Gogh. Deux propositions différentes mais tellement novatrices et inscrites dans notre temps qu’il est urgent de découvrir pendant quelques semaines encore.
Michel EGEA

«Jean Prouvé : Architecte des jours meilleurs»

C’est une monumentale installation au cœur des Ateliers qui est proposée aux visiteurs. (Photo Michel Egea)
C’est une monumentale installation au cœur des Ateliers qui est proposée aux visiteurs. (Photo Michel Egea)

Accueillie par la fondation Luma, en collaboration avec la galerie parisienne Patrick Seguin, l’exposition «Jean Prouvé : Architecte des jours meilleurs» est consacrée à l’un des architectes et designers français les plus novateurs du XXe siècle, rassemblant douze structures préfabriquées créées entre 1939 et 1969, soit le plus grand nombre de systèmes de construction démontables de Prouvé jamais rassemblés en un même lieu. Une thématique chargée de sens, aujourd’hui, en ces temps de crise du logement et de migrations dans le monde. Une exposition d’autant plus originale et spectaculaire que ces «maisons Prouvé» sont installées à l’intérieur et à proximité immédiate de la Grande Halle -un espace d’exposition aménagé dans une fonderie du XIXe siècle- en forme d’hommage approprié à Prouvé, qui avait fait ses débuts dans la ferronnerie d’art.
Considéré aujourd’hui comme l’une des personnalités les plus marquantes du design au XXe siècle, Jean Prouvé (1901-1984) abordait de la même manière la construction d’un meuble et celle d’un immeuble. Pour décrire cet équilibre entre authenticité des matériaux, construction innovante et peu coûteuse et design minimaliste, Le Corbusier qualifiait Prouvé de «constructeur». Recouvrant à la fois les fonctions d’architecte et d’ingénieur, le terme traduit bien la singularité de l’approche élégante de Prouvé ainsi que sa profonde motivation sociale qui l’a amené à proposer des «solutions brillantes» aux besoins les plus urgents de son époque. Bien que Prouvé soit aujourd’hui étroitement associé aux ossatures en tôle d’acier plié de son mobilier désormais emblématique, ses contributions à l’architecture moderne et sa pratique socialement engagée en tant que « constructeur » -touchant à la fois à l’industrie, à l’architecture, à l’ingénierie et au design- méritent bien plus d’attention que celle qu’on leur a accordée jusqu’ici. La conscience sociale de Prouvé dans son activité de designer s’est forgée dès sa jeunesse. Elle est étroitement liée à la manière dont il concevait et produisait ses pièces d’artisanat d’art. Par la suite, au cours des cinq décennies de sa carrière, il a toujours privilégié la collaboration, le respect de l’authenticité des matériaux et les applications éthiques des technologies industrielles. Très vite, son utilisation expérimentale des matériaux (notamment de l’acier, et plus tard de l’aluminium) attire l’attention de Mallet-Stevens, qui lui passe plusieurs commandes. En 1929, Jean Prouvé sera, aux côtés de Pierre Jeanneret, Le Corbusier et Charlotte Perriand, l’un des fondateurs de l’Union des artistes modernes (UAM). Possédant une conscience aiguë des changements qui affectent le paysage social et politique de son temps, Prouvé adapte son système de construction aux exigences du moment historique dans lequel il évolue. Utilisant des matériaux peu coûteux mais durables, ses bâtiments peuvent être facilement assemblés, démontés, déplacés et modifiés. A la fin des années 1930, Prouvé commence à créer des prototypes et à déposer des brevets de systèmes de construction transportables, ou «maisons démontables». Les différentes versions présentées dans l’exposition « Jean Prouvé : Architecte des jours meilleurs» notamment la petite série de maisons transportables que Prouvé produisit à la fin des années 1930, les baraques militaires préfabriquées en bois et acier embouti, les hébergements provisoires pour réfugiés, et son ultime prototype démontable créé pour Ferembal, une entreprise industrielle d’emballage installée près de Nancy (1948) – attestent chacune du développement et de la modification des structures conçues par Prouvé en fonction des exigences de l’époque. Adaptant ses systèmes préfabriqués à un usage tour à tour civil ou militaire, Prouvé fut applaudi durant la Seconde Guerre mondiale pour ses conceptions audacieuses, ses techniques de construction innovantes, son utilisation de matériaux économiques mais de qualité, et pour son approche du design mêlant principes scientifiques et humanisme. Pour avoir apporté son soutien à la Résistance durant la guerre, Prouvé fut nommé maire intérimaire de Nancy en 1944, avant de recevoir en 1947 la Médaille d’or de la Reconstruction et de l’Urbanisme pour ses contributions aux efforts de reconstruction. En cette même année 1947, Prouvé installe son atelier à Maxéville, une commune limitrophe de Nancy, et se lance dans la production de masse d’unités d’habitation préfabriquées. Souhaitant également répondre aux besoins criants qui se manifestent dans certains domaines sociaux après la guerre, il participe notamment à l’amélioration des logements, des écoles et d’autres infrastructures nationales. C’est sans doute la sobre harmonie et le noyau structurel de la Maison des jours meilleurs (1956), que lui a commandée l’abbé Pierre, le fondateur des Compagnons d’Emmaüs, qui illustre le mieux la façon dont Prouvé s’est efforcé toute sa vie de mettre l’architecture industrialisée au service d’un besoin social. Si l’intention de Prouvé était de produire des maisons aussi vite que Citroën produisait des voitures, la plupart de ses prototypes de bâtiments préfabriqués n’ont pas été adoptés de son vivant. Pourtant l’exposition témoigne de l’influence durable qu’ont eu les systèmes architecturaux de Prouvé sur les générations d’architectes qui l’ont suivi. L’exposition est accompagnée d’une publication produite par la Fondation Luma en collaboration avec Phaidon Press. L’ouvrage contient deux essais inédits, l’un du professeur Mark Wigley, architecte, critique, théoricien et doyen émérite de la Graduate School of Architecture, Planning and Preservation de l’université Columbia ; l’autre de Philippe Trétiack, auteur et critique d’architecture vivant à Paris. On y trouve également une riche documentation historique et iconographique sur les douze constructions exposées à LUMA Arles, et sur l’œuvre de Prouvé en général.

