Festival de Cannes. Ken Loach, le vieux chêne résiste

Publié le 29 mai 2023 à  22h10 - Dernière mise à  jour le 8 juillet 2023 à  16h40

A 86 ans, le réalisateur britannique est toujours un jeune révolté. Il poursuit son récit des grandes mutations sociales dont sont victimes les plus faibles. Dans «The Old oak» (Le Vieux chêne) il filme un village du nord de l’Angleterre, secoué par l’arrivée de réfugiés syriens.

A la solitude de TJ Ballantyne (Dave Turner) répond à la détresse de la jeune Yara (Ebla Mari) ©Unifrance
A la solitude de TJ Ballantyne (Dave Turner) répond à la détresse de la jeune Yara (Ebla Mari) ©Unifrance

Confrontation de deux détresses

Dans The Old Oak, Ken Loach confronte des habitants défavorisés d’une bourgade anglaise et des réfugiés qui ont fui la guerre en Syrie. Désert économique, briques rouges, misère sociale, le réalisateur reste dans le microcosme des blessés de la société. A ma gauche des familles cabossées, enfermés dans le chômage, le nez dans les pintes de bière avec une idéologie tendant vers la préférence nationale. A ma droite un groupe de réfugiés syriens, traumatisé par les drames vécus dans un pays qu’ils ont dû fuir. «On a logé ces familles syriennes dans des quartiers où on ne peut pas les voir. Dans ces communes du Nord on a le plus fort pourcentage de réfugiés mais sans dispositif social, comme si le gouvernement ne voulait pas le savoir», indique le scénariste Paul Laverty. Des tensions vont naître entre les locaux et les nouveaux arrivants. TJ Ballantyne, le patron du Old oak, tente de se comporter le mieux possible, avec humanité et d’aider ces familles dans la détresse. Il y perdra ces rares clients.

« Il a fallu s’apprivoiser »

Le casting du film a pris beaucoup de temps. «Les personnages ce sont les plus importants avec le scénario», confie Ken Loach. Le parti pris a été de jouer avec de vrais réfugiés syriens, et les anciens mineurs sont des gens du secteur. Dave Turner (TJ Ballantyne) a été 30 ans pompier avant d’incarner superbement le rôle de patron de pub. «Le processus a été très long pour que les deux communautés, syrienne et locale s’adoptent», confie Paul Laverty, le scénariste. Au final on est emportés par le scénario. A la solitude de TJ Ballantyne répond la détresse de la jeune Yara (Ebla Mari). Elle a appris l’anglais dans un camp de réfugiés et est arrivée ici avec sa famille. Progressivement une amitié se tisse entre TJ Ballantyne et Yara. Tous les deux viennent de deux horizons en ruines. Ballantyne a vécu le désastre de la fermeture des mines. Sa femme l’a quitté. Il tient un pub décrépi qui reste le dernier lieu de sociabilité du village. Yara a dû quitter son pays, y laisser ses souvenirs, sa langue et son père. Elle ignore s’il est encore vivant. Une solidarité va naître entre ces blessés de la vie mais elle va se heurter à la rancœur et au racisme ambiants.

« C’est difficile de faire des films politiques »

Éternel militant, Ken Loach confie qu’«il est de plus en difficile de trouver des financements pour des films politiques. On y est parvenus mais il a fallu réduire le budget. On voit de moins en moins de films politiques au cinéma pour cette raison. Les jeunes aimeraient faire ce type de films mais ils ne trouvent pas de producteurs qui acceptent de remettre en cause le système, le pouvoir politique». En résumé ils ne veulent pas être mordus par la main qui les a nourris. Ken Loach estime aussi qu’il n’y a plus de différence entre Travaillistes et Tories «une feuille de papier à cigarette les sépare. Tant qu’on ne changera pas ce système il y aura une immense richesse d’un côté et une extrême pauvreté de l’autre. Pour changer tout cela on a besoin d’un gouvernement qui rende le pouvoir au peuple, améliore les services et utilise les ressources du monde pour le bien-être de tous. C’est cela qu’il faut façonner et construire. C’est l’œuvre d’une vie. Et cela ressemble à une révolution». Est-ce le dernier film de Ken Loach ? Il n’a voulu répondre à la question et a botté en touche. Une chose est sûre il est un des rares à faire entendre la voix des plus faibles avec humanité. Reportage Joël BARCY envoyé spécial à Cannes
Ken Loach :
Ken Loach :
Dave Turner dans le rôle de TJ Ballantyne qui tient un pub décrépi  (Photo Joël Barcy)
Dave Turner dans le rôle de TJ Ballantyne qui tient un pub décrépi (Photo Joël Barcy)
Ebla Mari incarne Yara une jeune Syrienne (Photo Joël Barcy)
Ebla Mari incarne Yara une jeune Syrienne (Photo Joël Barcy)

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