Génocide arménien. Renaud Muselier: ‘Se souvenir n’est jamais une option’

Publié le 13 avril 2023 à  12h15 - Dernière mise à  jour le 6 juin 2023 à  19h30

Renaud Muselier, président de la Région Provence-Alpes-Côte d’Azur vient de commémorer le génocide arménien lors d’une cérémonie à l’Hôtel de Région, aux côtés de Julien Harounyan, Azad Balalas, co-présidents du Conseil de coordination des organisations arméniennes de France (CCAF) Sud et de Madeleine Proshyan, consule générale d’Arménie à Marseille. Lors de cette cérémonie, le Président de Région a renouvelé son soutien à l’Artsakh et a annoncé l’ouverture d’une ligne directe aérienne entre Marseille et Erevan.

Renaud Muselier entouré de Julien Harounyan, Madeleine Proshyan et Azad Balalas (Photo Jean-Charles Verchère)
Renaud Muselier entouré de Julien Harounyan, Madeleine Proshyan et Azad Balalas (Photo Jean-Charles Verchère)

Pour Renaud Muselier: «Se souvenir n’est jamais une option, c’est toujours un devoir. C’est une nécessité au moment où l’Azerbaïdjan a de nouveau agressé l’Arménie. 4 soldats arméniens ont été tués ce 11 avril, et le cessez-le-feu encore une fois violé. Le droit international est bafoué, et les Arméniens sont menacés». La mémoire, selon lui, «est une exigence au moment où les négationnistes, révisionnistes et complotistes, qui se servent des réseaux sociaux pour propager leur haine, remettent en question le génocide, souvent soutenus par la propagande turque et azérie où l’arménophobie prospère». Alors, dans ce contexte, il déclare : «C’est un honneur car être à vos côtés, c’est être du côté de la vérité, de la justice, de l’histoire. Du côté des victimes, bien sûr, mais de victimes qui se tiennent debout, qui regardent leurs bourreaux dans les yeux, et qui ne se sont jamais rendus».

«La même volonté génocidaire qu’en 1915»

Il rappelle que les tensions ne datent pas d’hier, cite «la guerre des 44 jours en Artsakh à l’automne 2020 déclenchée par l’Azerbaïdjan. Des milliers de jeunes arméniens sont tombés au combat et ont subi de nombreux crimes de guerre : bombes au phosphore blanc, bombes à sous munition, mutilations de prisonniers, bombardements de civils, d’églises … C’est la même volonté génocidaire qu’en 1915». En septembre 2022, poursuit-il: «C’est alors le territoire souverain de l’Arménie qui est visé par l’Azerbaïdjan. L’armée azerbaïdjanaise lance une attaque majeure dans l’Est. L’intégrité territoriale de l’Arménie est alors violée comme en mai 2021…Toujours, la même volonté d’anéantissement… ». Et depuis le mois de décembre, 4 mois jour pour jour, «120 000 Arméniens d’Artsakh subissent un blocus inacceptable du corridor de Latchine par l’Azerbaidjan. Tels des otages en leur propre terre : tickets de rationnements, accès restreint à l’école, à la santé, à l’énergie … Un drame humanitaire se déroule à nouveau dans un silence trop assourdissant». Et il déplore: «Malgré la condamnation de l’Azerbaïdjan par la cour internationale de justice, cet empiètement rampant, par l’Azerbaïdjan belliqueux qui ne cache pas sa volonté d’annexion, n’en finit pas».

«Une ligne aérienne directe entre Marseille et Erevan»

Renaud Muselier rappelle que «l’amitié entre l’Arménie et la Région ne date pas d’hier : Nous avons un partenariat avec le Gouvernorat de Lori, que nous avons renouvelé en 2019 à Marseille, à l’occasion de Méditerranée du Futur». Il signale l’ouverture d’une ligne aérienne directe entre Marseille et Erevan «après des années d’efforts et d’engagement de toute la communauté». Et annonce qu’il se rendra en Arménie le 27 juin, pour le vol inaugural opéré par la compagnie Transavia.

Il conclut son intervention en déclarant: «Quand on sait que les rescapés du génocide, apatrides, sont arrivés ici à Marseille, capitale régionale dès 1922 ; quand on connaît l’histoire de Missak Manouchian et de l’Affiche rouge, que je souhaite voir rentrer au Panthéon, on comprend enfin que le rôle des Arméniens dans l’histoire de notre pays est un trésor».

« la communauté internationale se tait, ne fait rien»

Pour Azad Balalas: «100 ans après, les Français originaires d’Arménie ont su construire un avenir dans cette République que nous chérissons sans oublier notre pays d’origine». Il note: «Notre diaspora est particulièrement dynamique et nous avons une spécificité: nous sommes plus nombreux à l’extérieur qu’à l’intérieur de notre Patrie». A son tour il évoque les 120 000 arméniens d’Artsakh «On veut les priver de tout, les affamer, les priver de soins. Les écoles, les entreprises sont à l’arrêt et, pendant ce temps, la communauté internationale se tait, ne fait rien. L’ancien protecteur russe utilise l’Azerbaïdjan pour vendre son gaz». Il dénonce: «Certes la France envoie des observateurs, certes, des villes, dont Marseille, des Régions, dont Provence-Alpes-Côte d’Azur, nous soutiennent mais la politique de neutralité du Quai d’Orsay aura des conséquences funèbres. On dira la France a su mais n’a rien fait». Et de lancer: «Espérons ne pas avoir à célébrer un nouveau génocide».

«En France la Turquie s’appuie sur des réseaux nationalistes des loups gris»

Julien Harounyan enchaîne: «Ne nous trompons pas, les bourreaux d’hier sont les mêmes aujourd’hui. De l’empire ottoman à la Turquie d’aujourd’hui en passant par l’Azerbaïdjan, l’idéologie du panturquisme continue de se répandre». Pour lui, s’il «existe bien une loi déclarative en France qui reconnaît le génocide des Arméniens, toujours rien pour condamner son négationnisme». Il ajoute : «En France la Turquie s’appuie sur des réseaux nationalistes des loups gris, certes dissous mais qui se réorganisent. (…) Nous savons qu’une menace pèse sur notre communauté comme elle pèse sur la communauté kurde. Nous en avons eu la triste démonstration lors des attentats du centre culturel de Paris le 23 décembre dernier».

«La France doit agir davantage»

Il revient à la situation en Arménie, lance: «Il est temps de stopper la frénésie meurtrière. Nous demandons des sanctions de l’Union Européenne contre les dirigeants de l’Azerbaïdjan par le gel de leurs avoir en Europe. Nous demandons l’arrêt du contrat gazier liant l’Europe à ce pays. Nous demandons des sanctions sportives internationales, notamment que la délégation azerbaïdjanaise soit suspendue pour les JO de Paris 2024 jusqu’à la réouverture sans condition du corridor de Iatchin». Il considère d’autre part: «La France doit agir davantage. Elle peut, sous son égide et son drapeau mettre en œuvre un convoi humanitaire pour rompre le blocus des Arméniens d’Artsakh et agir pour installer une force de paix internationale fiable aux frontière de l’Arménie».

Le mot de la fin revient à Madeleine Proshyan, consule générale d’Arménie à Marseille: «Plus d’un siècle a passé depuis le génocide de 1915 et le peuple arménien est de nouveau menacé, le nettoyage ethnique se poursuit».
Michel CAIRE

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