Festival d’Aix-en-Provence. Le « virage dans la continuité » de Pierre Audi

Publié le 18 janvier 2019 à  20h01 - Dernière mise à  jour le 28 octobre 2022 à  20h44

Choisi il y a deux ans pour succéder à Bernard Foccroulle à la direction du Festival d’Aix-en-Provence, Pierre Audi vient de présenter une première programmation qu’il signe en totalité. Et ça va décoiffer le long des rives du cours Mirabeau l’été prochain, du 3 au 22 juillet. En fait, le nouveau directeur, franco-libanais né à Beyrouth en 1957, a choisi, comme il le dit lui même, d’effectuer «un virage dans la continuité» ; mais quel virage ! Une épingle à cheveux qu’il veut négocier à toute vitesse, sans tirer le frein à main, en maîtrisant totalement son véhicule… Une liberté de conduite qui transparait d’entrée de jeu dans le nouveau logo créé par la designer graphique néerlandaise, Irma Boom. Aix en modernité, toutes couleurs fluo dehors, génération Stabilo et micro-processeurs en fête. D’ailleurs, un peu comme pour affirmer un credo et quoiqu’il se défende de pratiquer un quelconque ostracisme envers le genre, il n’y a pas d’ouvrage baroque à l’affiche de cette première saison ; mais le « la 415 » devrait retrouver le Festival en 2020, Pierre Audi l’a dit ! Quant à ceux qui pensaient, et parfois disaient, que Bernard Foccroulle était trop novateur, il ne leur reste plus que l’exil estival pour cultiver leurs penchants traditionalistes. Jugez-donc… Mozart est chez lui à Aix-en-Provence : qu’à cela ne tienne. Pierre Audi demande à Raphaël Pichon et Roméo Castellucci de s’unir pour construire une célébration de la vie autour du «Requiem» du salzbourgeois scénographié par Castellucci et musicalement augmenté par le jeune directeur musical, passionné par Mozart, sa vie, son œuvre. Un exercice de style qui devrait convenir à Raphaël Pichon qui affectionne tout particulièrement ces formes nouvelles ; ne lui doit-on pas, notamment, «Trauernacht», «Nuit de deuil», créé avec succès au festival d’Aix en 2014, d’après les cantates de Bach, en compagnie de la metteuse en scène Katie Mitchell.

Pierre Audi a présenté sa première programmation après avoir dévoilé le  nouveau logo du festival. (Photo Michel Egéa)
Pierre Audi a présenté sa première programmation après avoir dévoilé le nouveau logo du festival. (Photo Michel Egéa)
Le vérisme n’a jamais eu droit de cité au Festival d’Aix ? Qu’à cela ne tienne. Pierre Audi affiche «Tosca» au cœur de sa première programmation sur la scène mythique de l’Archevêché. Christophe Honoré signe cette nouvelle production qui veut être «une évocation mélancolique de la fascinante créature de scène qu’est la diva, cette femme qui vit d’art et d’amour et sur qui ni le temps ni la mort n’ont de prise.» L’occasion pour Angel Blue d’incarner Tosca pour la première fois de sa carrière et, pour l’immense Catherine Malfitano, qui fut Tosca en 1992 aux côtés de Placido Domingo et Ruggero Raimondi et gratifiée à cette occasion d’un Emmy Award, d’être conviée à être « la » prima donna sur laquelle le temps n’a pas de prise… Signalons que Joseph Calleja sera Cavaradossi.

Au Grand Théâtre de Provence qui a vécu, ces dernières années, de riches heures avec, entre autres, Stravinsky (Le Chant du Rossignol), Chostakovitch (Le Nez), Janacek (De la maison des morts) ou Benjamin (Written on skin), ce sera Kurt Weill qui fera son entrée. A la tête de son Philharmonia Orchestra, Esa-Pekka Salonen dirigera «Grandeur et décadence de la ville de Mahagonny» opéra en trois actes composé sur un livret de Bertolt Brecht. Quatre représentations sont programmées et la mise en scène sera signée Ivo van Hove. Voici qui promet… Côté création, au Théâtre du Jeu de Paume, on pourra découvrir «Les Mille endormis», un spectacle en hébreu composé par Adam Maor. Entre gravité et légèreté, Maor et le dramaturge Yonatan Levy, tous deux israéliens, parlent «d’un pays déchiré, d’une société multiculturelle que ses dirigeants n’envisagent plus comme un tout organique mais comme une irréconciliable mosaïque». Une production incluse dans le package contemporain, intitulé «Incises», voulu par Pierre Audi. Package qui comprendra aussi l’opéra de chambre de Wolfgang Rihm «Jakob Lenz» et l’opéra de chambre pour soprano, baryton, chœur et film 3D «Blank Out» de Michel Van Der Aa. «Incises» est l’une des volontés affirmées du nouveau directeur qui entend proposer annuellement une programmation contemporaine solide et cohérente. Tout comme il veut donner une importance logique à une riche programmation de concerts donnés par les chefs et orchestres invités pour les opéras. Ainsi Raphaël Pichon dirigera son orchestre Pygmalion notamment pour les quatre dernières symphonies de Mozart, Esa-Pekka Salonen à la tête du Philharmonia Orchestra donnera un concert Sibelius-Salonen-Stravinski puis accompagnera, le 14 juillet, la projection du «Metropolis» de Fritz Lang, Ingo Metzmacher, à la tête de l’Orchestre de Paris, proposant la création française d’Über die Linie VIII de Rihm et «Le Chant de la terre» de Mahler. Il y aura aussi les quatuors Van Kuijk et Tana, les duos Léa Desandre/Thomas Dunford et Julie Fuchs/Alphonse Cemin, Amir ElSaffar et son Two rivers ensemble et l’Orchestre des jeunes de la Méditerranée avec, notamment, un concert Malher-Brahms dirigé par Daniele Rustioni.

La continuité, pour Pierre Audi, c’est de poursuivre et d’éclairer encore plus ce qui fut initié par ses prédécesseurs en donnant une nouvelle consistance à l’Académie, en affirmant encore plus le côté «pré-festival» d’Aix en Juin, et en poursuivant de façon assidu la politique d’ouverture initiée par Bernard Foccroulle ; ouverture sur tous les publics avec «Passerelles» qui mène des actions de médiation, de sensibilisation et de pratique artistique, ouverture sur la Méditerranée en accompagnant les jeunes talents de cette région du monde tout au long de l’année. Faire du festival un lieu de rencontre de tous les arts est aussi l’une des préoccupations de Pierre Audi. Ce dernier l’affirme haut et fort : «La programmation est un choix qui définit une identité» ; d’entrée de jeu le nouveau directeur ne fait pas dans l’à-peu-près. A suivre… Et à vivre.
Michel EGEA

Pratique. Dès ce lundi 21 janvier et pour deux semaines, trois formules d’abonnements sont mises en place avec des réductions en fonction du nombre de spectacles choisis. Les réservations sont prises sur festival-aix.com, par téléphone au 08 20 922 923 (12 cts €/min) le 21 janvier de 10 heures à 18 heures puis du mardi au vendredi de 10 heures à 13 heures et de 14 heures à 18 heures ainsi qu’au guichet, Place de l’Archevêché, aux mêmes heures. Pour les places à l’unité la location débute le 4 février. La traditionnelle journée de vente sur la scène de l’Archevêché aura lieu le 9 février.

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