Fongecif PACA : la formation professionnelle en pleine ébullition

L’organisme paritaire, chargé notamment de collecter les fonds des entreprises finançant le dispositif du Congé individuel de formation (CIF) des salariés de droit privé, connaît une actualité très chargée en cette année 2013. En ligne de mire, la réforme de la formation professionnelle que prépare activement le gouvernement et qui devrait déboucher sur la mise en place du Compte individuel de formation. Sans oublier les incertitudes financières à la suspension de paiement de la Région PACA par la Commission européenne qui n’a pas été levée.

Le coup passa si près… Au mois de septembre dernier, dans l’attente du versement du solde de deux subventions du Fonds social européen (FSE) d’un montant de 3,472 M€, se rapportant à des actions menées par le Fongecif PACA entre 2008 et 2010, l’organisme paritaire était tout bonnement au bord de la cessation de paiement. Une situation qui mettait en difficultés près de 6 000 salariés, leurs entreprises et les organismes de formation qui risquaient du même coup de se voir privés de remboursement de salaires pour les entreprises et leurs salariés en Congé individuel de formation (CIF), et de paiement de leurs factures pour les organismes de formation. Fort heureusement, suite à l’envoi d’une lettre au préfet de Région Hugues Parant et, surtout, à l’écho médiatique qui s’en est suivi, la situation s’est ensuite rapidement débloquée, même si 472 000 € demeurent en suspens. « C’est remonté jusqu’au ministère qui a saisi la Direction générale de l’emploi et de la formation professionnelle (DGEFP) laquelle a demandé à la DIRRECTE de payer », témoigne Gérard Goron, directeur du Fongecif PACA.
Pour autant, malgré ce répit, l’origine du problème demeure : plusieurs mois plus tard, la suspension de paiement de la Région PACA par la Commission européenne n’a toujours pas été levée. « La Commission Interministérielle de Coordination des Contrôles (CICC) (NDLR : dont le rôle d’autorité d’audit l’amène à présenter des avis de conformité à la Commission européenne) a mis deux Régions sur la sellette, dont PACA. Elle a relevé tellement d’anomalies qu’elle a émis un refus de payer. Il faut savoir qu’un euro de Fonds social européen (FSE) vient toujours en complément d’un euro d’un autre partenaire. Or, certaines fois, la contrepartie n’était jamais arrivée. Cela devient alors un financement 100% européen, ce qui est interdit », éclaire Gérard Goron. Bien que l’origine du problème trouve son explication, Nicolas Stringhetta, vice-président du Fongecif, observe qu’« on a suspendu les paiements à des personnes qu’on a contrôlées et recontrôlées », comme en atteste le tout récent contrôle dont vient encore fait l’objet l’organisme paritaire. « C’est un peu cavalier de leur part. Ce serait peut-être mieux que contrôler des personnes à qui on reproche des choses », déplore-t-il.

« Tout dépend de comment ce Compte individuel de formation va être présenté »

Mais surtout, ce maintien de la suspension de paiement de la Région PACA par la Commission européenne est une épée de Damoclès qui pèse au quotidien sur le fonctionnement de l’organisme paritaire. « C’est difficile de mettre en œuvre des actions dont les co-financements arrivent 2-3 ans plus tard et qui peuvent être remis en cause après coup en cas de contrôle négatif », témoigne Gérard Goron.
Une difficulté qui s’ajoute à une actualité brûlante. Car Nicolas Stringhetta, qui réclamait il y a un an à la veille des échéances « une pause » dans les réformes afin de pouvoir assimiler toutes celles qui ont été mises en place ces dernières années, n’a pas été entendu. Et c’est une nouvelle réforme de la formation professionnelle que prépare actuellement le gouvernement de gauche. Le vice-président du Fongecif PACA ne la voit pas pour autant forcément d’un mauvais œil avec notamment la volonté affichée d’instaurer le Compte individuel de formation. « Cela peut être une bonne chose, sachant que le Droit individuel à la formation (DIF) ne fonctionne pas. A l’origine, il a été créé pour les PME/PMI afin que tout le monde ait droit à la formation dans son entreprise. Or, on s’aperçoit que ce sont toujours les mêmes qui sont formés : les salariés des grandes entreprises », observe Nicolas Stringhetta.
Mais si ce constat qu’il partage peut justifier la réforme qui se prépare, il reste toutefois sur ses gardes. « Tout dépend de comment ce Compte individuel de formation va être présenté. Est-ce qu’il y aura une vraie négociation et pas seulement une présentation sans tenir compte de nos observations ? Je pense que ça peut être une bonne chose que chacun ait droit à une formation tout au long de sa vie, mais comment on le fait ? On ne touche pas les mêmes personnes, le fonctionnement risque d’être très compliqué, après il faudra mettre cette réforme en musique. Tout cela demandera quelques mois de réflexion pour les partenaires sociaux », estime-t-il. Dans ce cadre, l’Etat, les Régions et les partenaires sociaux sont actuellement réunis dans un groupe multipartite chargé de rédiger le document qui va guider la conférence sociale qui se tiendra, au Centre Economique, Social et Environnemental (CESE), les 20 et 21 juin.