Pratique. L’exposition est visible jusqu’au 1er mai 2018 du mercredi au dimanche de 11h à 18h. Elle propose visites commentées et ateliers jeune public ou en famille. Renseignements et réservations : 04 90 47 76 17 ou www.luma-arles.org/shop

«La vie simple – Simplement la vie» / Songs of alienation

Brice Curiger présente « Self-portrait, Plates/Teller n°36, 2016 » de Juergen Teller, un des points forts au centre de l’exposition «La vie simple-Simplement la vie» (Photo Michel Egea)
Brice Curiger présente « Self-portrait, Plates/Teller n°36, 2016 » de Juergen Teller, un des points forts au centre de l’exposition «La vie simple-Simplement la vie» (Photo Michel Egea)

Jusqu’au 2 avril, Brice Curiger, curatrice de la Fondation Vincent Van Gogh, commissaire de l’exposition et, Julia Marchand, assistante curatrice, proposent «La vie simple – Simplement la vie» / Songs of alienation dont elle livrent la présentation suivante… La perspective d’une vie à rebours de l’industrialisation est un champ résolument prospectif, donnant lieu à une multitudes d’expérimentations à travers l’Histoire et l’histoire de l’art, parmi lesquelles nous pouvons compter l’École de Barbizon, Pont Avant et, dans une certaine mesure, l’atelier du Midi de Vincent van Gogh. Contemporain des évolutions sociétales apportées par les révolutions de 1848, Van Gogh assiste à l’entrée du paysan dans la conscience politique d’une société bouleversée par le progrès. Les reproductions des travaux des champs de Jean-François Millet, qu’il a découvert en 1873 à Londres, peuplent les murs de son atelier arlésien, six ans plus tard. Le besoin terrible de nature pour ce natif de province néerlandaise s’accompagne de compassion pour les paysans, qu’il peint comme s’il était l’un des leurs et pensait comme eux les mottes de terre, l’herbe et le blé. L’exposition thématique «La Vie simple – Simplement la vie» rend compte de cet humble regard sur la pauvreté, de l’admiration pour Jean-François Millet, de la recherche d’une union de l’homme avec la Nature, mais aussi des désirs et élans nostalgiques associés à cet idéal de vie simple. Réunissant des objets de piété populaire, des reproductions d’œuvres peintes ou gravées de Jean-François Millet aux côtés d’un tableau de Vincent van Gogh et de créations d’art contemporain, l’exposition engendre un esprit de foisonnement des arts et interroge la primauté de l’image au sein de cet univers prospectif. Elle privilégie un parcours ouvert et exploratoire où résonnent les nombreuses promesses d’un quotidien délesté des contraintes urbaines et de la souveraineté humaine. Ainsi, nos rapports -trop humain- à la nature et à l’espèce animale sont particulièrement interrogés à travers les œuvres contemporaines suivantes. Le dernier film d’animation de David Claerbout, The Pure Necessity (La Pure Nécessité, 2016), est une adaptation étonnante du Livre de la jungle réalisé par Walt Disney en 1967. L’espèce animale, débarrassée de toute humanisation, y apparaît au seuil de la passivité. Une photographie de grand format représentant Juergen Teller enlaçant un âne nous met face à tout l’artifice qui peut se cacher derrière l’idée d’un retour de l’Homme vers la nature, tandis que Pawel Althamer crée les conditions idéales pour que s’instaure un espace convival entre visiteurs et oiseaux. Cette installation extérieure se présente comme l’image d’une nature post-apocalyptique, marquée par la créativité débordante de l’humain. Prenant comme toile de fond les abords d’une rivière brésilienne, le film O Peixe (The Fish) (2016) de Jonathas de Andrade appelle des sentiments ambigus face à la mort d’un animal. Enfin, la série de photographies Iris Tingitana (200, du nom latin de l’iris indigène de Tanger) d’Yto Barrada nous renvoie, avec cette fleur très présente dans l’iconographie de Van Gogh, à la «botanique du pouvoir».
Pratique. Fondation Vincent Van Gogh, 35 ter, rue du Docteur-Fanton.
Ouvert du mardi au dimanche de 11h à 18h. Réservations et renseignements : 04 90 93 08 08 ou fondation-vincentvangogh-arles.org

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