Festival d’Aix-en-Provence : Jean-Guihen Queyras se ressource chez le Roi René

Publié le 19 juillet 2014 à  21h32 - Dernière mise à  jour le 27 octobre 2022 à  18h05

«Pour vivre heureux, vivons cachés», dit la morale d’un apologue de Florian. A juste raison ? Difficile à affirmer. Et à la remarque d’une amie qui avançait, il y a quelques jours, que Jean-Guihen Queyras n’avait pas la réputation qu’il méritait, nous aurions pu rétorquer que le violoncelliste avait peut-être fait sienne cette morale de Florian, remplaçant le «cachés» par le vocable «discrets» plus adéquat. Et pourtant, qu’ils méritent d’être connus et reconnus l’énorme talent et la simplicité de cet enfant du pays de Forcalquier. Bernard Foccroulle, le directeur du Festival d’Aix et Émilie Delorme, la directrice de l’Académie européenne de musique le savent bien; ils ne lui ont pas offert une carte blanche pour rien. Et Jean Guihen Queyras la joue en ce moment. Rencontre.

Jean-Guihen Queyras : le talent et la gentillesse d’un enfant du Sud (Photo François Sechet)
Jean-Guihen Queyras : le talent et la gentillesse d’un enfant du Sud (Photo François Sechet)

«Quel bon moment que la Master class que j’ai animé hier…» Vendredi matin, Jean-Guihen Queyras était encore enchanté des échanges qu’il avait eus, la veille, avec les musiciens mais aussi avec le public de cette Master class. «J’en ai fait des Master class mais je n’ai jamais vécu des moments aussi chaleureux. C’est ça le festival d’Aix ». Son violoncelle sur le dos (il ne le quitte jamais, ou presque), le musicien nous reçoit dans le jardin de son hôtel. D’entrée de jeu, il nous confie qu’il est un peu fatigué. Fin d’année chargée et difficile pour le professeur qu’il est en Allemagne. «Il y a eu tous les examens de fin d’année, tous les concours et les concerts en même temps… Mais je suis vraiment heureux de participer à ce festival de légende. D’autant plus que la qualité de l’accueil et l’ambiance familiale qui y règnent me permettent de me ressourcer assez rapidement.» Il redira la même chose devant le public venu l’entendre en concert avec Alexandre Tharaud quelques heures plus tard. «Je suis heureux car je bénéficie d’une vraie carte blanche. J’ai eu la liberté de composer les programmes et d’inviter les artistes avec lesquels je voulais jouer. Hormis le Freiburger, bien évidemment, mais c’est tout comme car j’ai fait mes études avec la moitié des musiciens de l’orchestre !»
Il terminera sa carte blanche en leur compagnie, mardi, à 20 heures au Grand Théâtre de Provence. «Après ce sera direction Forcalquier pour une série de concerts entre le 27 juillet et le 2 août.» Rappelons qu’il est à l’initiative de ce rendez-vous musical estival, à quelques kilomètres de la maison familiale où il a passé toute son enfance. «J’ai une belle brochette d’amis musiciens autour de moi et, cette année, nous allons donner un côté encore plus festif à la manifestation avec des concerts impromptus en ville. Quelques musiciens, un concerto grosso… Et le tour est joué.» Puis, il y aura l’enregistrement du concerto pour violoncelle de Schumann avec le Freiburger pour un triple CD complété par le concerto pour piano et celui pour violon, du compositeur. «Nous venons de faire une tournée avec ces concertos et ça a été superbe.» En octobre c’est un enregistrement des sonates et variations pour violoncelle de Beethoven qui sort chez Harmonia Mundi. «Puis, après je vais faire mes débuts à Philadelphie et au Carnegie Hall avec le Philadelphia orchestra et, en décembre, j’aurai le plaisir de jouer avec l’orchestre de la radio bavaroise qui est, à mon avis, l’un des meilleurs à l’heure actuelle.» Et lorsqu’on lui fait remarquer que sa carrière de concertiste s’étoffe de manière significative, il sourit et nous dit:«Je vais prendre une année sabbatique en ce qui concerne l’enseignement. J’ai besoin de cela pour prendre quelques décisions… » Serein, réfléchi, souriant et toujours discret, Jean-Guihen Queyras poursuit sa route.

Michel EGEA


On a vu au Conservatoire d’Aix-en-Provence : Queyras-Tharaud, duo d’exception

Jean-Guihen Queyras et Alexandre Tharaud, la même génération et la même envie de jouer ensemble. Un duo exceptionnel. (Photo Jean-Claude Carbonne)
Jean-Guihen Queyras et Alexandre Tharaud, la même génération et la même envie de jouer ensemble. Un duo exceptionnel. (Photo Jean-Claude Carbonne)

Depuis plus de dix ans, les deux amis se produisent en duo. Et pour ce concert donné dans le cadre de la carte blanche au violoncelliste, il ne restait plus une place de libre à l’auditorium du conservatoire Darius Milhaud. Près de 500 aficionados étaient réunis pour communier avec deux artistes majeur de la génération des quadras. Marin Marais, Bach et Brahms étaient au programme; mais on se doutait bien que les deux allaient nous réserver quelques surprises… Et il suffisait d’attendre qu’ils aient pris place pour que le violoncelliste annonce l’inclusion au programme de quatre petites pièces de Berg… Rien de plus normal puisque les deux interprètes aiment Berg et que Jean-Guihen Queyras a enregistré la Suite Lyrique de ce compositeur ainsi que la «Nuit Transfigurée» de Schoenberg, le CD étant paru il y a peu chez Harmonia Mundi. Dans cet auditorium flambant neuf, véritable bijou d’acoustique, nous avons eu droit à un récital d’exception et de perfection. Marin Marais a bénéficié d’une interprétation à la fois belle, généreuse et ronde. Pour Bach on entrait plus dans l’intime et le spirituel avant l’explosion des pièces modernes de Berg. Courtes pièces données de façon très dynamique par le duo qui enchaînait, sans temps mort, sur la sonate pour violoncelle et piano n°1 de Brahms aux accents laissant déjà entrevoir le romantisme qui emplira ensuite les compositions du musicien.
Suivront, en bis,« Nacht und Traüme» du Schubert et le «Liebesleid» de Kreisler pour un final en apothéose. Toutes ces pièces ont permis d’apprécier le jeu des deux solistes d’autant plus que la qualité de la salle donne l’occasion de pratiquer une écoute «sélective» de chaque instrument. La chaleur et les couleurs du violoncelle de Jean-Guihen Queyras, un Gioffredo Cappa de1696 prêté par le Mécénat Musical Société Générale, sont à mettre en avant tout comme le jeu sensible et fin du musicien. Alexandre Tharaud, lui, a mis en valeur les belles sonorités de son Steinway préparé par Pianos Prestige. Un concert ponctué par une ovation bienvenue.
M.E.

Pratique
Retrouvez Jean-Guihen Queyras en concert soliste ce dimanche à 17 heures au Conservatoire Darius Milhaud (œuvres de Bach, Saariaho et Kurtag) puis ce lundi à 21 heures, toujours à l’auditorium du conservatoire, avec Keyvan et Bijan Chemirani et Sokratis Sinopoulos (mélodies traditionnelle de la Méditerranée et compositions occidentales influencées par ces mélodies). Enfin, Jean-Guihen Queyras se produira devant le Freiburger Barokorchester pour un concert avec des œuvres de Haydn, Mozart et Salomon. Renseignements et réservations : la Boutique du Festival, place des Martyrs de la Résistance, 13100 Aix-en-Provence. Tél: 0820 922 923. Festival d’Aix

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