Sur les 31,51 Mds€ de la formation professionnelle, « les organismes paritaires n’en gèrent que 7 »

En attendant cette échéance, Gérard Goron tient à apporter quelques précisions alors que nombre de débats se focalisent actuellement sur les 31,51 Mds€ consacrés chaque année en France à la formation professionnelle et qui seraient « mal utilisés ». « Sur ces 31 Mds, les Organismes paritaires collecteurs agréés (OPCA) (*) n’en gèrent que 7 », précise-t-il alors que les partenaires sociaux sont fréquemment pointés du doigt. Dans le détail, les chiffres de l’année 2010, les derniers connus, attestent en effet que plus de 6 Mds€ sont dépensés par les entreprises qui organisent leur propre plan de formation, 7,66 Mds€ par l’Etat, 4,64 Mds€ par les Régions, 2,46 Mds€ par les autres collectivités, 2,48 Mds€ par les autres administrations, l’Unedic, et 1,13 Mds€ par les ménages, chiffre correspondant à ceux qui se financent eux-mêmes leur formation. « L’Etat dépense 6 Mds€ par an pour un peu plus de 5 millions de fonctionnaires répartis entre les fonctions publiques d’Etat, hospitalière et territoriale. Cela fait un peu plus de 1 000 € par an par fonctionnaire. Dans le même temps, 13 Mds€ sont dépensés par les entreprises pour 16 millions de salariés du privé, soit moins de 1 000 par an par salarié. Donc l’Etat ferait mieux de balayer devant sa porte car il dépense plus d’argent pour ses fonctionnaires que les entreprises pour les salariés du privé », souligne le directeur du Fongecif.
Quant aux problèmes de formation dont souffrent les demandeurs et qui serait un frein à l’heure d’enrayer un chômage toujours plus haut, il tient aussi à rappeler que « c’est avant qu’ils soient au chômage qu’ils ne sont pas bien formés ». « Les gens actuellement en emploi ont besoin de développer leurs compétences pour des métiers qu’on ne connaît pas. Or, ils n’ont pas le socle de connaissances, ni l’appétence : c’est l’échec du DIF. Et la prise de conscience est très compliquée », note-t-il.

Des appels d’offres auxquels il est difficile de répondre

Aux yeux de Nicolas Stringhetta, l’orientation constitue d’ailleurs aujourd’hui « un vrai problème de société » en France. « On éloigne de plus en plus dans l’Education nationale les bons et les mauvais les uns des autres, alors qu’il faut donner sa chance à tout le monde. On ne réussit pas toujours du 1er ou du 2e coup. Mais ce n’est pas parce qu’on a échoué en primaire ou dans le secondaire que la vie s’arrête : on peut bâtir de grandes réussites sur un échec », insiste-t-il. Face à ce problème d’orientation des salariés sur les métiers de demain, il regrette le peu d’apport actuel des observatoires professionnels créés dans chaque branche par la loi de 2004. « Ils ne sont pas encore dans leur rythme de croisière alors qu’il faut que tout le monde puisse s’appuyer sur ces observatoires », observe-t-il.
Malgré ces obstacles, le vice-président du Fongecif PACA sait que l’organisme paritaire « a un rôle social à jouer dans la région ». Mais il note que « les demandeurs d’emploi ne sont pas tous volontaires pour partir en formation ». « Cela peut être un élément bloquant pour le demandeur d’emploi. Il faut leur donner envie d’aller en formation en les accompagnant un peu plus que ce que l’on fait aujourd’hui. Le Fongecif a une vision particulière qui part de l’individu, du projet personnel : on fait du sur-mesure. Cela coûte plus cher mais rapporte beaucoup plus car il y a un besoin d’accompagnement pour les faibles niveaux de qualification. Il faut donner une autre orientation pour que la formation soit choisie plutôt que subie », analyse Nicolas Stringhetta. Gérard Goron acquiesce en soulignant qu’« il faut remettre le demandeur au centre de l’orientation plutôt que la prescription ». « C’est un changement de culture. Aujourd’hui, on est dans la prescription ce que l’on peut comprendre : quand on a acheté des places à des organismes de formation, il faut bien qu’elles soient consommées en fin d’année. Nous ne sommes pas dans la même logique », insiste-t-il. Un besoin de changement de culture d’autant plus impérieux qu’en ces temps de vaches maigres budgétaires, la réforme se fera à moyens constants : c’est sur la ventilation des dépenses liées à ces 31,51 Mds€ consacrés à la formation professionnelle que jouera le gouvernement.
Et quand il est possible d’agir, les critères d’éligibilité des publics concernés ne sont pas toujours lisibles. « Aujourd’hui, avec les nouvelles directives du Fonds paritaire, on n’a plus la possibilité de repérer les publics tellement il y a de référentiels européens : cela devient ingérable au quotidien », résume le vice-président du Fongecif. Et Gérard Goron d’enfoncer le clou : « On nous dit de nous référer au « Niveau A du cadre de référence européen sur les langues ». Vous repérez les publics sur cette base et trois ans après, lors d’un contrôle, on vous dit que vous avez mal estimé cette référence, ce qui remettra en cause le financement de l’opération : c’est difficile de mettre en œuvre quelque chose qui arrive toujours après coup. »

L’Observatoire des transitions professionnelles, « une source d’inspiration »

Parallèlement, le Fongecif ne cesse d’agir pour sans cesse consolider et améliorer ses process. C’est dans cette optique qu’un Observatoire des Transitions Professionnels (OTP) a été mis en place en 2011. Il rassemble aujourd’hui hui Fongecifs – Ile-de-France, Rhône-Alpes, PACA, Nord-Pas-de-Calais, Centre, Pays de Loire, Alsace, Bretagne – qui regroupe 80% des publics. « Ce sont des résultats à recouper avec ceux du CIF pour voir comment évolue les parcours individuels afin de voir s’il n’y aurait pas des constantes qui permettraient de dégager des conclusions. Sachant que la difficulté réside dans le fait que le projet a pu changer en cours de route et que ce sont des projets qui courent sur trois ans et donc qu’il faut retrouver les gens après », expliquent Gérard Goron.
Une première analyse des données régionales laissent apparaître que les vendeurs non spécialisés et les agents administratifs divers en entreprises sont en PACA les plus demandeurs d’une nouvelle orientation professionnelle. « On a déjà recueilli 25 à 30 fiches de témoignages : on vise les 50 d’ici la fin de l’année. Il s’agit d’une source d’inspiration pour les gens, de les outiller pour qu’ils fassent un choix et en aucun cas de les orienter. C’est le contraire de la prescription », indique Nicolas Stringhetta. Car les anciens bénéficiaires du CIF demeurent les meilleurs ambassadeurs du dispositif comme en atteste le club « Ils ont osé ». Il compte aujourd’hui 80 membres qui se mobilisent via des interviews ou les forums du Fongecif PACA.
Un dispositif du CIF qui a continué à jouer en 2012 son rôle d’ascenseur social. Dans la région, près de 2 700 personnes en ont bénéficié l’année dernière. Si on observe une baisse des personnes en CDI (1701 contre 1744 en 2011), la crise offrant moins d’opportunités de changement, on observe en revanche une nette progression des CIF en CDD (990 contre 657 en 2011), un dispositif encore mal connu sur lequel l’organisme paritaire a beaucoup communiqué l’an passé. L’année 2012 a aussi vu le doublement (334 contre 166) des heures de formation hors temps de travail. A noter que 12% des personnes en CIF créent ensuite leur entreprise : pour les seconder dans leurs démarches, le Fongecif PACA a mis en place les Prestations d’accompagnement à la création et à la reprise d’entreprise (PACRE).
L’année 2013 sera enfin marquée par la célébration des 30 ans du CIF. Le 7 novembre prochain, aux Docks des Suds à Marseille, la 3e édition du Forum des évolutions professionnelles organisé par le Fongecif PACA mettra ainsi sur le devant de la scène les personnes qui ont été soutenues par les équipes de l’organisme paritaire. L’occasion de mettre en lumière les vertus d’un accompagnement qui met l’individu et son projet personnel au centre du jeu.

Serge PAYRAU

(*) Ce sigle désigne les structures associatives à gestion paritaire qui collectent les contributions financières des entreprises qui relèvent de leur champ d’application dans le cadre du financement de la formation professionnelle continue des salariés des entreprises de droit privé. Le Fongecif est un OPCA.

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